La législation sur l’abus de fonction – objet de débat à Bucarest
Le ministère roumain de la Justice a annoncé qu’un seuil « raisonnable » serait fixé, à partir duquel l’abus de fonction soit classé parmi les délits. Le ministre Tudorel Toader, a fait cette précision suite à une décision des juges de la Cour Constitutionnelle, selon lesquels c’est au Parlement de décider du seuil à fixer pour les préjudices causés par de tels faits.
Bogdan Matei, 13.06.2017, 14:10
Le ministère roumain de la Justice a annoncé qu’un seuil « raisonnable » serait fixé, à partir duquel l’abus de fonction soit classé parmi les délits. Le ministre Tudorel Toader, a fait cette précision suite à une décision des juges de la Cour Constitutionnelle, selon lesquels c’est au Parlement de décider du seuil à fixer pour les préjudices causés par de tels faits.
La Cour Constitutionnelle répond ainsi à la demande adressée par Bombonica Prodana, ex-épouse de Liviu Dragnea, président du Parti Social-Démocrate (PSD) au pouvoir et de la Chambre des Députés. Bombonica Prodana fait elle-même l’objet d’un dossier portant sur l’abus de fonction et avait par conséquent à l’instance suprême de saisir la Cour Constitutionnelle quant à la nécessité de fixer un seuil pour les préjudices causés sous forme d’abus de fonction. Elle a d’ailleurs invoqué la non-constitutionnalité de l’article portant sur l’abus de fonction figurant dans l’actuel Code Pénal. Et pour cause: l’ex-épouse de Liviu Dragnea fait l’objet d’une enquête dans le dossier des embauches faites par la Direction d’assistance sociale du département de Teleorman (dans le sud du pays), à la tête de laquelle elle s’était trouvée alors que son mari était président du Conseil départemental de Telorman. Les procureurs de la Direction nationale anticorruption accusent Liviu Dragnea lui-même d’incitation à l’abus de fonction et au faux intellectuel. Il aurait déterminé les responsables de la Direction à embaucher fictivement deux personnes membres de l’organisation départementale du PSD. Ces personnes avaient été payées de l’argent public, bien qu’ayant travaillé uniquement pour le parti.
Le ministre de la Justice Tudorel Toader explique : « Nous attendrons tout d’abord la décision de la Cour, sa motivation dans tous ses détails, pas uniquement son communiqué. Ensuite, nous organiserons des débats avec les professionnels du droit, avec la société civile, pour voir quel pourrait être ce « seuil raisonnable » susceptible de mettre en accord les prévisions du Code pénal avec la décision de la Cour constitutionnelle ».
Au nom des magistrats, la présidente de la Haute cour de cassation et de justice, Cristina Tarcea, estime que le seuil devra être fixé en fonction des estimations des juges quant au niveau du danger social que comportent les faits.
Cristina Tarcea précise : « J’estime que c’est prématuré de nous attarder maintenant sur la gravité de la fraude, car si la Cour constitutionnelle a pris en compte un degré plutôt réduit de danger social des faits, le seuil devra, certes, être lui aussi relativement bas ; si la Cour a pris en compte d’autres aspects, le seuil peut être tout autre, en fonction de la motivation de la Cour constitutionnelle. »
Pour sa part, le Ministère Public conteste vivement l’introduction de tout seuil pour l’abus de fonction. Le procureur général de la Roumanie, Augustin Lazar, précise qu’il ne renoncera pas à son point de vue, qu’il a déjà exprimé publiquement. L’annonce survient sur la toile de fond des doutes profondes au sein de la société roumaine en ce qui concerne le désir des partis au pouvoir de poursuivre la lutte contre la corruption, pendant laquelle de nombreux hommes politiques, autrefois intangibles, se sont retrouvés soit parmi les accusés soit derrière les barreaux.
Rappelons – le, en début d’année, la tentative de l’ancien ministre de la Justice, Florin Iordache, d’assouplir par décret d’urgence la législation pénale a fait descendre dans les rues des centaines de milliers de personnes, soit les manifestations les plus amples que la Roumanie post-communiste ait connues. Le gouvernement a fini par renoncer aux décrets d’urgence controversés et Florin Iordache – à son portefeuille de ministre. (Trad. Dominique, Valentina Beleavski)