Funambulisme sur fil tendu
Sa mission fut délicate dès le départ. Installé dans le fauteuil de ministre de la Justice le 23 février dernier, l’ancien juge constitutionnel Tudorel Toader était censé réparer le grave préjudice d’image et de prestige provoqué à la coalition gouvernementale roumaine par son prédécesseur, le très impopulaire Florin Iordache. Celui-ci avait essayé de modifier à la va-vite le Code Pénal, par décret d’urgence, geste ayant provoqué les plus amples manifestations de rue déroulées à travers le pays, après la chute du régime communiste, en 1989.
Bogdan Matei, 06.04.2017, 14:30
Sa mission fut délicate dès le départ. Installé dans le fauteuil de ministre de la Justice le 23 février dernier, l’ancien juge constitutionnel Tudorel Toader était censé réparer le grave préjudice d’image et de prestige provoqué à la coalition gouvernementale roumaine par son prédécesseur, le très impopulaire Florin Iordache. Celui-ci avait essayé de modifier à la va-vite le Code Pénal, par décret d’urgence, geste ayant provoqué les plus amples manifestations de rue déroulées à travers le pays, après la chute du régime communiste, en 1989.
Les centaines de milliers de protestataires, une bonne partie de l’opinion publique, les médias, l’opposition de droite de Bucarest ainsi que les partenaires occidentaux de la Roumanie avaient vu dans ce geste une tentative de sape de la lutte anticorruption, facilitant également le sort de nombreuses figures influentes en politique et dans l’administration, qui ne devaient plus rendre des comptes à la Justice.
Magistrat sans appartenance politique et professeur universitaire, Tudorel Toader n’a pas hésité à prendre des décisions qui viennent à l’encontre des attentes de la majorité parlementaire. Il n’a pas demandé le départ des procureurs en chefs du Parquet général et du Parquet anticorruption, comme attendu par nombre de leaders sociaux-démocrates et libéraux-démocrates, au pouvoir. Ces derniers estiment qu’Augustin Lazar et, respectivement, Laura Codruta Kövesi auraient fait de la Roumanie une véritable « république des procureurs », où les droits de l’homme seraient, disent-ils, systématiquement bafoués. Dans le même temps, Tudorel Toader a demandé un contrôle externe à tous les grands parquets composant le Ministère public roumain, soit la première évaluation de ce genre réalisée depuis une dizaine d’années.
Et pas en dernier lieu, le ministre de la Justice a rejeté mercredi les modifications apportées par les députés au projet de loi visant le conflit d’intérêts, sujet d’âpres débats dans la presse. La Commission juridique de la Chambre des députés avait ainsi remplacé le « conflit d’intérêts » par une formule plus vague — « utilisation de la fonction pour favoriser des tiers ». De même, embaucher des proches d’un fonctionnaire public n’était plus considéré comme un délit que dans le cas où la situation générait « un préjudice d’intérêt public ».
En revanche, Tudorel Toader a affirmé que son ministère présentera bientôt un projet de modification du Code pénal qui doit clarifier la situation de l’abus de fonctions. Celui-ci laissera aux juges d’appliquer des sanctions, sans prévoir de limite inférieure pour le préjudice provoqué, comme en tenté d’imposer l’ex-ministre de la Justice, Florin Iordache. Le texte des nouveaux Code pénal et de Procédure pénale sera soumis au débat public. Le ministre devra discuter avec toutes les parties impliquées avant de demander l’avis du gouvernement pour ce projet, a également exigé le chef de l’exécutif, Sorin Grindeanu. (trad. : Andrei Popov)