La modification de la législation pénale, contestée dans la rue
La Roumanie a vécu une journée que même le chef de l’Etat Klaus Iohannis a qualifiée de journée de deuil, suivie par une nuit blanche, marquée par des protestations spontanées dans les rues de toutes les grandes villes roumaines. « Il est inadmissible, c’est un pied-de-nez ce geste du gouvernement d’approuver, tard dans la soirée, un décret d’urgence dans un domaine tellement sensible comme le Code pénal et le Code de procédure pénale. C’est intolérable. » a affirmé M Iohannis. La vaste majorité des articles du décret entreront en vigueur 10 jours après la publication du document dans le Journal officiel.
Bogdan Matei, 01.02.2017, 17:21
La Roumanie a vécu une journée que même le chef de l’Etat Klaus Iohannis a qualifiée de journée de deuil, suivie par une nuit blanche, marquée par des protestations spontanées dans les rues de toutes les grandes villes roumaines. « Il est inadmissible, c’est un pied-de-nez ce geste du gouvernement d’approuver, tard dans la soirée, un décret d’urgence dans un domaine tellement sensible comme le Code pénal et le Code de procédure pénale. C’est intolérable. » a affirmé M Iohannis. La vaste majorité des articles du décret entreront en vigueur 10 jours après la publication du document dans le Journal officiel.
Aux termes de cet acte normatif, l’abus de fonction ne sera plus un délit pénal si le préjudice est inférieur à 50 mille euros. Le fait de favoriser l’auteur d’un délit par l’adoption de textes législatifs, tels les décrets que le gouvernement vient d’adopter, ne constituera plus un acte de nature pénale. Même cas de figure pour les personnes qui sont membres de la famille de l’auteur d’un délit.
La modification du Code pénal a généré d’amples protestations à Bucarest et dans les principales villes roumaines. Malgré des températures glaciales, une quarantaine de milliers de Roumains ont investi la rue et protesté spontanément dans la nuit de mardi à mercredi et puis le lendemain, à Bucarest, Cluj, Sibiu, Timisoara et Iasi. Dans la capitale, plus de 12 mille protestataires ont encerclé le siège du gouvernement.
L’équipe gouvernementale du social-démocrate Sorin Grindeanu a été la première en un quart de siècle à en être évacuée par un véhicule de la gendarmerie. L’ire des Roumains a été amplifiée par le fait que les décrets avaient été adoptés en cachette.
Dimanche, une centaine de milliers de Roumains avaient protesté à travers le pays et dans certaines villes européennes contre l’intention du Gouvernement de modifier la loi pénale et d’accorder une grâce collective à plusieurs catégories de détenus, des initiatives officiellement censées résoudre le problème de la surpopulation carcérale.
Lundi, le ministre de la Justice, Florin Iordache avait organisé un débat public à ce sujet et avait promis de prendre en compte les objections qui y ont été exprimées. Cette initiative gouvernementale a été amplement critiquée par les chefs des parquets : général, anticorruption et anti-terroriste, selon lesquels l’Etat de droit avait subi une attaque grave et que des années de lutte contre la corruption avaient été annulées.
Comparée à la fameuse opération anti-mafia, « mani pulite »/ « mains propres », qui avait assaini la classe politique italienne, la campagne anti-corruption de Roumanie a réussi à déférer à la Justice un premier ministre en fonction, d’anciens chefs de gouvernement, des dizaines de ministres, membres du parlement, préfets, maires, présidents de Conseils départementaux, des représentants aussi bien du Pouvoir que de l’Opposition, de gauche ou de droite.
A l’heure actuelle, selon la presse roumaine et internationale, un gouvernement entier s’est mobilisé pour sauver son patron politique, le président du Parti Social-Démocrate (PSD) Liviu Dragnea. Condamné déjà à deux ans de prison avec sursis pour avoir tenté de frauder en 2012 le référendum de destitution du président de l’époque Traian Basescu, M Dragnea est actuellement jugé par la Haute Cour de Cassation et de Justice pour instigation à l’abus de fonction. Selon les procureurs, il aurait facilité l’embauche de deux membres du PSD à la Direction générale d’Assistance sociale et de protection de l’enfance du département de Teleorman, dans le sud du pays. Les deux salariées, rémunérées avec de l’argent public, auraient presté un travail fictif, puisqu’elles travaillaient plutôt pour le PSD. Le préjudice calculé par les procureurs dans ce dossier s’élève à environ 24 mille euros. Grâce au seuil des 50 mille euros imposé par le décret gouvernemental pour qu’un abus de fonction ait une nature pénale, l’homme fort de la gauche se voit carrément exonéré. Rappelons-le, Liviu Dragnea est celui qui a mené le PSD à une victoire retentissante au scrutin législatif du 11 décembre dernier, sans pour autant promettre de mettre fin à la lutte contre la corruption. (Trad. Alex Diaconescu)