Timisoara – 24 ans depuis la Révolution…
Le tout a commence le 16 décembre à Timisoara. Depuis toujours plus sensible aux évolutions du reste de l’Europe, la grande ville cosmopolite dans l’ouest du pays vibrait, déjà, face aux transformations en Pologne, en Hongrie, en Tchécoslovaquie et en Allemagne de l’Est où, sous la pression de la rue et poussés par le leader réformateur Mihail Gorbatchev, les dictateurs locaux avaient consenti d’abandonner le pouvoir sans verser du sang.
Bogdan Matei, 16.12.2013, 13:41
Contraste strident à Bucarest où, toujours plus isolé de l’extérieur et détesté par son propre peuple, Nicolae Ceausescu venait d’être re-confirmé, à l’unanimité, à la tête du parti unique par le congrès de novembre. Les phrases dithyrambiques de la propagande qui alimentait le culte de la personnalité de Ceausescu étaient dramatiquement contredites par le gris de la vie quotidienne des Roumains dominée par la peur, la faim et le froid.
Le déclencheur de ce qui allait devenir la Révolution Roumaine a été la décision des autorités de Timisoara d’expulser de la ville l’incommode pasteur réformé d’ethnie hongroise Laszlo Tökes, aujourd’hui parlementaire européen. Les ouailles réunis pour défendre leur prêtre ont été rejoints par des centaines d’habitants de la ville de différentes ethnies et confessions qui, en scandant des slogans contre la dictature et en demandant la liberté, se sont dirigés vers le siège du Comité Départemental du Parti Communiste et ont eu les premières accrochages avec les forces de l’ordre.
Les participants à la révolte se rappellent : « Nous avions senti que le moment était venu de faire quelque chose pour le peuple roumain et faire tourner la roue de la démocratie. Premièrement, nous avons franchi un pas vers la liberté, c’est à dire un début de démocratie. »
Longtemps contesté ouvertement, le régime a réagi sans pitié. Les troupes ont ouvert le feu contre les manifestants sans armes. Mais, elle-même humiliée année après année par son propre comandant suprême, l’armée a refusé d’obéir aux ordres et s’est retirée dans les casernes. Désormais sous le contrôle des révolutionnaires, Timisoara devient le 20 décembre la première ville roumaine libre de communisme. La révolte s’est étendue rapidement dans d’autres grandes villes culminant à Bucarest où les gens, convoqués à un meeting géant programme sans inspiration pour condamner les gens de Timisoara, ont fini par assiéger le centre du pouvoir et obliger Ceausescu à fuir, le 22, en hélicoptère. Capture, jugé sommairement et exécuté à la hâte, celui-ci laissait au pouvoir après lui un mélange hétérogène de révolutionnaires authentiques et de communiste de deuxième rang.
Longtemps, les gens de Timisoara qui avaient déclenché la révolution ont ressenti comme une trahison la perpétuation au pouvoir des figures de l’ancien régime à la tête du premier président post-décembre, l’ancien ministre de Ceausescu, Ion Iliescu. Eux, encore, demandaient en mars 1990, en première et, en fin de compte, en vain, selon le modèle tchèque ou est-allemand, la lustration de la vie politique des anciens activistes du parti communiste et des agents de la Securitate. (trad.: Costin Grigore)