Le photographe Alexandru Tzigara-Samurcaș
Le nom d’Alexandru
Tzigara-Sarmucaș est intimement lié aux débuts de l’étude du monde rural
roumain. Spécialiste du folklore, ethnologue, historien de l’art, professeur de
l’histoire de l’art aux Universités de Bucarest et de Cernăuți
(Tchernovtsy) et fondateur de la muséographie roumaine, Tzigara-Sarmucaș fait aussi partie de l’histoire
de la photographie en terre roumaine. Cette passion l’a amené à immortaliser le
village et ses gens, beaucoup moins intéressants aux yeux de ses contemporains
que la vie citadine. La Bibliothèque de l’Académie roumaine a voulu présenter
au grand public l’œuvre photographique du célèbre ethnologue à travers une
exposition intitulée « Oltenia de acum un secol în fotografiile lui Alexandru Tzigara-Sarmucaș/L’Olténie
d’il y a un siècle dans les photos d’Alexandru Tzigara-Sarmucaș ». La
collection de la Bibliothèque contient à présent environ 4000 photos et 1000 clichés
réalisés par lui.
Steliu Lambru, 30.04.2023, 10:00
Le nom d’Alexandru
Tzigara-Sarmucaș est intimement lié aux débuts de l’étude du monde rural
roumain. Spécialiste du folklore, ethnologue, historien de l’art, professeur de
l’histoire de l’art aux Universités de Bucarest et de Cernăuți
(Tchernovtsy) et fondateur de la muséographie roumaine, Tzigara-Sarmucaș fait aussi partie de l’histoire
de la photographie en terre roumaine. Cette passion l’a amené à immortaliser le
village et ses gens, beaucoup moins intéressants aux yeux de ses contemporains
que la vie citadine. La Bibliothèque de l’Académie roumaine a voulu présenter
au grand public l’œuvre photographique du célèbre ethnologue à travers une
exposition intitulée « Oltenia de acum un secol în fotografiile lui Alexandru Tzigara-Sarmucaș/L’Olténie
d’il y a un siècle dans les photos d’Alexandru Tzigara-Sarmucaș ». La
collection de la Bibliothèque contient à présent environ 4000 photos et 1000 clichés
réalisés par lui.
Alexandru Tzigara-Samurcaș est
né à Bucarest en 1872, les mauvaises langues disant qu’il aurait été le fils
naturel du roi Carol I. Germanophile, il fait des études de philosophie à
l’Université de Munich, avec une spécialisation en histoire de l’art. Les
recherches généalogiques ont mis en évidence des ascendances grecques et
italiennes, mais aussi des liens de parenté avec les familles de boyards
roumains Kretzulescu et Crețeanu. Tzigara-Samurcaș a épousé une Cantacuzène, ce
qui lui a facilité l’ascension sociale. Il a rejoint la société littéraire
« Junimea » (mot roumain vieilli signifiant « jeunesse »),
d’orientation libérale-conservatrice, et il a commencé à signer des articles
dans la presse culturelle de l’époque. Lors de l’éclatement de la Grande
guerre, il s’est montré favorable au maintien de l’alliance de la Roumanie avec
l’Allemagne, se déclarant contre l’alliance avec la France et la Grande
Bretagne. Après la fin de la conflagration, des voix se sont élevées pour
demander des sanctions contre Alexandru Tzigara-Samurcaș, accusé d’avoir
collaboré avec l’occupation allemande entre 1916 et 1918. Il a résisté aux
critiques, continuant à enseigner à l’université. Son nom est aussi lié à la
première émission de radio diffusée en Roumanie le 1er novembre 1928,
pour laquelle il a écrit un texte spécial. Alexandru Tzigara-Samurcaș est mort
à Bucarest, en 1952, trois jours avant son quatre-vingtième anniversaire.
Alina
Popescu, de la Bibliothèque de l’Académie roumaine, est la commissaire de
l’exposition Tzigara-Samurcaș : « L’exposition rassemble des photos
d’églises et de monastères, notamment des fresques et du mobilier, d’Olténie,
des images essentielles pour comprendre l’aspect d’il y a une centaine d’années
de ces objets et lieux de culte. Les photos, réalisées entre 1900 et 1930, sont
d’autant plus intéressantes si on les compare à la réalité d’aujourd’hui. Des
photographes, notamment des artistes-photographes, avaient aussi existé avant
Alexandru Tzigara-Samurcaș, des gens qui s’arrêtaient çà et là et prenaient des
photos d’une église, pour des raisons artistiques ou bien à la demande d’un
quelconque client. Il y avait également eu des voyageurs touristes munis d’un
appareil photo. Mais Tzigara-Samurcaș a probablement été le premier à avoir
délibérément choisi de prendre effectivement des photos endroit par endroit,
objet par objet, en prenant en compte ses projets personnels ultérieurs, tels
donner un cursus d’histoire de l’art ou écrire un livre ou, pourquoi pas,
réfléchir déjà à fonder le Musée national devenu aujourd’hui le Musée du Paysan
Roumain. »
Alina
Popescu a décrit ce que le regard d’Alexandru Tzigara-Samurcaș voyait
tout autour lorsqu’il immortalisait le monde villageois: « Il voit un
grand nombre d’églises en ruines, il voit de nombreux édifices, objets, églises
frappés par la dégradation, l’oubli et le manque d’intérêts des contemporains.
Même les anciennes chapelles, érigées par les plus ou moins petits boyards sur
leurs domaines et qui gardent à l’intérieur les portraits en fresque des
fondateurs, sont plutôt mal entretenues, mal éclairées et abîmées. D’ailleurs,
ses photos devancent de peu les projets de restauration, assez nombreux, mis en
œuvre par la Commission des Monuments, entre 1880 et 1940. »
Quelles différences peut-on
saisir entre les images actuelles et celles retenues par le regard
photographique d’Alexandru Tzigara-Samurcaș, il y a plus de 100 ans? Alina
Popescu croit que le temps a apporté des différences qui ont besoin
d’explications supplémentaires:
« Nous avons fait très attention
à ce que les étiquettes du catalogue et celles de l’exposition contiennent des
notes explicatives détaillées dans le cas des églises et des objets chez
lesquels les différences sont très marquées. Un seul exemple pour mieux
comprendre: dans la commune de Vladimir, les effigies des saints patrons de l’église
(Saint Constantin, Sainte Hélène, Sainte Parasquève et Saint Jean Baptiste),
peintes sur la façade ouest, n’existe plus de nos jours. La façade ouest est
entièrement peinte en blanc, alors que vers 1920 elle était décorée de la
fresque initiale, réalisée autour de l’année 1800. »
Les photos réalisées par
Alexandru Tzigara-Samurcaș il y a plus d’un siècle montrent un monde en retard,
mais aussi en pleine transformation, un monde que les gens actuels réussissent
à mieux comprendre grâce à l’avantage du temps passé. Ce monde est arrivé
jusqu’à nous dû à la technologie d’époque, celle d’aujourd’hui ayant pour
mission de transmettre au monde de demain ce qu’elle voit dans le présent.
(Trad. Ileana Ţăroi)