La Villa Bendic de Târgovişte
Christine Leșcu, 05.06.2022, 09:30
Ancienne capitale médiévale de la principauté de
Valachie, la ville de Târgoviște, sise à 80 km au nord-ouest de Bucarest, est connue pour la célèbre Tour
de Chindia, à l’intérieur de l’ancienne Cour princière. La ville abrite aussi
des trésors d’architecture plus ou moins modernes, mais certainement moins
connus du grand public. C’est le cas de la Villa Bendic, dont la valeur est
liée à son apparence ainsi qu’à son architecte, membre de la communauté
italienne de la ville. Ionuț Catangiu, représentant de l’association
Târgoviștea Restaurată (Târgovişte restaurée), raconte l’histoire de l’édifice: L’on connait des détails intéressants sur le propriétaire de la villa,
Mihai Bendic, un entrepreneur industriel originaire de Croatie, qui a vécu au
début du siècle dernier. Il s’était spécialisé dans le domaine minier sur la
côte dalmate et, une fois à Târgoviște, il lança une très belle affaire:
l’exploitation de la mine de lignite d’une commune proche de la ville. À
Târgoviște, Mihai Bendic avait eu besoin de se faire construire une maison et il
choisit donc Romano de Simon pour lui en dessiner une, la belle demeure que
nous connaissons tous. L’immeuble imposant, construit dans le style éclectique
néo-roumain, est situé dans un quartier historique typique, sur Calea Câmpulung,
vieille rue commerciale de notre ville. Il fut érigé en 1925-1926, mais le
propriétaire n’eut malheureusement pas la chance d’en profiter trop longtemps,
car les autorités communistes installées après la fin de la deuxième guerre
mondiale décidèrent de le confisquer en 1948. La villa devint par la suite la
Maison des pionniers, puis le Club des enfants. De nos jours, elle est connue
comme le Palais des enfants et accueille diverses activités destinées aux petits.
Les détails ornementaux et la
position géographique rehaussent la valeur de la Villa Bendic, affirme Ionuț
Catangiu: Premièrement, si nous nous rendons sur
place, nous remarquerons que cette maison occupe à peu près le centre du
terrain, étant entourée de jardins et d’un très joli parc. Le rez-de-chaussée
est dominé par une porte d’entrée imposante, au-dessus de laquelle plusieurs
belles loggias, imaginées par Romano de Simon, décorent la façade ainsi que l’arrière
de l’édifice. L’intérieur est tout aussi impressionnant. Le salon est couronné
par un plafond à caissons, tandis que l’imposant escalier intérieur a été
sculpté par l’architecte lui-même, qui l’a orné de motifs végétaux et
animaliers, tels un sanglier, des oiseaux et des reptiles, rappelant la passion
du propriétaire, Mihai Bendic, pour la
chasse. Au rez-de-chaussée, la peinture du hall d’entrée reproduisait les mêmes
motifs pour la même raison. Après l’installation du régime communiste, la villa
a été modifiée et repeinte.
La Villa Bendic met également
en lumière la communauté italienne de Târgoviște, représentée par l’architecte
Romano de Simon. Ionuț Catangiu précise : À la fin du XIXe
siècle, de nombreuses familles du nord et du nord-est de l’Italie sont venues
s’installer en Roumanie, répondant peut-être aussi à l’appel du roi Carol I,
qui avait souhaité, dans un premier temps, une colonisation italienne de la
plaine de Bărăgan. Une fois arrivés en Roumanie, ces Italiens ont migré petit à
petit vers des villes telles Bucarest et surtout Târgoviște. Dans la seconde
moitié du XIXe siècle, Târgoviște était un bourg qui cherchait à se développer
et qui était, donc, en quête d’ouvriers, des tailleurs de pierre par exemple,
pour construire de nouvelles maisons. La famille Del Basso a dessiné et construit
le bâtiment de la préfecture, l’actuel Musée d’art de la ville, l’architecte Enzo Canela a imaginé la Casa d’Italia, des
constructions représentatives de Târgoviște. La famille de Simon s’y est
établie vers la fin du XIXe siècle. Romano de Simon y est né le 21 janvier 1900,
dans une famille originaire d’une commune près d’Udine, au nord-est de l’Italie.
Son père l’a envoyé étudier l’architecture à l’Académie des Beaux Arts de la
ville de Parme. En 1923, il rentrait à Târgoviște, où il ouvrit son propre
cabinet d’architecte et enseigna le dessin et l’italien au lycée de commerce de
la ville.
Malgré le grand nombre
d’édifices réalisés dans le style néo-roumain, Romano de Simon s’est aussi
tourné vers d’autres styles architecturaux, ajoute Ionuț Catangiu, représentant
de l’association Târgoviștea Restaurată: Nous pouvons admirer une très
belle série de créations de De Simon. Nous avons des maisons de style
néo-roumain: la Villa Mihai Bendic et une autre, très belle aussi, à côté de
l’Hôtel de Ville. Il y a ensuite des édifices de culte, tels que les Églises
catholique de Ploiești et de Constanța,
où il a utilisé un courant florentin mauresque. L’architecture des églises
orthodoxes de Șotânga et de Gura Ocniței est tout aussi belle, bien que sans
spécifique néo-roumain. En 1956, Romano De Simon a réussi à obtenir un poste à
l’Institut d’architecture de Bucarest, mais il est revenu à Târgoviște après
les tremblements de terre de 1940 et de 1977, pour vérifier l’état des édifices
qu’il avait construits.
Le 26 mai dernier, nous avons
commémoré 41 ans depuis la disparition de Romano de Simon, une occasion de
redécouvrir ses créations de Târgoviște et d’autres endroits du département de
Dâmbovița. (Trad. Ileana Ţăroi)