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Une victime du régime communiste : Gheorghe Ene Filipescu

Pour l’écrivaine et angliciste Monica Pillat, petite-fille du poète Ion Pillat et descendante, par son père, de la famille des grands hommes politiques Brătianu, reconstituer l’histoire récente de sa famille est un projet assumé depuis longtemps. Elle a commencé par ramener dans l’espace public la biographie et l’œuvre de son père, Dinu Pillat, un important intellectuel de l’entre-deux-guerres, que le régime communiste avait jeté en prison au début des années 1960, pour avoir écrit un roman sur un sujet désapprouvé par le parti communiste. En 2021, c’est la branche maternelle de la famille qui se place au premier plan. De ce côté-là, un personnage particulièrement important a été le grand-père, auquel sa petite-fille a dédié le livre « Bunicul meu fără mormânt. Gheorghe Ene-Filipescu/Mon grand-père sans tombe. Gheorghe Ene-Filipescu ».

Une victime du régime communiste : Gheorghe Ene Filipescu
Une victime du régime communiste : Gheorghe Ene Filipescu

, 22.05.2022, 12:49

Pour l’écrivaine et angliciste Monica Pillat, petite-fille du poète Ion Pillat et descendante, par son père, de la famille des grands hommes politiques Brătianu, reconstituer l’histoire récente de sa famille est un projet assumé depuis longtemps. Elle a commencé par ramener dans l’espace public la biographie et l’œuvre de son père, Dinu Pillat, un important intellectuel de l’entre-deux-guerres, que le régime communiste avait jeté en prison au début des années 1960, pour avoir écrit un roman sur un sujet désapprouvé par le parti communiste. En 2021, c’est la branche maternelle de la famille qui se place au premier plan. De ce côté-là, un personnage particulièrement important a été le grand-père, auquel sa petite-fille a dédié le livre « Bunicul meu fără mormânt. Gheorghe Ene-Filipescu/Mon grand-père sans tombe. Gheorghe Ene-Filipescu ».

Né dans une famille de paysans en 1884, Gheorghe
Ene-Filipescu fut un enfant illettré, qui partit pieds nus de son Olténie
natale à Bucarest, où il devint apprenti cordonnier. Des années plus tard, il
allait ouvrir un atelier de chaussures de luxe sur Calea Victoriei (l’avenue de
la Victoire), la principale artère de la capitale. Son talent et ses qualités
professionnelles furent récompensés par un prix reçu à Barcelone, en 1929, et
reconnus également dans son propre pays,où il devint le président du Syndicat
professionnel des maîtres cordonniers de Roumanie, ainsi que député social-démocrate. L’écrivain
et essayiste Horia Roman Patapievici esquisse le portrait d’un homme qui a
réussi à gravir l’échelle sociale grâce à son travail et à son talent. Il y a une phrase qui rend l’essentiel du savoir-faire de cet ouvrier exceptionnel, une phrase écrite dans le Livre d’or de son atelier de cordonnerie, sur Calea Victoriei: s dans la Roumanie de l’entre-deux-guerres. C’est la vie d’un homme qui part du niveau social le plus bas pour arriver là où nous pouvons reconnaître l’excellence et la décence. Nous pouvons reconnaître l’accomplissement personnel dans une société qui lui avait permis de commencer à la base et de se hisser à l’élite. Nous devrions réfléchir au fait que l’élite était composée de gens qui pouvaient commencer en bas de l’échelle. Comme c’est d’ailleurs le cas de Gheorghe Ene Filipescu. C’est l’histoire d’un homme qui illustre ce qui nous plaît, ce qui nous attire, ce qui continue de fasciner dans la Roumanie de cette époque-là, un pays où il existait un équilibre entre le bien et le mal et où la liberté rendait possible l’expression de la beauté, même si le mal existait, bien évidemment., a-t-il expliqué.

Gheorghe Ene Filipescu s’est appuyé sur son expérience de vie et il a voulu aider les autres à travers l’implication politique, un aspect de sa biographie développé par l’écrivain Horia Roman Patapievici. : J’avais un préjugé négatif lié au fait que Gheorghe Ene Filipescu avait été social-démocrate et qu’il avait apprécié le mot socialisme. Et je veux dire que Gheorghe Filipescu m’a aidé à comprendre la manière dont on peut regarder et vivre le socialisme, pour que ce qui se trouve au bout du chemin – et, de mon point de vue, il s’agit presque toujours de manque de libertés, de misère et finalement de terreur – se présente sous une lumière différente. Il est un homme humble, qui, très jeune déjà, avait épousé la cause socialiste. Il y a deux textes qu’il avait dictés à sa fille, Cornelia Pillat, la mère de Monica Pillat. L’un date de l’été 1936. Il s’intitule « Un glas din popor către oamenii superiori/Une voix du peuple parle aux hommes supérieurs » et il a été publié dans une plaquette en 1938. L’autre texte est son discours « Constatări asupra meseriilor/Remarques sur les métiers » prononcé au Parlement. Je voudrais vous dire à quoi ressemblait le socialisme de Gheorghe Filipescu, bien qu’il fût assassiné par les socialistes, pas par les siens, mais par ces socialistes qui revendiquent un principe du même paquet d’idées. Quel est donc le socialisme de Gheorghe Ene Filipescu? Eh bien, son socialisme est fait d’accès à la prospérité par le travail, de liberté pour les métiers, de possibilité pour les ouvriers et les artisans d’obtenir un rôle social, à travers la propriété et le profit. Gheorghe Filipescu rejette clairement la privation de liberté et le contrôle des esprits. Cette condamnation apparait explicitement dans sa plaquette de 1938. Le socialisme de Filipescu est un socialisme du maître ouvrier, de la liberté du métier, de la supériorité portée par le travail. La plaquette de 1938 s’adresse aux gens supérieurs, dont elle donne la définition. L’être supérieur accroît par ses propres mains ce qu’il a reçu.


Son adhésion à la cause socialiste n’a pas empêché les communistes, arrivés au pouvoir après 1947, de jeter Gheorghe Ene Filipescu en prison, dans le cadre des épurations menées dans les institutions du pays. Horia Roman Patapievici revient au micro : Il a été arrêté en 1949, alors qu’il souffrait de tuberculose pulmonaire et de diabète. Donc, cet homme a été incarcéré et soumis à un régime d’extermination. Là, je cite Monica Pillat: « Deux jours après l’incarcération de mon grand-père à Târgu Ocna, le 19 février 1952, le commandant Al. Roșianu dispose l’ouverture d’un dossier d’action informative sur le criminel politique détenu Filipescu Ene, afin d’établir « son comportement et ses manifestations politiques durant sa détention dans votre pénitentiaire car, lors du procès du 16 janvier 1952, au Tribunal militaire Bucarest, il a eu une attitude hostile envers l’Union soviétique et notre régime démocratique, affirmant ouvertement qu’il n’était pas d’accord avec la politique appliquée par notre régime dans la République populaire roumaine. » Au tribunal, lorsqu’il a été autorisé à s’exprimer, il n’a pas demandé pardon. Il a dressé un réquisitoire contre ses accusateurs, sans clamer son innocence, mais en affirmant que les autres étaient dans le faux. Et ça c’est quelque chose d’impressionnant: cet homme jeté en prison s’est montré parfaitement digne, égal à soi-même et aux idées qu’il avait soutenues librement. Des idées qu’il a également affirmées durant son emprisonnement.

Au tribunal, lorsqu’il a été autorisé à s’exprimer, il n’a pas demandé pardon. Il a dressé un réquisitoire contre ses accusateurs, sans clamer son innocence, mais en affirmant que les autres étaient dans le faux. Et ça c’est quelque chose d’impressionnant: cet homme jeté en prison s’est montré parfaitement digne, égal à soi-même et aux idées qu’il avait soutenues librement. Des idées qu’il a également affirmées durant son emprisonnement.

Gheorghe Ene Filipescu mourut en détention, en 1952, et son corps fut jeté dans une fosse commune à Târgu Ocna. (Trad. Ileana Ţăroi)

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