L’église en bois du village d’Urși
La Commission européenne a annoncé, l’automne dernier, les quatre projets gagnants
des Grands Prix européens du patrimoine/Prix Europa Nostra, le prix européen du
patrimoine culturel financé par le programme Europe créative. La restauration
de l’église en bois du village d’Urşi, du comté de Vâlcea (centre-sud de la
Roumanie), un projet porté par la Fondation ProPatrimonio (Roumanie), fait
partie de ces quatre lauréats. Elle a également été distinguée du prix du choix
du public, qui a pu voter en ligne à travers l’Union européenne.
Christine Leșcu, 16.01.2022, 00:24
La Commission européenne a annoncé, l’automne dernier, les quatre projets gagnants
des Grands Prix européens du patrimoine/Prix Europa Nostra, le prix européen du
patrimoine culturel financé par le programme Europe créative. La restauration
de l’église en bois du village d’Urşi, du comté de Vâlcea (centre-sud de la
Roumanie), un projet porté par la Fondation ProPatrimonio (Roumanie), fait
partie de ces quatre lauréats. Elle a également été distinguée du prix du choix
du public, qui a pu voter en ligne à travers l’Union européenne.
Lancée en 2009 et finalisée en 2020, grâce aux dons financiers et au
travail bénévole d’un grand nombre d’étudiants, d’architectes et de peintres-restaurateurs,
la restauration de la petite église est devenue un modèle à suivre en la
matière ainsi qu’une occasion de mieux comprendre les techniques de construction
d’origine.
L’architecte Raluca Munteanu, qui a été impliquée dans le projet, précise
que l’église en bois d’Urși, consacrée aux fêtes religieuses de l’Annonciation
et de Saint Michel, avait été érigée entre 1757 et 1784 : « Il est bien possible que l’église qui se dresse devant nous ne
soit pas celle d’origine, car des documents officiels mentionnent un incendie
dévastateur, qui l’aurait gravement endommagée en 1838, et le début de travaux
de réparation. Ce n’est qu’en 1843 qu’une inscription est apposée au-dessus du
portail d’entrée, disant que le fondateur Nicolae Milcoveanu avait financé et
surveillé les travaux de réparation. Les peintures murales extrêmement
précieuses de l’église datent de cette même année. Nicolae Milcoveanu n’était
pas un boyard, mais plutôt un habitant aisé de la contrée. Selon les coutumes
de l’époque, il avait donné de son argent et de son temps à la communauté dont
il faisait partie. Il a fait réparer l’église et l’a remise en fonction. »
Les artisans du bois, qui ont érigé
l’église, sont restés anonymes, à la différence des peintres – Gheorghe,
Nicolaie et Ioan – qui, eux, ont été mentionnés. En plus, Gheorghe était,
paraît-il, originaire du village même où se dresse l’église, affirme
l’architecte Raluca Munteanu : « Il est très possible qu’ils aient
été des gens du coin, qui s’étaient inspirés des peintures religieuses de la
région, notamment de celles du monastère de Hurezi, un véritable repère pour
tant d’autres objectifs de la même zone. Comme on le sait, dans la partie sud
de la Roumanie, les sources d’informations écrites sont très lacunaires. Il est
tout à fait possible qu’à l’époque, les gens du village aient parfaitement
connu les noms des artisans, mais l’absence de la pratique des documents écrits
a fait que cette information ne nous parvienne pas. La mention des noms des
peintres est plutôt quelque chose de rare. Dans le cas des églises de village,
peu de noms de maîtres-artisans ont survécu au temps pour arriver jusqu’à nous.
Et cela est aussi valable dans le cas des constructions représentatives et des
monastères. Ces gens se rendaient d’une zone à une autre ; grâce à leur
expérience, ils étaient appelés à travailler dans des localités voisines. Un
spécialiste en peinture peut d’identifier, en fonction de la période ou du type
de dessin, dans quelle mesure le style et les influences ont migré et se sont
transmis, peut-être, d’une génération à une autre, ou d’un artisan à un autre
de la même période. »
Les dimensions de l’édifice parlent
elles aussi des dimensions de la communauté villageoise et de l’exploitation du
bois dans la région. La petite église du village d’Urși a environ 8 mètres de
long et 6 mètres de large. Elle est aussi très basse, ayant seulement quelque 2,40
mètres de haut jusqu’à la gouttière et environ 4,50 mètres avec le toit,
explique Raluca Munteanu, selon laquelle l’église n’a pas de style d’architecture
précis.
Raluca Munteanu : « C’est une église vernaculaire,
construite d’une manière on ne peut plus pragmatique. C’est une construction
simple, réalisée avec la technique et les matériaux disponibles dans le coin,
le bois en l’occurrence. L’assemblage en queue d’aronde est utilisé partout en
Europe, du sud au nord. C’était la technique la plus simple et la plus facile de
réaliser une construction en bois, à une époque où ce matériau était peu cher
et facile à trouver. Sa forme est strictement fonctionnelle et adaptée aux
besoins cultuels. De ce point de vue, l’église d’Urşi n’a rien de spécial,
comparée à la majorité des églises en bois de cette zone, à quelques exceptions
près. Elle est, de toute évidence, une église orthodoxe qui respecte tous les
canons de construction en matière de plan, découpage de l’espace intérieur et
fonctionnalité. La décoration, je le disais, est influencée par la peinture du
monastère de Hurezi, les icônes et les dessins étant également organisés selon
la pratique et les rituels chrétiens orthodoxes. Ce qui est vraiment spécial,
pour la zone en question, bien sûr, mais aussi sur une aire bien plus large,
c’est le choix des peintres-artisans d’utiliser la fresque sur bois, deux
techniques – la fresque et la peinture sur bois – qui ne sont pas compatibles.
Ils ont donc enduit le bois d’un crépi à la chaux, sur lequel ils ont réalisé
la peinture alors que le crépi n’avait pas encore séché. D’habitude, la
peinture était « a secco », directement sur le bois, ou bien, en cas
d’utilisation du crépi à la chaux, celui-ci était renforcé avec des branchages
qui le soutenaient. Dans le cas de l’église d’Urşi, les artisans ont choisi la
technique utilisée dans les églises en pierre ou en brique : crépi à la chaux,
appliqué directement sur le mur, et peint « a fresco ».
La peinture murale tellement fragile et l’église
du village d’Urşi sont actuellement entièrement restaurées, l’édifice
accueillant à nouveau le service religieux, en parallèle avec la nouvelle
église en brique, récemment construite dans le village. (Trad. Ileana Ţăroi)