Roumanie – Estonie, 100 années de relations diplomatiques
Steliu Lambru, 26.09.2021, 08:49
L’Europe est un continent formé des nations et des
cultures issues du monde antique grec et latin et du christianisme. C’est ainsi
que la définissent la plupart de ceux qui lui ont consacré leurs écrits et qui
ont tenté de déchiffrer ses mystères. Peu à peu, les valeurs culturelles communes
ont rapproché les peuples, si bien que les distances géographiques ont rétréci.
Des nations se trouvant à grande distance, voire à l’autre bout du continent,
se sont découvertes l’une l’autre et se sont rapprochées, dans la mesure où les
conditions historiques l’ont permis. Prenons aujourd’hui l’exemple de la Roumanie
et de l’Estonie.
Bien qu’ayant fait partie, 45 années durant, du même camp
socialiste de l’Europe de l’Est, la Roumanie et l’Estonie appartiennent à deux
espaces géographiques et culturels différents, à savoir l’Europe du Sud-Est et,
respectivement, l’Europe du Nord. Entre 1500 et 1878, la Roumanie a été sous l’influence
de l’Empire ottoman, alors que l’Estonie a fait partie de la Pologne et de la
Suède du 16e au 18e siècle, pour appartenir ensuite à la
Russie des tsars de 1710 à 1918.
Au fil du temps, Roumains et Estoniens ont eu des contacts
sporadiques, et il est facile de comprendre pourquoi : les gens voyageaient
très peu avant l’apparition des voies ferrées au 19e siècle. Seules
quelques catégories sociales avaient ce privilège : les marchands, les diplomates
et les militaires. Du coup, la connaissance réciproque des nations était
superficielle, voire inexistante.
A l’occasion de l’anniversaire du centenaire des relations
diplomatiques officielles entre la Roumanie et l’Estonie, un événement marqué à
Bucarest au Musée national d’histoire de la Roumanie, nous avons invité au
micro de RRI le chef des Archives diplomatiques du ministère roumain des Affaires
étrangères, Doru Liciu.
Pour commencer, Doru Liciu passe en revue les principaux
repères des relations bilatérales roumano-estoniennes : « Déjà à la
moitié du 19e siècle, des voyageurs roumains arrivent en Estonie et
des voyageurs estoniens se rendent dans les Principautés roumaines, grâce aux
différentes organisations de l’ancien Empire russe. Après la chute de l’Empire
russe, l’Estonie a proclamé son indépendance en 1918, qui a tout de suite été reconnue
par la Roumanie. C’est en 1921 que les deux pays décident de nouer des
relations diplomatiques officielles. Ils avaient été en contact auparavant, même
durant la première conflagration mondiale, lorsque les troupes russes qui ont lutté
en Roumanie étaient formées en partie de soldats et officiers originaires des
Pays Baltes. »
C’est durant l’entre-deux-guerres que les nations
roumaine et estonienne ont commencé à se rapprocher davantage, notamment sur toile
de fond d’une présence agressive de l’Union Soviétique. Et pour cause. Le
nouveau pouvoir communiste de Moscou ne cessait de revendiquer des territoires ayant
appartenu à la Russie des tsars, mais auxquels elle avait renoncé par la
décision de Lénine de permettre à chaque nation au sein de la Russie de choisir
son propre sort. A l’instar des deux autres Pays Baltes (la Lituanie et la Lettonie),
l’Estonie souhaitait construire ses propres ponts à travers le monde. L’un d’eux
menait à Bucarest.
Doru Liciu explique : « On a fini par
ouvrir les deux ambassades qui ont fonctionné à l’entre-deux-guerres dans les
capitales respectives. Mais pour une période assez longue de temps, un ministre
résident à Varsovie fut en charge de l’ambassade de Roumanie en Estonie. C’est de
là qu’étaient transmises les principales informations sur l’Estonie. Plus tard,
des ambassades ont été ouvertes à Tallinn et à Bucarest. »
Par le célèbre Pacte Ribbentrop – Molotov ou le pacte
entre Hitler et Staline du 23 août 1939, l’Allemagne nazie et l’Union Soviétique
se partageaient l’Europe. Le 16 juin 1940, l’URSS adressait un ultimatum à l’Estonie,
lui demandant d’accepter l’entrée de l’armée soviétique sur son territoire et la
création d’un gouvernement pro-soviétique. Une proposition rejetée par le gouvernement
estonien. Suite à cela, le lendemain, soit le 17 juin, le pays était occupé par
les communistes. Le 6 août 1940, l’Estonie était annexée. Même cas de figure
pour la Roumanie. Les 26 et 27 juin 1940, par deux ultimatums, l’URSS demandait
à la Roumanie de lui rendre la Bessarabie et le Nord de la Bucovine. Suivirent
45 années de dictature. A ce moment-là, en 1940, les relations diplomatiques
roumano-estoniennes s’arrêtaient.
Doru Liciu conclut : « Malheureusement, la fin (des
relations diplomatiques roumano-estoniennes), nous la connaissons bien : l’occupation
brutale des Pays Baltes par l’Union Soviétique en 1940, la même année où la Roumanie
a été contrainte de céder une partie de son territoire historique, qui avant
1812 n’avait eu aucun rapport et n’avait jamais fait partie de l’Empire russe.
Durant le régime communiste, il n’y a pas eu de contacts au niveau d’Etat entre
les deux pays, vu que l’Estonie était une composante de l’Union Soviétique.
Sans doute, des artistes estoniens en tout genre sont venus en Roumanie, des
ensembles folkloriques ou encore des artistes plasticiens y ont exposé leurs
créations. De même, des Roumains des domaines les plus variés sont allés en
Estonie, rarement, mais régulièrement. »
Après la chute du régime communiste roumain en 1989 et après
que l’Estonie ait recouvré son indépendance en 1991, les relations
diplomatiques roumano-estoniennes ont repris. Elles se sont renforcées depuis,
notamment suite à l’accès des deux Etats à l’OTAN et à l’UE. (Trad. Valentina
Beleavski)