Immeubles représentatifs à Bucarest dans les années 1930
Si on examine une carte ou un dessin illustrant la ville d’il y a plus de 150 ans, on reconnaît à peine les éléments les plus importants, tellement les changements ont été profonds. L’actuelle vieille ville, un ancien quartier marchand et quelques églises médiévales sont les seules qui rappellent l’ancienne capitale valaque. L’histoire de Bucarest comporte trois périodes de transformations majeures. La première est celle de l’époque du roi Carol Ier, de 1866 à 1914. La deuxième a été marquée par le règne du roi Carol II dans les années 1930. Et la troisième est celle de l’époque du dirigeant communiste Nicolae Ceausescu dans les années 1980. Le résultat de ces trois périodes est visible aujourd’hui par tout visiteur de passage par la capitale roumaine à pied. Le roi Carol II a été le souverain le plus controversé des quatre qui ont régné en Roumanie. Ayant une personnalité puissante, intelligent, mais aussi plein de défauts et de faiblesses, Carol II a réussi à transformer Bucarest afin de l’adapter aux besoins d’une capitale moderne, conformément aux styles architecturaux de l’époque.
Steliu Lambru, 04.07.2021, 13:33
Si on examine une carte ou un dessin illustrant la ville d’il y a plus de 150 ans, on reconnaît à peine les éléments les plus importants, tellement les changements ont été profonds. L’actuelle vieille ville, un ancien quartier marchand et quelques églises médiévales sont les seules qui rappellent l’ancienne capitale valaque. L’histoire de Bucarest comporte trois périodes de transformations majeures. La première est celle de l’époque du roi Carol Ier, de 1866 à 1914. La deuxième a été marquée par le règne du roi Carol II dans les années 1930. Et la troisième est celle de l’époque du dirigeant communiste Nicolae Ceausescu dans les années 1980. Le résultat de ces trois périodes est visible aujourd’hui par tout visiteur de passage par la capitale roumaine à pied. Le roi Carol II a été le souverain le plus controversé des quatre qui ont régné en Roumanie. Ayant une personnalité puissante, intelligent, mais aussi plein de défauts et de faiblesses, Carol II a réussi à transformer Bucarest afin de l’adapter aux besoins d’une capitale moderne, conformément aux styles architecturaux de l’époque.
Le règne de Carol II de 1930 à 1940 a été marqué par de grands projets qui rappelaient en quelque sorte de ceux de son ancêtre, Carol Ier. Le règne de son père, Ferdinand Ier, de 1914 à 1927, a compris la Première Guerre mondiale et la consolidation du nouvel État issu de l’union des territoires habités par des Roumains avec l’ancien Royaume : la Grande Roumanie. Après l’Union de 1918, les années 1920 ont été marquées par la reconstruction et par l’intégration des nouveaux territoires. Ce ne fut que dans les années 1930 que la Roumanie a repris les grands projets de développement, notamment à Bucarest. Plusieurs grandes avenues furent ouvertes à l’époque de Carol II, dont la plus importante a été celle reliant le nord au sud. S’y sont ajoutés plusieurs immeubles d’institutions d’État et d’institutions culturelles.
Leur point commun est le modernisme, influencé par le style des buildings américains et par l’architecture fasciste italienne, auxquels se sont ajoutés aussi quelques éléments d’architecture roumaine traditionnelle. Il s’agit de bâtiments imposants, aux lignes droites et aux colonnades construites selon les normes les plus modernes de l’époque, utilisant notamment le béton armé. Certains spécialistes évoquent même l’existence d’un style architectural « Carol II », qui aurait pu se développer davantage en l’absence de la guerre et de l’installation du régime communiste.
L’ingénieur du BTP, professeur des universités et académicien Nicolae Noica est le directeur de la bibliothèque de l’Académie roumaine. Il a passé en revue quelques-uns des immeubles représentatifs que la capitale roumaine d’aujourd’hui doit au règne du roi controversé Carol II. Et cette liste ne pourrait commencer que par le Palais Royal : « Un des premiers bâtiments à porter l’empreinte de Carol II fut le Palais Royal. La nuit du 7 au 8 décembre 1926, un incendie a éclaté et détruit toute la partie centrale de l’édifice. La consolidation des fondations, de la structure de résistance a porté la signature de l’ingénieur Emil Pragher. Après 1932, d’autres travaux de construction seront menés dans le corps central et enfin un PV de réception du Palais Royal sera dressé, que j’ai moi-même trouvé. Ensuite, début 1938, d’autres travaux seront menés dans l’aile adjacente à l’Athénée, des travaux qui ont continué jusqu’en 1940. A noter aussi que même le tremblement de terre de 1940 n’a pas endommagé cette construction. »
Les projets se sont poursuivis à un rythme très soutenu. Les institutions de l’État qui avait vu son territoire et sa population carrément doubler en 1918 avaient besoin d’immeubles publics beaucoup plus grands. Nicolae Noica : « Un autre bâtiment important a été le nouveau siège du Ministère des Affaires étrangères, aujourd’hui siège du gouvernement de Bucarest. Cet immeuble a été conçu par l’architecte Duiliu Marcu et les travaux en béton armé ont été coordonnés par l’ingénieur Gheorghiu de 1937 à 1938. L’immeuble fut érigé sur l’emplacement de l’ancien siège du ministère des Affaires étrangères. Le nouveau Palais de la Banque nationale fut également construit à cette époque, selon de nouvelles études d’alignement. Tous les travaux ont été réalisés grâce à un décret du roi Carol II qui a exproprié les superficies de terrain nécessaires pour des raisons d’utilité publique. »
Le roi Carol II est connu dans l’histoire de la Roumanie comme un grand patron de la culture. L’Académie roumaine n’a pas fait exception et a également bénéficié de l’appui accordé par le monarque. M Noica a mentionné justement le bâtiment de l’institution qu’il dirige : « Un autre bâtiment impressionnant est celui qui accueille la bibliothèque de l’Académie roumaine. En 1931, le professeur Duiliu Marcu présenta un projet à l’Académie pour construire un corps d’immeuble dédié à la bibliothèque. Cette remarquable construction est érigée de 1935 à 1937 et les travaux sont coordonnés par l’ingénieur Ioanovici. L’inauguration aura lieu le 5 juin 1937 en présence du roi Carol II, qui a tenu à assister à cette réunion de l’Académie. »
Sur un des grands boulevards bucarestois se trouve un autre immeuble érigé à l’époque de Carol II, le siège des Archives nationales. A l’ouest, près du Palais de Cotroceni, l’actuel Palais présidentiel, se trouve l’Académie militaire, monument représentatif du style Bauhaus. Écoutons Nicolae Noica. « Un autre immeuble de cette époque, c’est le Patrimoine du Journal officiel, aujourd’hui siège des Archives nationales, en face du Jardin de Cismigiu. L’école supérieure de Guerre, l’actuelle Académie militaire, a été construite de 1937 à 1939. Le bâtiment principal a une façade de pas moins de 120 mètres et s’étale sur une superficie de 3 650 mètres carrés. Toute la construction a été réalisée en deux ans seulement. Les travaux ont été supervisées par l’ingénieur Emil Pragher dont le nom est lié à plusieurs autres constructions. Il a été une grande personnalité. »
Sur la liste des immeubles et de monuments érigés dans les années 30 se retrouve l’Institut de recherches agronomiques, le Musée du village, l’Arc de Triomphe, le château Foisor de Sinaia et les cathédrales orthodoxes de Cluj, Mediaş et Timişoara.