L’escadrille blanche
Steliu Lambru, 14.03.2021, 14:06
Pendant la Seconde Guerre
mondiale, des femmes pilotes ont survolé la ligne du front pour secourir les
soldats blessés et transporter des médicaments. Elles formaient l’«escadrille
blanche» ou l’escadrille sanitaire, comme on l’appelait officiellement. C’étaient
des femmes courageuses qui ont fait preuve de force de caractère, de dévouement
et d’efforts inconditionnels pour des causes nobles, humanitaires, dans les
conditions extrêmes de la guerre. «Les héroïnes de l’escadrille sanitaire», la
micro-exposition du mois de mars du Musée National d’Histoire de la Roumanie, fait
partie de la série «L’exposé du mois» et raconte l’histoire de trois aviatrices
qui ont participé au sauvetage des blessés pendant la Seconde Guerre mondiale:
Smaranda Brăescu, Mariana Drăgescu et Nadia Russo-Bossie. L’aviation sanitaire
avait « l’attribution de transporter les personnes gravement malades et
blessées, militaires et civiles, en temps de paix et de guerre, vers les
principaux centres médicaux et chirurgicaux, ainsi que de transporter du
personnel médical et du matériel sanitaire, en approvisionnant d’urgence en
sérums et vaccins, médicaments, pansements, sang pour transfusions, en situations
de catastrophes, accidents graves, épidémies et toutes autres circonstances où
son intervention serait nécessaire».
L’escadrille
sanitaire a été créé en 1940, sur la demande pressante de Marina Ştirbey, une
femme pilote qui a eu l’idée d’appeler les dames, qui savaient piloter un
avion, à s’impliquer et à sauver la vie des militaires. La guerre frappait à la
porte et ce n’était qu’une question de temps avant que l’inhumain n’éclate. L’escadrille
se composait d’avions peints en blanc avec la marque de la croix rouge sur le
fuselage. Ils n’étaient pas prévus d’avoir des soldats et des armes à bord,
étant équipés de seulement deux sièges, l’un pour le pilote, l’autre pour la personne
blessée, et d’une civière pour la personne grièvement blessée. Pour des cas
extrêmes, il y avait encore une petite place, exiguë, pour une infirmière.
L’historienne
Cristina Păiuşan-Nuică, commissaire de la micro-exposition, a esquissé les
portraits des trois héroïnes de l’escadrille blanche. La première à être
présentée est Smaranda Brăescu, monitrice de parachutisme et de pilotage avant
la guerre: «Tout d’abord,
Smaranda Brăescu, la première femme parachutiste de Roumanie. En 1928, elle a appris
le saut en parachute à Berlin parce qu’en Roumanie, les femmes ne pouvaient pas
aller à une école de parachutisme. Elle a ensuite fait l’école de pilotage aux
États-Unis, car ce n’est qu’en 1937 que les femmes ont eu accès à des cours de
pilotage en Roumanie. Smaranda Brăescu était quelqu’un de déterminé, qui a
voulu voler depuis toute petite, qui a ramassé de l’argent de souscriptions
publiques pour acheter son premier avion. La moitié de cet argent lui a été
donnée par l’État roumain. Elle a réussi à battre le record du monde du saut en
parachute en dépassant 7100 mètres, un record longtemps inégalé. »
« Nous,
« l’Escadrille Blanche », nous allons sur le front. Nous logeons sous
une tente, sur le terrain « Gâsca », à Tighina. Nous prenons deux
blessés, l’un, plus grièvement atteint, couché sur la civière, l’autre, moins
grave, sur le siège derrière le pilote, et les emmenons sur le terrain de
Tiraspol, où atterrissent les avions de Lares, qui peuvent prendre plusieurs
blessés à la fois. Nous faisons 6-7 aller-retour par jour », expliquait dans
ses notes Nadia Russo-Bossie, la deuxième présence dans l’exposition, préparée
par Cristina Păiuşan-Nuica. « Nadia
Russo-Bossie, d’origine russe, est née en 1901. Elle avait fui la révolution
bolchevique en 1918. Elle et sa sœur se sont réfugiées à Chisinau, où elles
avaient de la famille. Elle a fait sa vie en Bessarabie. Elle a voulu devenir
aviateur après être allée à l’école d’art à Paris. En 1936, grâce à des
sponsors, elle a suivi le cours de pilotage et a obtenu un brevet de pilote féminin,
puis un brevet général. Elle a fait partie de l’escadrille sanitaire dès le
début. En 1943, Nadia Russo a fait une dépression nerveuse. Elle s’en est
sortie et a repris les vols, bien moins nombreux, jusqu’en 1945. », précise l’historienne.
Mariana Drăgescu est la troisième femme pilote présentée
dans la micro-exposition du Musée national d’Histoire de la Roumanie, où l’on
peut voir également sa tunique d’aviatrice, son bonnet tatare, sa montre suisse
et sa boussole. Il y a aussi une lettre envoyée,
depuis Stalingrad, par Mariana Drăgescu à sa mère, dans laquelle elle
écrivait : « J’en ai marre des bombes, des explosions, des mines, des
incendies, des partisans, des blessés et des morts. C’est dur pour un homme et
beaucoup trop dur pour une femme, aussi courageuse et défiante du danger
qu’elle soit.» Cristina Păiuşan-Nuica esquisse son portrait: « Mariana Drăgescu était passionnée de vol
depuis son enfance. Elle a suivi la même voie que les autres femmes pilotes, en
allant à l’école d’aviation de Băneasa et en s’achetant un avion avec des
souscriptions publiques. Dès le début, elle a travaillé à l’Aéroclub Royal,
puis, aux côtés de Nadia Russo et Virginia Thomas, elle a été l’une des trois
premières femmes pilotes de la nouvelle escadrille sanitaire. Mariana Drăgescu
a été la seule à voler sur le front de l’Est et sur le front de l’Ouest : en
1941 dans la campagne de Bessarabie, en 1942 dans la campagne de Stalingrad et
en 1943 dans la campagne de Crimée, en 1944-1945 dans la campagne de Slovaquie,
puis elle est allée jusqu’à Vienne.»
Au
cours des deux premières années de l’escadrille blanche, les avions étaient exclusivement
pilotés par des femmes. En plus des trois héroïnes mentionnées, d’autres femmes
courageuses en ont fait partie, et il faut rappeler leurs noms: Virginia
Thomas, Virginia Duțescu, Victoria Pokol, Eliza Vulcu, Maria Neculae, Stela
Huțan. Il faut également mentionner le nom de l’infirmière Ioana Grădinescu,
qui a le plus volé avec les avions porteurs de vie et d’espoir. (Trad. :
Felicia Mitraşca)