Le 10 mai dans l’histoire de la Roumanie
Jusqu’en 1948, le 10 mai était la Fête nationale roumaine. Une date symbole de l’indépendance et de l’unité de la Roumanie, indissolublement liée à la monarchie, une journée d’émotion et de participation populaires. L’histoire du 10 mai commence en 1866, avec l’arrivée, sur le sol des Principautés unies de Valachie et de Moldavie, de Carol de Hohenzollern-Sigmaringen, le nouveau prince régnant, installé après le coup d’Etat qui a éliminé la dictature personnelle d’Alexandru Ioan Cuza, son prédécesseur sur le trône. Le moment diplomatique est assez délicat, puisque l’union des Principautés bénéficie de reconnaissance européenne seulement pendant le règne de Cuza. Son évincement du pouvoir pousse l’Empire ottoman – en tant que puissance suzeraine – à exiger, en février 1866, de la part des autres puissances continentales une décision qui aille vers l’annulation de l’union. L’historien Alin Ciupală raconte l’enchaînement des événements ultérieurs: Alors, les hommes politiques du moment ont dû trouver rapidement une solution à la crise. Ion Brătianu et d’autres personnalités politiques de la génération révolutionnaire de 1848 sont allés à Paris, car la solution tant recherchée ne pouvait venir que de l’homme le plus puissant d’Europe, l’empereur de France. Ce fut donc Napoléon III qui a suggéré cette solution, très bonne d’ailleurs sur le long terme. En 1866, le 10 mai n’a pas eu de profil festif. Au-delà de la cérémonie officielle inévitable, la crise politique était si profonde qu’elle aspirait toutes les énergies. L’arrivée de Carol Ier à Bucarest ne suffisait pas, il avait encore besoin d’être reconnu par la puissance ottomane suzeraine. La joie de la population liée à ce 10 mai était secondaire.
Christine Leșcu, 17.05.2020, 00:27
Jusqu’en 1948, le 10 mai était la Fête nationale roumaine. Une date symbole de l’indépendance et de l’unité de la Roumanie, indissolublement liée à la monarchie, une journée d’émotion et de participation populaires. L’histoire du 10 mai commence en 1866, avec l’arrivée, sur le sol des Principautés unies de Valachie et de Moldavie, de Carol de Hohenzollern-Sigmaringen, le nouveau prince régnant, installé après le coup d’Etat qui a éliminé la dictature personnelle d’Alexandru Ioan Cuza, son prédécesseur sur le trône. Le moment diplomatique est assez délicat, puisque l’union des Principautés bénéficie de reconnaissance européenne seulement pendant le règne de Cuza. Son évincement du pouvoir pousse l’Empire ottoman – en tant que puissance suzeraine – à exiger, en février 1866, de la part des autres puissances continentales une décision qui aille vers l’annulation de l’union. L’historien Alin Ciupală raconte l’enchaînement des événements ultérieurs: Alors, les hommes politiques du moment ont dû trouver rapidement une solution à la crise. Ion Brătianu et d’autres personnalités politiques de la génération révolutionnaire de 1848 sont allés à Paris, car la solution tant recherchée ne pouvait venir que de l’homme le plus puissant d’Europe, l’empereur de France. Ce fut donc Napoléon III qui a suggéré cette solution, très bonne d’ailleurs sur le long terme. En 1866, le 10 mai n’a pas eu de profil festif. Au-delà de la cérémonie officielle inévitable, la crise politique était si profonde qu’elle aspirait toutes les énergies. L’arrivée de Carol Ier à Bucarest ne suffisait pas, il avait encore besoin d’être reconnu par la puissance ottomane suzeraine. La joie de la population liée à ce 10 mai était secondaire.
Quinze ans plus tard, lorsqu’une Roumanie devenue indépendante, suite à la guerre russo-turque de 1877-1878, se proclamait royaume, Carol Ier était couronné roi le 10 mai 1881. Alin Ciupală détaille: A partir de là, la date du 10 mai acquiert une tout autre amplitude. Il y aura même une formule de festivités pour marquer l’événement. La journée commençait avec une messe à la Cathédrale patriarcale de la capitale, à laquelle prenaient part des membres de la Maison royale, du gouvernement et du corps diplomatique en poste à Bucarest. Venait ensuite la manifestation très probablement la plus importante de la joie qui rassemblait la famille royale et les citoyens de Roumanie : le défilé militaire commandé par le roi Carol Ier lui-même. Après, la fête populaire continuait sur l’avenue Kiseleff, et la journée était clôturée par le bal offert par la famille royale et auquel participaient la haute société, les membres du gouvernement, le corps diplomatique et les élus parlementaires. C’était une journée bien remplie et impeccablement organisée. »
Le rituel introduit par Carol Ier pour célébrer le 10 mai a été aussi adopté par son successeur, le roi Ferdinand, d’autant plus que la date avait gagné en importance, suite à la Première Guerre mondiale et à la Grande Union de 1918. L’historien Alin Ciupală raconte: Elle représentait le moment où tous les Roumains s’étaient retrouvés. Après 1918, Bucarest accueille aussi toutes les provinces unies avec la Roumanie à la fin de la Première Guerre mondiale. En plus, jusque dans les années 1930, la reine Marie joué un rôle très important dans la mise en page des manifestations pour le 10 mai. Sa présence publique, très appréciée par les Roumains, a mis en exergue le côté populaire de la fête. Celui qui a transformé le 10 mai en une occasion de parler plutôt de soi-même et de glorifier le souverain, ce fut le roi Carol II. Durant son règne, il a imposé une variante de culte de la personnalité, et le 10 mai en était l’occasion parfaite, qu’il n’a pas ratée. De nombreux documents d’archives, y compris cinématographiques, le prouvent. C’est le cas, par exemple, d’actualités d’époque filmées, qui montrent des extraits des festivités organisées pour célébrer le 10 mai sous Carol II. D’ailleurs, il est important de savoir que le premier journal d’actualités filmé a été réalisé à l’occasion du 10 mai 1914. Malheureusement, ce n’est pas la version intégrale.
L’entrée de la Roumanie dans la Deuxième Guerre mondiale a balayé les célébrations festives du 10 mai, et l’abdication forcée du roi Michel en 1947, suivie par l’installation complète du régime communiste, ont eu pour résultat le choix d’une nouvelle Fête nationale. En plus, les communistes ont entièrement effacé de l’histoire officielle la date du 10 mai, si étroitement liée à la monarchie. Ils ont même falsifié la date de la proclamation de l’indépendance de l’Etat roumain – le 10 mai 1877 – l’événement historique étant marqué le 9 mai durant les années du communisme en Roumanie. (Trad. Ileana Ţăroi)