Le régiment des gardes-frontières de Năsăud
Le musée des gardes-frontières de Năsăud est un musée d’histoire locale qui garde les témoignages du fait que ces lieux ont été habités depuis la nuit des temps. Tombes, armes, céramique, couteaux et autres objets fabriqués par l’homme racontent une histoire vieille des plusieurs millénaires. De même, bracelets, boucles d’oreilles, fibules, harnais, pièces de monnaie, inscriptions sur pierre et autres objets attestent de la présence des civilisations celtique, dacique et romaine dans cette zone. Les vestiges du Moyen-Age n’y manquent pas non plus : armes, bijoux, documents écrits, vêtements, portraits, et la liste continue.
Steliu Lambru, 02.08.2020, 12:11
Le musée des gardes-frontières de Năsăud est un musée d’histoire locale qui garde les témoignages du fait que ces lieux ont été habités depuis la nuit des temps. Tombes, armes, céramique, couteaux et autres objets fabriqués par l’homme racontent une histoire vieille des plusieurs millénaires. De même, bracelets, boucles d’oreilles, fibules, harnais, pièces de monnaie, inscriptions sur pierre et autres objets attestent de la présence des civilisations celtique, dacique et romaine dans cette zone. Les vestiges du Moyen-Age n’y manquent pas non plus : armes, bijoux, documents écrits, vêtements, portraits, et la liste continue.
Dans l’histoire de l’Autriche-Hongrie, la zone de Năsăud se fait remarquer pendant le règne de Marie-Thérèse, entre 1740 et 1780. Et pour cause. Le 12 avril 1762, l’impératrice signait l’acte qui jetait les bases du Régiment n° 2 d’infanterie des gardes-frontières valaques de Năsăud. L’unité était formée de Roumains qui bénéficiaient des mêmes privilèges que les régiments de Sicules de la même zone. Appelés aussi « milice nationale aux frontières » (miliția națională grănicerească), ces régiments avaient une double mission : protéger les frontières de l’empire et participer aux guerres en tant que troupes de combat. Les Roumains y agissaient sous le slogan « virtus romana rediviva », c’est-à-dire « la vertu romaine ressuscitée ».
Pour plus de détails sur ce musée très intéressant de Năsăud, nous nous sommes adressés au muséographe Dan Prahase : « Le nom du musée vient du régiment roumain de gardes-frontières n° 2, créé en 1762, à l’époque de Marie-Thérèse. Le musée est sis dans l’ancienne caserne, un bâtiment de l’époque des Habsbourg, qui date d’environ 1770, érigé en brique et pierre et capable de résister aux bombardements. Sa fondation souterraine a plus de 2 m. Les Habsbourg ont construit un bâtiment si solide justement par crainte de bombardements. »
Le 21 juin 1763, les gardes-frontières roumains prêtaient leur premier serment à l’impératrice Marie-Thérèse. En 1778, ils étaient envoyés lutter dans la guerre austro-prussienne. Une décennie plus tard, en 1788, ils luttaient contre les Turcs, en Bucovine. Puis, en 1793, ils ont été mobilisés contre les armées révolutionnaires françaises. Suivirent les campagnes d’Allemagne et d’Italie. En 1805, le même régiment roumain était envoyé lutter contre les armées de Napoléon. Il a également participé aux campagnes contre Napoléon Ier de 1809, 1812 et 1815. Enfin, en 1846, un bataillon du régiment de Năsăud a pris part à la répression de la révolte paysanne polonaise de Galicie.
Le régiment roumain a eu une activité assez intense, comme vous pouvez le constater. Qui plus est, un des héros des guerres antinapoléoniennes est enterré sur le territoire actuel de la Roumanie, au département de Bihor (ouest).
Le muséographe Dan Prahase précise : « Après Waterloo, en 1815, les Français continuent la lutte. Entre les 14 et 17 juillet 1815, les soldats de Năsăud et leurs camarades autrichiens voient Lyon capituler. Qui est le vainqueur impérial autrichien à Lyon ? C’est le général Frimont, de Lorraine. Il luttait du côté des Habsbourg. Il est enterré dans le village de Palota, au département de Bihor. Il a contribué à la construction de l’église du village. Il est mort en Autriche, mais il a été enterré au Bihor. »
Pendant la Révolution de 1848, le régiment roumain des gardes-frontières de Năsăud reste fidèle à la couronne autrichienne et lutte contre les révolutionnaires hongrois dirigés par Lajos Kossuth, qui militaient pour la création d’un Etat hongrois indépendant. Après la Révolution, tous les régiments de gardes-frontières de l’armée autrichienne ont été supprimés pendant le règne de l’empereur Franz-Joseph. Ce fut en fait une réforme. Le régiment roumain a été transféré de Năsăud à Alba Iulia, soit de l’est à l’ouest (de la Transylvanie). Toutefois, le district de Năsăud a gardé son autonomie. Parmi les soldats remarquables de ce régiment, mentionnons Leonida Pop, qui a fait une carrière brillante dans la hiérarchie militaire autrichienne. En 1883, il devient conseiller de l’empereur François-Joseph, puis il est nommé chef de la chancellerie militaire de l’empereur.
Pendant la Première Guerre mondiale, les soldats de Năsăud se retrouvent, malheureusement, dans le camp opposé aux Roumains de Roumanie, vu que la Transylvanie faisait partie de l’empire d’Autriche-Hongrie à ce moment-là.
Notre invité, le muséographe Dan Prahase, explique leur dilemme : « J’aimerais qu’il soit possible de se mettre à la place de ces gens pour comprendre ce qu’ils pensaient. Des romans et des récits écrits par le célèbre auteur roumain Liviu Rebreanu en parlent. Les Roumains qui refusaient de lutter du côté de l’Autriche-Hongrie étaient exécutés. Alors, les soldats roumains ont tenté de faire un compromis : remplir leur devoir face à l’empereur, mais en même temps essayer de ne pas lutter contre les Roumains. Les soldats de Valachie et de Moldavie se sont confrontés au même problème émotionnel. »
Après la première conflagration mondiale, le 1er décembre 1918, la Transylvanie a rejoint le Royaume de Roumanie, formé quelques décennies auparavant par l’union des Principautés de Valachie et de Moldavie. A ce moment-là, la frontière transylvaine a disparu et le régiment des gardes-frontière a cessé d’exister. Toutefois, l’esprit militaire de ces gens est resté depuis comme un repère de l’identité locale. (Trad. Valentina Beleavski)