L’architecte Paul Smărăndescu
Adepte du style néo-roumain, fondé au XIXe par Ion Mincu, Paul Smărăndescu confère une touche personnelle à ce courant qui mélange des éléments dart traditionnel et du style brancovan. Outre les projets darchitecture, Paul Smărăndescu a aussi conçu du mobilier ou des éléments décoratifs pour les façades des maisons. Il est né à Bucarest le 26 juin 1881 et les trois maisons de la famille Smărăndescu se trouvent toujours sur la rue Mântuleasa, dans le centre de la capitale roumaine. Cest dailleurs un quartier qui tient une place à part dans limaginaire collectif de la ville, notamment grâce à la prose fantastique de Mircea Eliade, qui y a grandi. Oana Marinache, historienne de lart, sest penchée sur la vie et le travail de Paul Smărăndescu. Ecoutons-la :
Christine Leșcu, 09.08.2020, 13:15
« La famille Smărăndescu, en plus de larchitecte, aura aussi deux filles : Constanța et Elena. Constanța épousera lingénieur Teodor Săvulescu et leur fils sera lui aussi architecte. Ces trois maisons appartenant à la famille montrent que le père souhaitait que ses enfants vivent près de lui. Les bâtiments sont plutôt modestes et se trouvent du côté de la rue avoisinant lartère commerçante Moșilor. Cest dû au fait que la mère était parente de la famille renommée de commerçants Solacolu. Et voilà que cette famille qui faisait partie de la classe moyenne pourra envoyer le fils, Paul, étudier à lécole de garçons de la rue Mântuleasa – également fréquentée par Mircea Eliade – et, plus tard, au lycée. A la fin du lycée, Paul sera admis premier à lEcole supérieure darchitecture de Bucarest, en 1899. Insatisfait, probablement, de léducation quil recevait à Bucarest, Paul Smărăndescu quitte son école pour sinscrire directement en deuxième année détudes à Paris. Il sera un étudiant brillant. Entre 1899 et 1902 il réussit tous ses examens et il obtient même des médailles dans les compétitions universitaires. Par la suite il voyage, il fait des esquisses et des dessins de divers bâtiments antiques, il entre en contact avec des repères architecturaux du monde français, allemand ou italien. Bien évidemment, tout cela joue dans la formation du jeune architecte. »
De retour à Bucarest, Paul Smărăndescu devient le disciple de larchitecte Dimitrie Maimarolu, qui a conçu le bâtiment qui fut jusquen 1996 le Palais de la Chambre des députés et qui est aujourdhui le Palais patriarcal roumain. Ensuite, pendant trois ans, Smărăndescu a occupé le poste darchitecte du ministère de la Culture. De 1912 et jusquà la fin de sa carrière, en 1939, Paul Smărăndescu a été larchitecte-en-chef du ministère de lIntérieur. Il avait également un cabinet privé, où il a dessiné quelques 300 immeubles, dont plus dune centaine ont vu le jour. Oana Marinache nous parle du travail de Paul Smărăndescu :
« Au ministère, il navait pas forcément la chance de concevoir des bâtiments, il corrigeait plutôt des plans, vérifiait les devis ou surveillait des chantiers. Récemment, nous avons eu la surprise de découvrir quon lui devait un des bâtiments appartenant à lEcole centrale de filles de Bucarest. LEcole est connue comme une réalisation notable de Ion Mincu, le premier à concevoir le style néo-roumain. Mais au début du XXe, Smărăndescu conçoit une nouvelle dépendance appelée « la salle de gymnastique et linternat ». Limmeuble existe toujours, mais il est beaucoup transformé. Cest son collègue plus jeune, Horia Creangă, qui le modifie à la fin des années 30. Et aujourdhui, le bâtiment abrite une des salles du Théâtre Bulandra, un établissement renommé de la capitale roumaine. »
Un autre de ses édifices de grande valeur est le Palais Universul, conçu au départ comme le siège du quotidien du même nom. Plusieurs rédactions y ont travaillé au fil des ans et maintenant limmeuble, restauré depuis peu, accueille des salles de spectacle, des bars et des bureaux. Paul Smărăndescu a aussi conçu des habitations standard pour les fonctionnaires du ministère de lIntérieur. Les immeubles étaient situés à lest de Bucarest, à lépoque à la périphérie de la ville. Cest toujours lui qui a commencé, à linitiative du roi Carol II, à dessiner un nouveau siège du ministère de lIntérieur. Il a dû délaisser le projet en raison de son âge et de son départ à la retraite. Mais dautres architectes ont repris les plans et le résultat est limposant édifice qui fait face à lancien Palais royal, aujourdhui le Musée national dart. Cest là que le Parti communiste roumain a installé son comité central et là aussi, après la Révolution, que le Sénat a choisi de siéger. Alors quil est connu comme adepte du style néo-roumain, Paul Smărăndescu a abordé plusieurs styles dans sa carrière. Oana Marinache :
« Avant la Première Guerre mondiale, il sadaptait aux commandes privées quil recevait. Il a même dessiné des bâtiments dans le style éclectique français, car il sortait de lécole dart de France, où il avait vu tous ces hôtels particuliers somptueux. Mais il abandonnera cette influence pour se concentrer sur le style néo-roumain. Dailleurs, ses immeubles sinscrivent dans la lignée Smărăndescu du style néo-roumain. Ce sont des édifices massifs, des résidences somptueuses à un ou deux étages, richement décorées avec des bas-reliefs en pierre aux motifs végétaux, où le bois est très présent à lintérieur. On remarque un changement pendant lentre-deux-guerres – ce nest pas forcément un tournant stylistique, il vient plutôt du besoin de changement de la ville et du parcellement des terrains. On préfère alors les immeubles plus hauts, qui remplissent une double fonction – commerciale et locative, et Paul Smărăndescu réussit à en faire plusieurs pour des compagnies dassurances dans le centre de Bucarest. »
Les bâtiments de Paul Smărăndescu ne se trouvent dailleurs pas uniquement à Bucarest, mais aussi dans dautres villes de Roumanie. Larchitecte avait une résidence secondaire à Sinaia, à deux heures au nord de la capitale. Aujourdhui, dix villas conçues par Paul Smărăndescu sont encore debout.
(Trad. Elena Diaconu)