Ioan Căianu
Egalement connu sous le nom latinisé de Ioannes Caioni et hongrois de Kájoni János, Ioan Căianu a compté parmi les moines qui ont œuvré avec humilité, mais aussi avec passion et ténacité, au développement de la culture religieuse et laïque de Transylvanie au 17e siècle. A la fois musicien, organiste et imprimeur, le moine franciscain Ioan Căianu est surtout connu grâce à un recueil impressionnant de musique vocale et instrumentale ancienne, le fameux Codex Caioni. Plusieurs morceaux de ce codex, pour la plupart des mélodies folkloriques roumaines, sont connus du grand public grâce aussi aux arrangements réalisés par deux compositeurs de l’époque moderne : Marţian Negrea et Doru Popovici.
Christine Leșcu, 15.12.2019, 13:06
Egalement connu sous le nom latinisé de Ioannes Caioni et hongrois de Kájoni János, Ioan Căianu a compté parmi les moines qui ont œuvré avec humilité, mais aussi avec passion et ténacité, au développement de la culture religieuse et laïque de Transylvanie au 17e siècle. A la fois musicien, organiste et imprimeur, le moine franciscain Ioan Căianu est surtout connu grâce à un recueil impressionnant de musique vocale et instrumentale ancienne, le fameux Codex Caioni. Plusieurs morceaux de ce codex, pour la plupart des mélodies folkloriques roumaines, sont connus du grand public grâce aussi aux arrangements réalisés par deux compositeurs de l’époque moderne : Marţian Negrea et Doru Popovici.
Pourtant, l’origine de ce Codex Caioni est à retrouver dans l’espace religieux si divers de la Transylvanie du 17e siècle.
Erzsébet Muckenhaupt, historienne de la littérature, explique : « On connaît très peu de choses sur la famille de Caioni. On sait qu’il est né vers la fin de l’année 1629 ou au début de l’année 1630, dans le village de Leghia, au comté de Cluj. Ses parents étaient d’origine roumaine et ils étaient très probablement de petits nobles originaires de Căianul Mic (dans le nord de la Roumanie). Caioni avait l’habitude de se désigner lui-même dans ses notes comme Ioannes Caioni, Valaque de Căianu Mic. On ne sait pas non plus grand-chose sur ses études. On ignore où il a étudié, on ne connaît même pas le lieu où il a suivi son école primaire. On fait des suppositions. Il a probablement étudié chez les Jésuites de la localité de Mănăştur, aux alentours de Cluj. On ignore également les circonstances dans lesquelles il s’est rapproché des franciscains et du catholicisme. En tout cas, c’est le 17 septembre 1648 qu’il a rejoint l’ordre franciscain et, l’année suivante, il a prêté le serment monacal. Il a poursuivi ses études en théologie à Târnava – une localité qui se trouve de nos jours en Slovaquie – où il a d’ailleurs été ordonné prêtre. C’est peut-être à cette époque qu’il a approfondi la musique sacrée de son époque, qu’il s’est perfectionné comme organiste et qu’il a appris l’art de la fabrication des instruments de musique, notamment des orgues. »
Son habileté à fabriquer des orgues et son talent d’instrumentiste lui ont valu une place d’organiste au monastère franciscain de Şumuleu Ciuc (au centre de la Roumanie) où il est resté entre 1652 et 1657. En 1664 il a reconstruit l’orgue de cette église, détruit suite à l’invasion turco-tatare de 1661. A Şumuleu, le nom de Ioan Căianu est lié aussi à une autre réalisation culturelle : il y a créé une imprimerie.
Erzsébet Muckenhaupt précise : « En 1676, il réussit à obtenir l’accord de la Sainte congrégation pour la doctrine de la foi de Rome (Propaganda Fide) pour la création d’une imprimerie à Şumuleu Ciuc. Cette imprimerie a fonctionné jusqu’à la fin du 19e siècle. Caioni a été à la tête de l’imprimerie et il a rédigé une grande partie des ouvrages qui y ont été imprimés. Je pense qu’il y a également été correcteur. L’imprimerie de Şumuleu a joué un rôle important dans la région, étant à l’époque la seule imprimerie catholique de Transylvanie, où les imprimeries étaient pour la plupart protestantes et il y avait aussi une imprimerie orthodoxe. En 1726, une deuxième imprimerie catholique a été créée, celle des Jésuites de Cluj. »
C’est à l’imprimerie de Şumuleu Ciuc que Ioan Căianu a mené une grande partie de son activité en tant que lettré. Il est notamment l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages religieux et laïcs manuscrits et imprimés, dont, entre autres, des livres de prière en latin et en hongrois, une collection de plus de mille pages de vers latins et hongrois, un herbier, un calendrier liturgique, un abécédaire sicule. La plupart de ses ouvrages sont pourtant des ouvrages de musique. D’ailleurs, Cantionale Catolicum fut le premier livre imprimé à Şumuleu en 1676. Pourtant, de nos jours, c’est au Codex Caioni qu’il doit sa célébrité.
Erzsébet Muckenhaupt ajoute : « Le Codex Caioni est une importante source dans l’histoire de la musique d’Europe centrale et de l’Est, ainsi que de Transylvanie, au 17e siècle. Iohannes Caioni l’a rédigé et copié entre 1652 et 1671, pendant qu’il a été supérieur des monastères de Şumuleu, Călugăreni et Lăzarea. Il l’a rédigé pour son propre usage. Ce n’est donc pas un ouvrage officiel de l’ordre des Franciscains. Caioni l’a réalisé par passion pour la musique et il n’a pas été le premier à le mettre sur papier. La première forme du Codex est due à Mátyás Seregély qui était, semble-t-il, musicien chez les Jésuites ou à l’une des églises évangéliques de Transylvanie. Il s’agit d’une anthologie à caractère sacré et profane, où la notation est spécifique des partitions du 17e siècle, à savoir la tablature allemande ancienne. Le Codex Caioni compte au total 290 morceaux de musique, dont la plupart – à savoir 150 – sont religieux, datant de la fin du 16e et du début du 17e siècles. Ont été transcrits avant tout des ouvrages de compositeurs catholiques d’Italie du nord, auxquels s’ajoutent des ouvrages appartenant à des compositeurs protestants. D’autres morceaux sont d’inspiration folklorique – et c’est le cas des deux danses valaques du 17e siècle transylvain. »
Ioan Căianu s’est éteint en avril 1687, au monastère franciscain de Lăzarea (au centre de la Roumanie) où il avait d’ailleurs été nommé supérieur. Quant au manuscrit du Codex Caioni, celui-ci a été découvert en 1985 dans le mur du réfectoire du monastère de Şumuleu Ciuc, où il avait été caché pendant la Deuxième Guerre mondiale. Notre interlocutrice, Mme Muckenhaupt, compte parmi ceux qui ont découvert et mis en valeur cet ouvrage. A présent, le Codex Caioni se trouve au musée de Miercurea Ciuc. (Trad. : Dominique)