« Au commencement de la fin », un livre d’Adriana Georgescu
Les débuts du communisme en Roumanie – et non seulement – ont été marqués par de cruelles répressions dirigées contre ceux qui sopposaient au nouveau régime. Parmi eux, il y avait de nombreux jeunes enthousiastes qui pensaient naïvement que sils protestaient et affirmaient ouvertement la vérité, le régime allait être écarté. Lavocate et journaliste Adriana Georgescu était une de ces jeunes-là.
En 1945, à 25 ans, elle fut arrêtée par les communistes et torturée. Elle était le chef de cabinet du général Rădescu, dernier premier ministre avant linstauration du régime imposé par les Soviétiques. Après son arrestation abusive, une enquête a été ouverte contre elle et elle a été torturée par un des tortionnaires communistes les plus cruels, devenu général au sein de la Securitate – la police politique du régime communiste. A lissue dun simulacre de procès, elle fut condamnée à 4 ans de prison, pour avoir fait partie de lorganisation T (des jeunes libéraux), classée comme terroriste par les nouvelles autorités communistes. Amnistiée par le roi Michel Ier en 1947, peu avant son abdication, elle fut arrêtée de nouveau la même année. Ses camarades de lorganisation libérale lont pourtant aidée à sévader.
En fuite à Bucarest pendant une certaine période, elle allait émigrer clandestinement, le 2 août 1948, avec laide de Ştefan Cosmovici, quelle allait épouser plus tard. Après sêtre réfugiée à Vienne, elle sest établie à Paris. Avec laide dune autre exilée anticommuniste, Monica Lovinescu, elle écrivit son premier livre – « Au commencement de la fin » – publié en français à Paris, où elle décrit les horreurs des prisons communistes. Bien que le souvenir de la torture quelle avait subie fût encore frais dans sa mémoire, Adriana Georgescu a fait leffort décrire ce livre justement pour montrer à lOccident le vrai visage du communisme, ce régime caché derrière la propagande et les mensonges. A part les descriptions détaillées des horribles journées de détention et de torture, Adriana Georgescu y esquisse également les portraits des personnages communistes les plus importants.
Christine Leșcu, 11.08.2019, 13:55
Lidia Bodea, directrice générale de la Maison dédition Humanitas, qui a publié la version roumaine du livre dAdriana Georgescu, explique : « Le livre dAdriana Georgescu contient de nombreux détails et portraits : celui de Petru Groza, le premier premier ministre communiste, ainsi que les portraits de deux autres communistes : Emil Bodnăraș et Ana Toma. Adriana Georgescu était une excellente écrivaine et elle avait aussi de lexpérience journalistique. Elle avait publié des articles de critique cinématographique et, avant 1944, la Sûreté – la police politique ayant précédé la Securitate – a voulu larrêter et la livrer à la Gestapo, pour sêtre érigée contre lidéologie nazie, dont on faisait la propagande dans les films. Elle a commencé à écrire le livre « Au commencement de la fin » en 1948, dès sa fuite à Paris. En 1950-1951, le livre a commencé à prendre contour. Adriana Georgescu travaillait en collaboration avec Monica Lovinescu, qui traduisait le texte au fur et à mesure quil était écrit. Le livre a ainsi pu être publié pour la première fois en 1951, quelques années seulement après lexpérience limite de la prison que son auteure avait vécue en Roumanie. »
Parmi les portraits réalisés par Adriana Georgescu se distingue celui dAlexandru Nicolschi, le plus cruel de ses tortionnaires, l« homme-rat », comme elle lappelle.
Lidia Bodea : « Nicolschi était à lépoque un homme jeune. Il était né à Tiraspol, en 1915. Il avait donc 30 ans et il avait suivi seulement lécole primaire et secondaire. Au début, ce communiste qui arrivait de lURSS fut arrêté, sous laccusation dêtre agent soviétique. Pendant la guerre, les autorités roumaines commuent sa très lourde peine en une autre, facile à supporter. Cest lui, lhomme-rat dont parle Adriana Georgescu, qui lui fait un portrait de fauve. On connaît lactivité de Nicolschi depuis le « phénomène Pitești » jusquà sa mort sereine. Peu avant sa mort, il expliquait dans une interview quil connaissait la détention, pour avoir été, lui-même, en prison. Promu général au sein de la Securitate, Nicolschi est mort tranquillement dans son lit, en avril 1992. »
La première édition roumaine du livre dAdriana Georgescu « Au commencement de la fin » est parue en 1991 à la prestigieuse Maison dédition Humanitas, étant préfacée par Monica Lovinescu. Ecrivaine et journaliste qui a milité contre le communisme au micro de Radio Free Europe, Monica Lovinescu évoque dans sa préface le rôle de la dissidence roumaine durant les premières années de laprès-guerre.
Lidia Bodea nous propose un fragment de cette préface : « Nous souffrons et nous souffrirons encore longtemps de la réputation qui nous a été faite dêtre le pays de lEst avec la plus faible dissidence et, les exceptions bien connues mises à part, cest plutôt vrai pour les dernières décennies de la période communiste, mais pas pour les premières. Après 1944, la résistance en Roumanie a été peut-être plus nombreuse, plus unitaire et plus décidée que chez nos voisins. Et elle a duré plus longtemps. En 1945, nous avions une société civile mais aussi une Armée rouge sur cette terre cédée à linfluence soviétique. En 1989-1990, la société – sauf les magnifiques exceptions bien connues – sest montrée névrosée – aurait dit Adriana Georgescu. En échange, lEurope nest plus divisée et lArmée rouge est occupée chez elle. En 1945, tout dépendait des étrangers. A présent, tout dépend de nous. En principe, il nest plus besoin quau début, ce soit la fin. »
Adriana Georgescu sest éteinte en 2005, au Royaume Uni, où elle sétait établie après son second mariage. Les Editions Humanitas viennent de publier la deuxième édition de son livre. (Trad. : Dominique)