Le général Maurice Sarrail
A la fin de la Première Guerre mondiale, la Roumanie a bénéficié dun soutien important de la part de certains milieux français influents et de personnalités civiles et militaires françaises. Les noms du général Henri Berthelot, du géographe Emmanuel de Martonne, du comte de Saint-Aulaire sont bien connus de nos jours. Pourtant, ils nont pas été les seuls à avoir apporté leur appui à la cause roumaine, dès la période de la Première Guerre mondiale. Une autre personnalité fut le général Maurice Sarrail. Né en 1856 à Carcassonne, Sarrail finissait ses études à lAcadémie militaire de Saint-Cyr en 1877. Pendant la guerre, il a participé aux batailles de Verdun, de la Marne et des Ardennes. Il fut nommé à la tête dun corps expéditionnaire envoyé en Macédoine, pour protéger les alliés de la France. Il a été destitué de ce poste en décembre 1917, pour sêtre associé à un cercle dhommes politiques socialistes, qui ont provoqué une crise. Jusquà la fin de la guerre, il sest retiré dans sa maison de campagne.
En 1916, après avoir attendu impatiemment pendant deux ans, la Roumanie entre en guerre, aux côtés de lEntente, constituée de la France, du Royaume Uni et de la Russie. La Roumanie sétait vu promettre, entre autres, des territoires dAutriche-Hongrie habités par des Roumains et, du point de vue militaire, le déclenchement dune offensive dans la zone de la ville grecque de Thessalonique, où luttaient les divisions françaises commandées par le général Sarrail. Cette offensive aurait obligé la Bulgarie à lutter sur deux fronts, entraînant un affaiblissant de ses attaques contre la Roumanie. Suite au manque de coordination des opérations de lEntente dans les Balkans, à lété 1917 la Roumanie se trouvait dans une situation désespérée : la capitale était sous occupation allemande, les autorités sétaient réfugiées en Moldavie, lépidémie de typhus ravageait le pays, les réfugiés, le surpeuplement et la pénurie daliments rendaient la vie pénible. En ce moment difficile, les hommes de culture roumains ont pensé à remonter le moral des troupes roumaines et de la population en exposant publiquement létendard dEtienne le Grand, prince régnant de Moldavie. Cet étendard était en fait une bannière de Saint Georges, broderie se trouvant, à lépoque, en possession du monastère de Zographou, du Mont Athos. La récupération de létendard est devenue une des priorités de la politique intérieure et extérieure de la Roumanie pendant lété de cette année catastrophique. Les commandants français se sont tout de suite ralliés à cette idée et ont fait en sorte que les Roumains entrent de nouveau en possession de ce symbole.
Steliu Lambru, 21.07.2019, 13:22
A la fin de la Première Guerre mondiale, la Roumanie a bénéficié dun soutien important de la part de certains milieux français influents et de personnalités civiles et militaires françaises. Les noms du général Henri Berthelot, du géographe Emmanuel de Martonne, du comte de Saint-Aulaire sont bien connus de nos jours. Pourtant, ils nont pas été les seuls à avoir apporté leur appui à la cause roumaine, dès la période de la Première Guerre mondiale. Une autre personnalité fut le général Maurice Sarrail. Né en 1856 à Carcassonne, Sarrail finissait ses études à lAcadémie militaire de Saint-Cyr en 1877. Pendant la guerre, il a participé aux batailles de Verdun, de la Marne et des Ardennes. Il fut nommé à la tête dun corps expéditionnaire envoyé en Macédoine, pour protéger les alliés de la France. Il a été destitué de ce poste en décembre 1917, pour sêtre associé à un cercle dhommes politiques socialistes, qui ont provoqué une crise. Jusquà la fin de la guerre, il sest retiré dans sa maison de campagne.
En 1916, après avoir attendu impatiemment pendant deux ans, la Roumanie entre en guerre, aux côtés de lEntente, constituée de la France, du Royaume Uni et de la Russie. La Roumanie sétait vu promettre, entre autres, des territoires dAutriche-Hongrie habités par des Roumains et, du point de vue militaire, le déclenchement dune offensive dans la zone de la ville grecque de Thessalonique, où luttaient les divisions françaises commandées par le général Sarrail. Cette offensive aurait obligé la Bulgarie à lutter sur deux fronts, entraînant un affaiblissant de ses attaques contre la Roumanie. Suite au manque de coordination des opérations de lEntente dans les Balkans, à lété 1917 la Roumanie se trouvait dans une situation désespérée : la capitale était sous occupation allemande, les autorités sétaient réfugiées en Moldavie, lépidémie de typhus ravageait le pays, les réfugiés, le surpeuplement et la pénurie daliments rendaient la vie pénible. En ce moment difficile, les hommes de culture roumains ont pensé à remonter le moral des troupes roumaines et de la population en exposant publiquement létendard dEtienne le Grand, prince régnant de Moldavie. Cet étendard était en fait une bannière de Saint Georges, broderie se trouvant, à lépoque, en possession du monastère de Zographou, du Mont Athos. La récupération de létendard est devenue une des priorités de la politique intérieure et extérieure de la Roumanie pendant lété de cette année catastrophique. Les commandants français se sont tout de suite ralliés à cette idée et ont fait en sorte que les Roumains entrent de nouveau en possession de ce symbole.
Lhistorien Ernest Oberlander-Târnoveanu, directeur du Musée national dhistoire de la Roumanie, estime que le général Maurice Sarrail a été, à ce moment précis de lhistoire, lhomme providentiel pour la cause roumaine : « Les paroles du général Maurice Sarrail ont pesé lourd dans cette affaire. Sarrail, nous le connaissons, hélas, par un célèbre adage de larmée roumaine de 1916 : « Oh, Sarrail, Sarrail, Sarrail, nous nous battons et toi, tu te croises les bras ! » Pourtant, lhistoire a porté sur lui un tout autre jugement. En fouillant dans des documents que personne na daigné lire depuis un siècle, on constate que Sarrail a offert au peuple roumain un cadeau inestimable. De nos jours – et même après la guerre – il ne nous aurait plus été possible de récupérer cet étendard dEtienne le Grand se trouvant au monastère de Zographou. A ce moment-là, le contexte a été favorable : Zographou était un monastère bulgare et les Alliés étaient en guerre contre la Bulgarie. Les moines de Zographou ont été, pour ainsi dire, des victimes collatérales. Lhistoire a ses propres lois et règles et quand elle juge quelquun ou quelque chose ; ce qui compte, cest le résultat et pas les petits détails depuis longtemps oubliés. »
Larmée française nétait pourtant pas une armée de barbares et de criminels pour semparer des biens des civils ou qui tolère les pillages et fasse subir des souffrances à la population innocente. Et pourtant, létendard dEtienne le Grand devait être récupéré et rendu aux alliés roumains.
Quelle solution les Français ont-ils trouvée ? Ernest Oberlander-Târnoveanu : « Pendant très longtemps je me suis intéressé à ce sujet de la récupération de létendard dEtienne le Grand et je suis persuadé – je laffirme publiquement – que les Français ont payé pour lavoir. Le reçu a certainement été conservé dans les archives militaires françaises et je pense quils ont payé une somme importante. Les moines du monastère de Zographou nont jamais réclamé cet étendard depuis, sachant quils lavaient vendu. Sarrail nous a fait un cadeau, au compte des contribuables français. Aujourdhui, 100 ans après ces événements, létendard est là, ce qui compte beaucoup pour nous. »
Le consul de Roumanie à Athènes, Gheorghe Ionescu, a proposé que les militaires ayant rendu de grands services à la Roumanie pendant la guerre soient décorés. Parmi eux figurait le général Sarrail. Ernest Oberlander-Târnoveanu : « Des documents olographes de Gheorghe Ionescu ont été conservés, par lesquels le consul demandait au premier ministre que le lieutenant Dich, chef de la garnison russe, et le capitaine français Gilbert Gidel soient décorés. En haut de la page il y a une résolution où il est dit que le décret royal avait été préparé pour que Gidel se voit accorder lEtoile de la Roumanie, au grade de Commandeur – qui est un très haut grade. Ionescu demande avec insistance quun ordre soit accordé aussi au Général Sarrail, soulignant le rôle important que celui-ci avait joué – et pouvait jouer à lavenir – pour protéger les Roumains de Macédoine, qui se trouvaient sur la ligne du front et lon sait très bien à quelles atrocités avaient été soumis les civils dans les Balkans. Les Alliés français ont été une fois de plus à la hauteur de ce moment de lhistoire : on leur avait demandé que létendard soit envoyé en France par un navire miliaire. Ils ont accepté et létendard fut confié à un major qui sappelait Dion. Celui-ci a pris la bannière et la placée dans une boîte en tôle portant le sceau du Consulat roumain. Le navire est parti de Thessalonique vers Athènes et de là, létendard est arrivé à Marseille, à bord dun autre navire. Et le voilà à Paris, dans la cour de la Sorbonne. »
Le général Maurice Sarrail est mort en 1929 à Paris. Il a été un ami de la Roumanie et il sest trouvé au bon endroit au bon moment pour nous offrir son aide. (Trad. : Dominique)