Le Palais de la Culture de Iaşi (édition concours)
Au début de la modernisation de la Roumanie, la ville de Iaşi, ancienne capitale de la principauté roumaine de Moldavie, était en retard sur Bucarest, capitale de la Roumanie Unie. Pourtant, en tant que ville, Iaşi a parcouru, à son tour, les étapes de la modernité. Le roi Carol Ier et l’élite politique ont tenu leur promesse faite aux Moldaves. Edifice emblématique de Iaşi, le Palais de la Culture fit en effet son apparition.
Marius Tiţa, 28.07.2019, 13:00
Au début de la modernisation de la Roumanie, la ville de Iaşi, ancienne capitale de la principauté roumaine de Moldavie, était en retard sur Bucarest, capitale de la Roumanie Unie. Pourtant, en tant que ville, Iaşi a parcouru, à son tour, les étapes de la modernité. Le roi Carol Ier et l’élite politique ont tenu leur promesse faite aux Moldaves. Edifice emblématique de Iaşi, le Palais de la Culture fit en effet son apparition.
Nous vous proposons aujourd’hui une brève incursion dans l’histoire de ce Palais, de nos jours une présence impressionnante dans le paysage de la ville. Lăcrămioara Stratulat du Musée Moldova est aujourd’hui notre guide sur les ondes. « Sur l’emplacement de l’actuel palais se trouvait jadis la cour princière. Après l’abdication forcée du prince régnant Alexandru Ioan Cuza et l’avènement au trône de Carol Ier, lors de sa première visite à Iaşi, le nouveau souverain a promis aux habitants de la ville d’ériger plusieurs édifices impressionnants, dont un palais administratif et de justice. Ce qui arriva, en effet. Sa construction, commencée pendant le règne de Carol Ier, allait durer une vingtaine d’années, étant achevée sous le règne de son successeur, Ferdinand Ier. La construction de l’actuel Palais de la Culture a duré si longtemps parce qu’elle a traversé la période de la Première Guerre mondiale, les années difficiles du refuge de 1916-1918, lorsque son architecte, I. D. Berindei, a dû, à chaque fois, reprendre l’édifice et le refaire. A chaque fois, l’argent manquait pour continuer les travaux de la façon dont l’architecte Berindei le souhaitait. »
Ioan D. Berindei est un nom important dans l’architecture roumaine de la seconde moitié du XIXe siècle. Promoteur du style néo-roumain, Berindei a assumé la tâche de mener à bonne fin le palais de Iaşi. Lăcrămioara Stratulat : « Il était le second enfant de sa famille à suivre une école d’architecture à la célèbre Université de Paris. Il a conçu un édifice imposant et volumineux qui couvrait 36 mille m² et dont la structure était pourtant légère. C’est là que transparaît son génie : il a réussi à ériger un bâtiment qui allait résister aux grands tremblements de terre – notamment ceux de 1940 et de 1977. L’édifice n’a donc pas été endommagé par les séismes, mais il a subi des dégâts lors de la Deuxième Guerre mondiale, lorsqu’une partie du palais a été touchée par les bombardements de l’armée soviétique et ensuite de l’armée allemande. Les zones bombardées ont pourtant été refaites assez vite. A l’intérieur de cette immense structure relevant du style néo-gothique flamboyant, l’architecte Berindei a placé de nombreux éléments appartenant au style romantique. »
Lăcrămioara Stratulat nous parle de l’heureux mariage de deux styles dans la construction du Palais de la Culture de Iaşi. « On peut facilement y reconnaître deux styles, un plus sévère, l’autre plus léger, et l’intervention de deux rois importants. Le style plus sévère est celui de Carol Ier, l’autre, celui de Ferdinand Ier et surtout de la reine Marie, qui a imposé des courants très à la mode au début du XXe siècle. Je pense notamment aux deux portes d’entrée, ainsi qu’à la porte de la plus grande salle du Palais, la Salle de Voïvodes, réalisées dans un style Art nouveau. La reine Marie adorait le style Art nouveau et on reconnaît son empreinte à plusieurs endroits de la construction. Le Palais de la Culture a été, au début, un palais administratif et de justice, ce qui explique le caractère somptueux des salles principales. La destination de l’édifice fut changée en 1955, lorsqu’il fut transformé en palais de la culture, accueillant 4 musées d’envergure et un centre de restauration et de conservation des biens du patrimoine mobile de la zone. Les 4 musées sont : le Musée d’histoire de la Moldavie, le Musée de la science et de la technique « Ştefan Procopiu », le Musée d’ethnographie de la Moldavie et le Musée d’art. »
La construction du Palais de la Culture a été difficile, à cause de l’époque à laquelle les travaux ont été entrepris. Lăcrămioara Stratulat : « La construction proprement-dite a commencé en 1906, le projet initial connaissant, au fil du temps, de nombreuses modifications. Durant la Première Guerre mondiale, les travaux ont été arrêtés. Durant le refuge à Iaşi du gouvernement de Bucarest, un hôpital de campagne y a été installé. Et puisque c’était la plus grande construction de la ville, elle a accueilli également les troupes roumaines. Ce changement de destination du bâtiment a nui à la construction, notamment du point de vue de son architecture. Après le départ des troupes, l’architecte Berindei a dû refaire une partie des éléments d’architecture décoratifs, assez endommagés. Et puisqu’il a compté sur un certain budget – vite dépassé – il a commencé à chercher des amis pour pouvoir remplacer certains matériaux de construction par d’autres, moins chers, sans réduire la qualité de la construction. A mentionner, par exemple, le ciment spécial inventé par Henri Coandă. Et puisque, pour restaurer un bâtiment, on doit retourner à sa « formule initiale », pour ainsi dire, avec le concours de plusieurs spécialistes, nous avons refait ce « bois ciment » qui a l’air parfait. Il était tel que Berindei et Coandă l’avaient souhaité : il ressemblait au bois de chêne. On retrouve la texture du bois de chêne et le son du bois de chêne en frappant doucement ce lambris en « bois ciment »».
Le Palais de la Culture de Iaşi domine, de nos jours encore, le centre de l’ancienne capitale de la Moldavie, et comme on peut facilement le deviner, il demeure un site incontournable sur la carte touristique de tout visiteur plus ou moins pressé. (Trad. : Dominique)