Maria et C.A.Rosetti
Peu après l’écrasement des révolutions de 1848 dans les principautés roumaines, le peintre Constantin Daniel Rosenthal allait créer, pendant son exil parisien, un tableau qui deviendra rapidement un symbole de l’époque : « România revoluţionară ». La renommée de cette peinture est sûrement due aussi à la beauté de celle qui devient ainsi l’incarnation de cette Roumanie révolutionnaire : Maria Rosetti, l’épouse d’un des révolutionnaires de 1848, Constantin Alexandru Rosetti, homme politique et journaliste.
Christine Leșcu, 23.09.2018, 12:56
Peu après l’écrasement des révolutions de 1848 dans les principautés roumaines, le peintre Constantin Daniel Rosenthal allait créer, pendant son exil parisien, un tableau qui deviendra rapidement un symbole de l’époque : « România revoluţionară ». La renommée de cette peinture est sûrement due aussi à la beauté de celle qui devient ainsi l’incarnation de cette Roumanie révolutionnaire : Maria Rosetti, l’épouse d’un des révolutionnaires de 1848, Constantin Alexandru Rosetti, homme politique et journaliste.
Femme engagée civiquement et politiquement, première femme journaliste de Roumanie, épouse dévouée qui suit son mari en exil, Maria Rosetti change de nom suite à son mariage. Ecossaise de naissance, Mary Grant avait suivi son frère, Effingham Grant, venu s’installer à Bucarest comme membre du corps diplomatique britannique. Son mariage avec C.A.Rosetti, l’aide accordée au groupement révolutionnaire intégré par son mari, mais, surtout, sa contribution à la cause féminine, au développement du journalisme et à la modernisation de l’éducation, font de Maria Rosetti une figure remarquable, à la hauteur du mythe créé par la peinture de Rosenthal.
Nicoleta Roman, historienne, nous parle de la réalité cachée derrière le mythe : « Les époux Rosetti ont célébré leur mariage en 1847, même s’ils se connaissaient depuis 1844. Maria Rosetti a aidé son mari et d’autres révolutionnaires arrêtés par le pouvoir turc, à s’échapper et à fuir en exil. D’ailleurs, elle était déjà mère à ce moment-là, leur fille Sophie Liberté étant née juste au début de la période révolutionnaire de 1848. Son mythe s’est construit aussi avec l’aide des amis français des révolutionnaires roumains. Je pense surtout à l’historien Jules Michelet qui, dans son œuvre « Légendes démocratiques du Nord », dresse un portrait très flatteur de Maria. Ce qui mérite d’être mentionné est la parfaite collaboration dans le couple Rosetti. Ils se sont entendus et soutenus mutuellement, pas uniquement dans leur vie domestique, mais aussi dans leurs travaux liés aux changements sociétaux, au journalisme et à l’éducation. Ils publient tous les deux des textes journalistiques, Maria Rosetti a été même directrice du magazine « Mama şi copilul » / « La mère et l’enfant » et a écrit aussi dans les publications de son mari comme, par exemple, dans le quotidien « Românul » / « Le Roumain » ».
Le fait que C.A.Rosetti soutient son épouse dans ses activités et travaille avec elle sur plusieurs projets montre son ouverture d’esprit, dans le contexte de l’époque.
Nicoleta Roman : « Son ouverture vient principalement de son éducation. Il devient évident pour les lecteurs de son journal et de la correspondance avec sa femme qu’il avait une idée très claire du type de partenaire qu’il recherchait même avant de rencontrer Maria. Il avait beaucoup aimé sa mère qui était très cultivée et qui venait d’une vieille famille de la noblesse paysanne, la famille Obedeanu. D’une certaine manière, son épouse se devait d’avoir les mêmes qualités : savoir rendre la maison accueillante, mais être dans le même temps capable de discuter avec lui de certaines idées politiques sur la modernisation de la société. Après avoir rencontré Mary Grant, qu’il nomme Granta dans son journal, il a souhaité qu’elle l’accompagne à Paris pour assister avec lui aux cours du Collège de France. Il souhaitait avoir une partenaire de tous les points de vue. »
Maria Rosetti a été cette partenaire après le retour d’exil de son mari, à partir de 1857. C.A.Rosetti, homme politique libéral, nommé ministre de l’éducation pendant une courte période et après maire de Bucarest, a initié des projets législatifs concernant des sujets qui étaient soulevés par sa femme, dans son métier de journaliste. Maria Rosetti a lancé la publication « La mère et l’enfant » en 1865. C’était le premier magazine hebdomadaire de ce type dans la presse roumaine. Elle était la principale rédactrice du magazine, ayant un rôle de pionnier dans la presse féminine roumaine. Ses textes sur l’éducation accentuaient le rôle de la mère dans la formation de citoyens impliqués et patriotes, s’éloignant ainsi de la tradition selon laquelle l’éducation délivrée par les mères ne devait dépasser la sphère du foyer. Malgré cela, Maria Rosetti, mère de huit enfants, a été obligée de se retirer de la vie publique, au regret de son mari. Néanmoins, dans leur cas, comme souvent dans le cas des adeptes de certaines pédagogies, l’éducation de leurs enfants n’a pas reflétée les croyances des parents.
Nicoleta Roman : « Il est quelque part paradoxal que, malgré leur implication dans l’éducation primaire, ils aient été plutôt malheureux en ce qui concerne leurs propres enfants. Ils ont mis beaucoup d’espoirs dans leur première fille, justement car elle était née à cette période de renaissance nationale, elle était devenue un symbole. Mais elle n’a pas confirmé les attentes de ses parents. De même pour leurs fils, Vintilă Rosetti étant le seul qui a suivi les traces de son père et repris la direction du journal « Românul ». En plus, ils étaient gâtés, capricieux, dispendieux, cela tourmentait beaucoup leurs parents. »
C.A.Rosetti est mort en 1885, à l’âge de 68 ans et Maria s’est éteinte 8 ans plus tard, à l’âge de 74 ans. Aujourd’hui, deux rues du centre de Bucarest portent leurs noms, la rue Maria Rosetti se trouvant dans la prolongation de la rue C.A.Rosetti. (Trad. Elena Diaconu)