« Pour une femme barbare »
Un nouveau recueil de théâtre signé Saviana Stănescu
Corina Sabău, 23.09.2023, 11:10
Un nouveau recueil de théâtre signé Saviana Stănescu,
« Pour une femme barbare », est récemment paru aux Editions Tracus
Arte, traduit de l’anglais par Diana Benea, à qui l’on doit également une étude
introductive. Lors du lancement accueilli par la Librairie Cărturești Verona de
Bucarest, le public a écouté les interventions du directeur du Musée national
de la littérature roumaine, Ioan Cristescu, de la critique de théâtre Oana
Cristea Grigorescu et du metteur en scène Andrei Măjeri. A cette même occasion,
l’actrice Adelaida Zamfira (présente aussi dans la distribution du premier
spectacle de Saviana Stănescu, « Saviez-vous que les trains racontent des
histoires d’Infantes? ») a lu plusieurs monologues inclus dans le volume
mentionné. Dans sa préface au volume « Pour une femme barbare »,
Diana Benea écrivait : « Ces vingt dernières années, Saviana Stănescu
est devenue un nom emblématique de la dramaturgie américaine, une expression du
croisement Est-Ouest, des cultures et des traditions théâtrales différentes, un
croisement entre l’absurde et carnavalesque Est européen et le réalisme
psychologique américain. Si toute l’activité de l’autrice est décrite par cette
métaphore des ponts qu’elle construit entre continents, cultures, langues et
artistes d’espaces différents, alors la présente édition espère consolider un
tel pont vers le public roumain, à travers une sélection de pièces de théâtre
récentes, mises en scène et publiées notamment au cours de la dernière décennie. »
En 2000, l’Union théâtrale de Roumanie UNITER avait récompensé Saviana Stănescu
du Prix de la meilleure pièce de théâtre de l’année. Ses premières pièces en
roumain (L’Infante ; Mode d’emploi ; Compte à rebours) ont été mises
en scène par Radu Afrim, Theo Herghelegiu, Anca Maria Colțeanu, Tudor Țepeneag.
Présente au lancement de nouveau volume, Saviana Stănescu a parlé de son
oscillation entre les deux espaces, roumain et américain, et de son passage
d’une littérature marquée par les réalités est-européennes à une écriture « globale ».
Ces ponts entre deux cultures, ce vécu entre deux mondes,
entre deux continents, entre deux langues et beaucoup d’autres
« entre », m’ont marquée ces derniers temps. Alors, par ma façon
d’écrire, je tente de retenir cette oscillation entre les identités, les
cultures et les continents. En Amérique, je plaisante en disant que je suis un
écrivain américain de 22 ans, puisque j’y suis arrivée en 2001 et j’y ai recommencé
à zéro. C’est à ce moment-là que je me suis mise à écrire en anglais. Donc,
d’une certaine manière, je n’ai que 22 ans comme écrivain américain. Bon, il
est évident que je suis écrivaine et dramaturge roumaine depuis bien plus
longtemps, mais pour moi il a été important de me réinventer, de repartir à
zéro. Comme on l’a déjà dit ici, ma curiosité est vive chaque jour, tout ce qui
se passe dans le monde m’intéresse. C’est quelque chose qui vient peut-être de
ma zone journalistique, ou peut-être du fait que j’ai toujours aimé explorer des
sujets divers. Je me suis toujours intéressée à des domaines variés, depuis les
maths à la littérature, depuis la technologie de l’information à la danse. Et
tout ça se retrouve dans ma façon d’écrire du théâtre. Je suis curieuse par
nature, il me semble important de mettre les réalités du moment dans une pièce.
Il me semble important de créer une situation dramatique, de créer une histoire.
Si, durant la période de ses débuts littéraires, quand
elle écrivait en roumain, Saviana Stănescu était attirée par la zone de
l’absurde, depuis son arrivée aux Etats-Unis, ses textes ont acquis une forte
dimension sociale et politique. Saviana Stănescu.
Quand je
suis arrivée aux Etats-Unis, je me suis heurtée à une réalité de l’immigrant. C’était
difficile de repartir à zéro, d’être différente, de voir que les gens ne me
reconnaissaient pas, de ne pas être considérée au même niveau que les écrivains
locaux. J’ai donc tout repris à zéro, j’ai essayé de montrer ce que je suis capable
de faire, d’apprendre des autres. Cette nouvelle réalité m’a fait comprendre
qu’en Roumanie, j’étais quelqu’un de gâtée. En Roumanie, je me permettais
d’explorer la l’absurde, de m’évader dans des mondes divers. En Amérique, j’ai
eu des problèmes financiers, j’ai dû affronter un monde beaucoup plus dur,
surtout à New York. Je vous le disais, il a fallu recommencer à zéro, donc je
suis redevenue étudiante, alors qu’en Roumanie j’étais une écrivaine connue. Recommencer
à zéro, c’est quelque chose de très fort. Comme Diana Benea l’écrivait dans la
préface du volume « Pour une femme barbare », j’ai aussi vécu des moments
sociaux-politiques importants. Et
puis, en Amérique, mon écriture a acquis un nouveau thème: les relations de
pouvoir entre les pays. Puisque j’avais compris qu’il s’agissait d’un rapport
de pouvoir différent, car nous ne pouvons pas comparer la perception que les
gens ont des Etats-Unis avec la celle de la Roumanie. Je m’étais rendu compte
que je me trouvais dans un autre monde, un monde du pouvoir, de la domination
économique, un monde avec des problèmes de discrimination raciale et de genre,
avec des problèmes économiques différents de ceux de la Roumanie. J’ai dû m’adapter et assumer un autre rythme.
Mes pièces montrent, bien évidemment, ces nouvelles réalités. Je suis une
personne empathique, donc si je vis pendant un certain temps dans un certain
endroit, je vais écrire une pièce qui reflète les problèmes de cet
endroit-là, tout en espérant que mon
texte parle aussi à un niveau plus ample, qu’il ait une résonance globale.
Saviana
Stănescu enseigne, à présent, l’écriture dramatique et le théâtre contemporain
à l’Ithaca College, après huit ans passés à enseigner à la Tisch School of the
Arts de l’Université de New York.(Trad. Ileana Ţăroi)