Le Delta de Bucarest – un nouveau film d’Eva Pervolovici
« Le Delta de
Bucarest », le tout dernier documentaire signé par la réalisatrice
roumaine Eva Pervolovici, vient de sortir dans les salles de cinéma de
Roumanie. Vivant actuellement en France, Eva Pervolovici a confié aux actrices
Sandrine Bonnaire et Ada Condescu la tâche de raconter à l’écran l’histoire
d’un lieu particulièrement intéressant de la capitale roumaine. Ce fut là que
le monastère de Văcăreşti, un des plus beaux du sud-est de l’Europe, fut érigé
au début du XVIIIème siècle. Le lieu de culte allait disparaître en 1986, sur
l’ordre du dictateur communiste Nicolae Ceausescu, malgré les protestations de
nombreuses personnalités culturelles de l’époque. Quelques restaurateurs ont
réussi à sauvegarder des fresques et des icônes de celles qui ornaient le
monastère. Des propriétaires de terrains et d’habitations du quartier ont été
expropriés pour faire place à un ouvrage hydrotechnique démarré et ensuite
abandonné par le régime communiste. Au fil du temps, un grand nombre d’espèces
d’oiseaux, dont certaines rares, ont trouvé refuge sur le site laissé à
l’abandon. En 2012, une équipe de spécialistes en aires protégées s’est chargée
d’y créer un parc naturel. A présent, le Parc naturel est une des attractions
touristiques de Roumanie, grâce à l’écosystème formé et développé à proximité
du centre-ville de Bucarest.
Corina Sabău, 17.11.2022, 07:02
« Le Delta de
Bucarest », le tout dernier documentaire signé par la réalisatrice
roumaine Eva Pervolovici, vient de sortir dans les salles de cinéma de
Roumanie. Vivant actuellement en France, Eva Pervolovici a confié aux actrices
Sandrine Bonnaire et Ada Condescu la tâche de raconter à l’écran l’histoire
d’un lieu particulièrement intéressant de la capitale roumaine. Ce fut là que
le monastère de Văcăreşti, un des plus beaux du sud-est de l’Europe, fut érigé
au début du XVIIIème siècle. Le lieu de culte allait disparaître en 1986, sur
l’ordre du dictateur communiste Nicolae Ceausescu, malgré les protestations de
nombreuses personnalités culturelles de l’époque. Quelques restaurateurs ont
réussi à sauvegarder des fresques et des icônes de celles qui ornaient le
monastère. Des propriétaires de terrains et d’habitations du quartier ont été
expropriés pour faire place à un ouvrage hydrotechnique démarré et ensuite
abandonné par le régime communiste. Au fil du temps, un grand nombre d’espèces
d’oiseaux, dont certaines rares, ont trouvé refuge sur le site laissé à
l’abandon. En 2012, une équipe de spécialistes en aires protégées s’est chargée
d’y créer un parc naturel. A présent, le Parc naturel est une des attractions
touristiques de Roumanie, grâce à l’écosystème formé et développé à proximité
du centre-ville de Bucarest.
Présenté en première en
Roumanie au Festival international du film Transilvania (TIFF) de Cluj-Napoca, le documentaire Le Delta de Bucarest, de la
réalisatrice Eva Pervolovici, est sorti dans les salles de cinéma de Roumanie à
la fin du mois de septembre et rencontrera le public français le printemps
prochain. La réalisatrice Eva Pervolovici s’est lancée dans cette démarche très
personnelle, de récupération de la mémoire des lieux, après avoir reçu une
tapisserie de l’artiste plasticienne Lena Constante, condamnée, en 1954, à
douze ans de prison.
Tout a été déclenché par cette tapisserie
de Lena Constante, une amie de la famille, qui a été détenue à Văcărești et
dans plusieurs autres prisons de la Roumanie des années 1960. Pour moi, sa
tapisserie a été une sorte d’appel du passé ; elle a éveillé en moi le
besoin de lire davantage sur l’histoire de ces femmes emprisonnées et de
documenter leur histoire. Elle a aussi attisé ma curiosité et m’a conduite vers
le livre « Evadarea tăcută/L’Évasion muette », de Lena Constante, qui
m’a fait découvrir la réalité d’autres femmes enfermées à Văcărești, dont
quelques-unes ont curieusement écrit leurs mémoires en français et les ont
publiées en France. Mais il ne faut pas oublié que ces livres ont été écrits avant
1989, lorsqu’il était plus sûr d’écrire en français ce genre de témoignages
dangereux pour l’auteur. Je mentionnerais Adriana Cosmovici, qui a écrit « Au
Commencement était la fin » (1951), un livre publié chez Humanitas sous le
titre « La început a fost sfârşitul. Dictatura roşie la Bucureşti ».
Ecrit en roumain, le livre est d’abord paru à Paris, la traduction en français
étant assurée par Monica Lovinescu, une amie proche d’Adriana Cosmovici.
Adriana Cosmovici a réussi à fuir la Roumanie dans les années 60 et à s’établir
en France. C’était à l’époque du régime répressif de Gheorghe Gheorghiu-Dej,
avant l’arrivée au pouvoir de Ceaușescu. Vivre en France n’était pas non plus
simple, car les Français, tout comme une majorité d’Occidentaux, avaient une bonne
opinion du communisme et considéraient que ceux qui pensaient différemment
étaient des fascistes. Cela rend encore plus précieuse l’aide offerte par
Monica Lovinescu, journaliste réputée de Radio Free Europe, qui avait soutenue Lena
Constante à Paris. Outre les livres de Lena Constante et d’Adriana Cosmovici, dans
mon documentaire j’emploie aussi des citations du roman « Le cachot des
Marionnettes – quinze ans de prison.
Roumanie 1949-1964/ Închisoarea marionetelor.
« Il n’existe
aucun endroit où se cacher quand l’histoire vient te chercher », affirme à
un moment donné la narratrice dans le documentaire « Le Delta de
Bucarest » – une phrase qui pourrait être le motto du film. Au fur et à
mesure que sa documentation du sujet avançait, Eva Pervolovici a choisi de placer l’accent sur les souvenirs
des anciennes détenues.
J’ai fini par faire le tri de toutes les informations
recueillies et le film se concentre sur les témoignages des femmes, même si la
prison de Văcărești avait aussi une aile réservée aux hommes. J’ai fait ce
choix parce que, dans mon opinion, la voix des femmes est encore trop peu
écoutée. Nous parlons beaucoup des héros de guerre ou des héros de la lutte
anticommuniste, mais nous ne disons quasiment rien des femmes qui ont elles-aussi
souffert énormément, souvent pour des raisons inventées contre elles. Certaines
femmes ont été emprisonnées tout simplement parce qu’elles se sont trouvées au
mauvais endroit, au mauvais moment, comme ce fut le cas de Lena Constante, qui
n’était même pas impliquée en politique. J’ai trouvé qu’il était important de préserver
les témoignages de ces femmes qui ont souffert et qui ont survécu, car elles
avaient beaucoup de force, elles étaient pugnaces et ont réussi à surmonter des
événements très durs et très injustes et à réaliser, en fin de compte, des
choses lumineuses. Lena Constante, par exemple, est connue et reconnue aussi
bien pour ses mémoires écrites que pour ses tapisseries. C’est le côté
optimiste et positif du film, qui parle de la force de survie de ces femmes,
qui est en même temps une leçon. Cela nous montre comment surmonter les moments
très difficiles de la vie et en tirer profit.
Eva
Pervolovici a également réalisé le film « Marussia », son premier
long-métrage. Lancée en 2013, cette production a reçu de nombreuses récompenses
internationales. (Trad. Ileana Ţăroi)