« Hipodrom », un roman autobiographique de Nora Iuga
Nora Iuga publiait en 2020, aux éditions Polirom, son roman autobiographique « Hipodrom ». Depuis, elle dit se reposer en écrivant de la poésie. Nora Iuga, née le 4 janvier 1931, est poétesse, traductrice notamment en allemand, membre de l’Union des écrivains de Roumanie et du PEN Club. Elle a publié une bonne vingtaine de volumes de poésie et de prose, dont « Ce n’est pas de ma faute » (1968), « Le cœur comme un poing de boxeur » (1983), « Le marché du ciel » (1986), « Le bus des bossus » (2000), ou encore « La sexagénaire et le jeune homme » (2000). Ses livres ont été traduits dans plusieurs langues. En 2007, l’Académie allemande de langue et de poésie (Deutsche Akademie für Sprache und Dichtung) l’a récompensée du Prix Friedrich-Gundolf et en 2015 le président allemand, Joachim Gauck, l’a décorée de la Croix du chevalier de l’Ordre du mérite. En 2017, le président roumain Klaus Iohannis, l’a nommée Commandeur dans l’Ordre national du Mérite de la Roumanie. Invitée au micro de RRI, Nora Iuga a parlé de son dernier ouvrage, « Hipodrom », un roman aux nombreux détails biographiques, consacré à Sibiu. C’est dans cette ville qui a forgé sa personnalité, que Nora Iuga a rencontré les sœurs du Couvent des Ursulines, qu’elle a vu Jovis, le cheval blanc immobile dans la vitrine de chez Schuster, qu’elle a enseigné l’allemand à des élèves qui l’adoraient, durant le régime communiste. Nora Iuga raconte.
Corina Sabău, 12.02.2022, 16:31
Nora Iuga publiait en 2020, aux éditions Polirom, son roman autobiographique « Hipodrom ». Depuis, elle dit se reposer en écrivant de la poésie. Nora Iuga, née le 4 janvier 1931, est poétesse, traductrice notamment en allemand, membre de l’Union des écrivains de Roumanie et du PEN Club. Elle a publié une bonne vingtaine de volumes de poésie et de prose, dont « Ce n’est pas de ma faute » (1968), « Le cœur comme un poing de boxeur » (1983), « Le marché du ciel » (1986), « Le bus des bossus » (2000), ou encore « La sexagénaire et le jeune homme » (2000). Ses livres ont été traduits dans plusieurs langues. En 2007, l’Académie allemande de langue et de poésie (Deutsche Akademie für Sprache und Dichtung) l’a récompensée du Prix Friedrich-Gundolf et en 2015 le président allemand, Joachim Gauck, l’a décorée de la Croix du chevalier de l’Ordre du mérite. En 2017, le président roumain Klaus Iohannis, l’a nommée Commandeur dans l’Ordre national du Mérite de la Roumanie. Invitée au micro de RRI, Nora Iuga a parlé de son dernier ouvrage, « Hipodrom », un roman aux nombreux détails biographiques, consacré à Sibiu. C’est dans cette ville qui a forgé sa personnalité, que Nora Iuga a rencontré les sœurs du Couvent des Ursulines, qu’elle a vu Jovis, le cheval blanc immobile dans la vitrine de chez Schuster, qu’elle a enseigné l’allemand à des élèves qui l’adoraient, durant le régime communiste. Nora Iuga raconte.
« Ce projet de livre remonte à il y a longtemps déjà. Ça doit faire une quinzaine d’années maintenant que je pense avoir une dette envers cette ville. Mais ce n’est pas une obligation, comme le remboursement d’un prêt. À travers le livre, j’insiste sur le nom de Hermannstadt, parce que moi, je suis attachée à la ville appelée Hermannstadt, pas tellement à celle de Sibiu d’aujourd’hui. C’est là que j’ai ressenti pour la première fois l’effervescence de l’amour, quand j’avais dix ans et que je ne comprenais rien à cet enchevêtrement de sentiments. Il m’était impossible de m’expliquer la sensation ressentie un soir d’hiver, quand je dévalais la rue principale en direction de l’Empereur des Romains, le plus important hôtel saxon de Sibiu. Mon père, violoniste et chef d’orchestre, y donnait un concert et moi, je lui ramenais de la colophane pour enduire les crins de son archet. Cette ville m’a aussi fait rencontrer des gens qui ont laissé leur empreinte sur mon destin. Malheureusement, ils sont nombreux à nous avoir quittés depuis longtemps. Les sœurs Ursulines, auxquelles je dois la moitié de moi-même, n’existent plus. Ce n’est pas par hasard que, dans mes livres, je parle de Nora A et de Nora B, car moi, je suis faite de deux moitiés antagoniques, ce qui n’est pas inhabituel. Je suis parfaitement convaincue que chaque être humain renferme deux personnages antagoniques et quasi incompatibles, qui se chamaillent sans arrêt. Si Nora A est la timbrée pétulante, alors Nora B est la sage qui lui fait constamment la morale. »
Dans son roman « Hipodrom », Nora Iuga dépeint une existence vécue sous trois dictatures, celle du roi Carol II, d’Ion Antonescu et la dictature communiste.
« Il existe deux catégories d’écrivains ; ceux qui construisent et ceux qui se laissent diriger par une instance intérieure, et moi, je fais évidemment partie de cette seconde catégorie. On peut comparer cette instance intérieure aux souvenirs, car il nous est impossible de contrôler les souvenirs qui s’éveillent en nous et dont certains sont tellement précis qu’ils nous font peur. C’est grâce aux souvenirs que nous pouvons revivre certains événements tels qu’ils se sont passés. Moi je crois que les souvenirs se rapprochent des rêves, qui peuvent prendre l’apparence quelque peu changée, tout de même, de certaines choses du passé lointain. Nous pouvons toutefois identifier ces événements-là, car nous avons la conscience de les avoir vécus, il y a très longtemps. Quand on est vieux et complètement seul, la plus grande joie c’est de s’analyser en profondeur, sans pour autant se rapporter nécessairement à son propre passé biographique. Comme on peut le constater aussi dans mon livre, j’ai vécu sous trois dictatures et je peux dire que j’aime énormément la période de la monarchie, que j’ai connue durant mon enfance et qui est restée gravée dans ma mémoire ; je ne peux pas imaginer une période plus belle que celle-là. J’ai toujours vécu sous le signe des contradictions, mais l’enfant que j’étais ne comprenait pas que marcher pieds nus, comme les marchands ambulants, était en fait une injustice. Le comble c’est que même aujourd’hui, quand je pense à ces temps-là, j’ai l’impression de regarder un film très poétique. Ce que je veux dire c’est qu’il m’est impossible de porter un jugement très exigeant sur le monde. Je crois que chacun de nous a des racines très profondes plantées dans son enfance et que personne ne peut arracher. Des choses aujourd’hui amendables étaient, pour moi, une source de joie », a affirmé l’écrivaine et poétesse Nora Iuga, au micro de RRI.
(Trad. Ileana Ţăroi)