Traditions du Nouvel An
Monica Chiorpec, 01.01.2022, 08:37
Bien que simple convention de calendrier, le Nouvel An est célébré en tant que moment de transformation du temps sur tous les continents. Dans la tradition roumaine, il portait le nom de « Crăciunul Mic/ le Petit Noël », car tous les rituels le concernant avaient lieu au printemps. Les « Colinde » (les chants de voeux) représentent la dimension rituelle la plus importante du Nouvel An. Dans certaines zones ethno-folkloriques, telles le Maramureș historique, ces chants existent dans leur forme archaïque.
Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord, de Baia Mare, explique : « Pour le Nouvel An, les colinde concernent surtout les familles, les voisins, les amis, donc il n’y a plus de ce que l’on appelle les colinde du chemin. Les textes sont particuliers et ont un rôle satirique. Au Maramureş, les mélodies des colinde chantés durant cette nuit spéciale sont particulièrement belles. Les gens des lieux ont préservé un très riche héritage de chants chrétiens, mais aussi préchrétiens, dans lesquels l’on retrouve de très nombreux symboles liés à la renaissance du soleil et de la nature. »
Alors que les masques des danseurs ont une fonction protectrice contre les esprits maléfiques, certains colinde du Nouvel An proviennent d’anciens rituels de fertilité. Vêtus de costumes qui rappellent différents personnages ou des créatures fantastiques, les colindători, accompagnés par des musiciens, interpellent la curiosité des villageois, qui les rejoignent souvent. Le cortège passe d’abord par la zone centrale de la commune, avant de faire le tour des maisons. Les danseurs, désignés aussi par le mot « urâții/les moches », font des sauts en avant et en arrière, montent sur les toits ou dans les arbres, jettent de la suie sur les jeunes filles, l’ambiance générale étant plutôt à l’exubérance.
Sabina Ispas, directrice de l’Institut d’ethnographie et de folklore « Constantin Brăiloiu » de Bucarest, détaille : « Le Nouvel An fait l’objet d’une suite d’actions à caractère cérémonieux et festif, dont la tradition de la sorcova, pratiquée surtout par les enfants très jeunes, est la plus connue. Il y a aussi le colind du Plugușor (La petite charrue), récité par els enfants, et la grande Charrue, portée par des adultes pères de famille. Cette grande Charrue avait initialement une signification de protection et de consécration, deux aspects de la célébration festive de la grande fête, dont les colinde se détachent en tant que rituel. Les sorcovitori et les gens qui portaient la charrue marquaient ainsi le Nouvel An, alors que le rideau final allait tomber à la Saint Jean, à la fin de la première semaine de janvier. Les deux moments exceptionnels – Noël et le Nouvel An – sont liés à la tradition de l’ouverture du ciel. Il est question, en fait, de la perception, la compréhension et l’acceptation de l’acte de théophanie. La divinité toute puissante descendait sur la terre et les gens, et Dieu communiquait directement avec l’homme, sa création. L’ouverture du ciel est un moment spécial, quand les gens peuvent connaître des événements à venir dans l’année qui est sur le point de commencer. Ce n’est pas de la clairvoyance, c’est un message que Dieu envoie aux hommes par un contact direct, sans intermédiaire. »
Au moment du passage d’une année à l’autre, les gens essaient d’avoir une communication meilleure et aussi complexe que possible avec la divinité. Les jeunes filles tentent de déchiffrer les qualités de leurs futurs époux en associant l’image de différents objets cachés qu’elles doivent trouver. Si elles trouvaient un morceau de charbon, leur promis allait avoir des cheveux bruns. Des brindilles sèches annonçaient un mariage avec quelqu’un de plus âgé.
Pour la société contemporaine, la période de temps comprise entre Noël et la Saint Jean (le 7 janvier) est une des plus riches en actions cérémonielles et festives. Les feux d’artifices ont pris la place des claquements de fouet, notamment dans les villes, mais leur fonction est inchangée – chasser le temps passé pour faire de la place à un nouveau commencement. Une multitude d’événements ont lieu tout au long de la nuit entre les ans, à travers la planète. Les gens font la fête en famille, entre amis ou dans la rue, même dans le contexte des restrictions introduites exceptionnellement ces deux dernières années, en raison de la pandémie. (Trad. Ileana Ţăroi)