Ancien et nouveau au Musée national d’histoire de Roumanie
Posons le cadre de notre visite culturelle du jour : dans le vieux centre de Bucarest, on s’approche d’un imposant bâtiment de style néoclassique aux influences françaises. Construit au début du 20-e siècle pour abriter le Palais des postes et des télégraphes, il accueille aujourd’hui le Musée national d’histoire de Roumanie. A l’intérieur, en plus d’une exposition permanente qui vous donnera quelques clés de compréhension de l’histoire roumaine, vous pouvez visiter une exposition surprenante et même émouvante, qui met ensemble le très ancien et le moderne : NeoNlitic 2.
Ion Puican, 28.11.2020, 13:48
Posons le cadre de notre visite culturelle du jour : dans le vieux centre de Bucarest, on s’approche d’un imposant bâtiment de style néoclassique aux influences françaises. Construit au début du 20-e siècle pour abriter le Palais des postes et des télégraphes, il accueille aujourd’hui le Musée national d’histoire de Roumanie. A l’intérieur, en plus d’une exposition permanente qui vous donnera quelques clés de compréhension de l’histoire roumaine, vous pouvez visiter une exposition surprenante et même émouvante, qui met ensemble le très ancien et le moderne : NeoNlitic 2.
Pour en parler, nous avons tout d’abord invité au micro l’un des deux initiateurs et organisateurs du projet, l’artiste Daniel Loagăr, de l’Association Wood Be Nice : « Le concept NeoNlitic, l’idée a la base de l’exposition, est parti d’une exploration personnelle. Je lisais sur Picasso qui est allé vers le cubisme après avoir visité une exposition de masques africains et ibériques. Nous avons alors pensé que nous aurions nous aussi, peut-être, des sources d’inspiration dans notre histoire qui attendaient d’être montrées au public. Nous sommes remontés loin dans le temps, jusqu’au néolithique. On connaît Cucuteni, la céramique de Cucuteni, on connaît Hamangia par la figurine du penseur de Hamangia, mais il y a plein d’autres choses qu’on ne connaît pas. Nous proposons alors cette période comme source d’inspiration, aux artistes et à nous-mêmes. NeoNlitic est cette année à sa deuxième édition et est devenu international. La première édition s’est déroulée en Roumanie avec des artistes roumains et a exploré les cultures de Hamangia et de Cucuteni. Cette année, nous avons suivi les traces de la culture de Cucuteni en Ukraine, où elle est appelé Trypillia, et celles de la culture de Hamangia en Bulgarie, dans sa période tardive. Nous nous sommes également intéressés à la culture de Varna. Une des raisons de choisir la période néolithique comme source d’inspiration est notre conviction que cette période est celle du début de l’homme moderne et même du début de l’art dans le monde. »
La culture de Cucuteni-Trypillia a donné naissance à l’une des plus anciennes civilisations d’Europe (5e et 4e millénaires avant notre ère). Elle est nommée d’après deux villages, dont l’un près de Iași, dans le nord-est de la Roumanie, où ont été découverts, en 1884, les premiers vestiges archéologiques, et l’autre en Ukraine. La culture de Cucuteni-Trypillia s’étendait sur une partie des territoires de la Roumanie, de la République de Moldavie et de l’Ukraine actuelles. La culture de Hamangia est une culture du néolithique moyen (4e et 2e millénaires avant notre ère) qui prend son nom d’un ancien village de la région de Dobroudja, dans le sud-est de la Roumanie. La culture de Hamangia s’est développée dans l’actuelle province de Dobroudja et, dans sa période tardive, dans le nord-est de la Bulgarie.
L’autre co-organisateur de l’exposition NeoNlitic, l’artiste Andrei Cornea, de l’Association Wood Be Nice, nous a parlé des artistes étrangers qui ont pris part à cette édition du projet et des œuvres d’art contemporain exposées au Musée d’histoire de Roumanie : « Cette année, pour la deuxième édition de NeoNlitic, nous avons travaillé avec 16 artistes de Bulgarie, d’Ukraine et de Roumanie. Les artistes roumains restent les plus nombreux. L’expo comprend des œuvres utilisant des techniques mixtes, de la sculpture, du mapping vidéo, des installations, du collage, de la peinture, de la linogravure. Notre invitation a constitué un défi pour les artistes, mais qu’ils ont relevé. Il y en a qui se sont surpassés, si je fais un parallèle avec la première édition de 2018. Nous avons essayé des techniques nouvelles, les artistes ont fait des œuvres qui les sortaient de leur zone de confort, bref, c’est un succès. En plus, le public a bien accueilli les deux éditions. Cette année, le projet a eu un caractère itinérant et s’est finalisé avec une expo dans chacun des trois pays. Nous avons démarré en Bulgarie, au Musée régional d’histoire de Varna, début octobre. Ensuite nous sommes allés à Tchernivtsi, en Ukraine, à la Galerie Vernissage. La troisième et dernière expo du projet, pour cette année du moins, est celle du Musée national d’histoire de Roumanie, à Bucarest, du 14 au 28 novembre. »
Andreea Bîrzu, muséographe au Musée d’histoire de Roumanie, décrivait le projet comme une opportunité pour le Musée de s’ouvrir vers un public plus jeune. Quant à l’implication du Musée dans NeoNlitic, écoutons Andreea Bîrzu : « C’était un honneur et une grande joie de travailler avec l’association Wood Be Nice sur ce projet. Le Musée national d’histoire de Roumanie présente, dans l’exposition NeoNlitic, 20 artefacts chalcolithiques – des figures anthropomorphes et de la céramique appartenant aux cultures de Gumelnița et de Cucuteni. Ce sont des pièces d’une grande valeur historique et esthétique. Nous avons choisi de les présenter en pensant que ça montrera bien l’influence de l’art préhistorique sur l’art contemporain – notamment sur les œuvres présentées dans l’exposition. »
Gumelnița est une culture néolithique située, historiquement, vers le début du 5e millénaire avant notre ère. Sa répartition géographique comprend la Munténie (au sud de la Roumanie, près de la rive gauche du Danube, sur le territoire de l’ancienne culture de Boian), la Dobroudja (où s’était épanouie la culture de Hamangia), ainsi que le Boudjak en Ukraine, au nord du Delta du Danube. Au sud, elle occupait la plupart du territoire de la Bulgarie d’aujourd’hui, jusqu’au nord de la Grèce. Pour finir, l’artiste Daniel Loagăr nous a partagé quelques-unes des difficultés rencontrées pour organiser un projet international durant une période faite de règles et de restrictions dues à la crise sanitaire : « Nous avons conçu cette deuxième édition de NeoNlitic avant la pandémie. Mais elle s’est déroulée en plein pendant, ce qui a considérablement compliqué la tâche. Nous aurions dû finaliser le projet en juin-juillet, mais en raison du confinement nous avons demandé une prolongation de l’Association du Fonds culturel national, un de nos financeurs. Au-delà de ça, nous avons travaillé avec des artistes de trois pays différents, qui parlent trois langues différentes. Sans rappeler que deux de ces pays utilisent l’alphabet cyrillique, ce qui a rendu les choses quelques peu difficiles pour nous. »
Si vous n’avez pas déjà visité l’exposition NeoNlitic dans une des trois villes où elle a voyagé, nous vous proposons de vous rendre sur la page Facebook NeoNlitic (https://www.facebook.com/NeoNlitic/ – vous trouverez l’adresse sur notre site internet). Vous pourrez y voir des images et des vidéos, qui montrent cette rencontre entre l’ancien et le nouveau, et juger par vous mêmes de son intérêt. (Trad. Elena Diaconu)