One World Roumanie
Corina Sabău, 19.09.2020, 13:07
Le documentaire « Strada Deşertului nr.
143 » / « 143 rue du désert », une coproduction Algérie, France,
Qatar, a remporté cette année le trophée du Festival international du film
documentaire et des droits de l’homme One World Roumanie. Le film, récompensé
aussi du Prix des lycéens, est réalisé par le cinéaste algérien Hassen Ferhani
et avait été sacré l’année dernière au Festival international de film de
Locarno et aux Rencontres
internationales du documentaire de Montréal. Quant au public de One
World Roumanie, il a choisi pour gagnant le documentaire français « Ne croyez
surtout pas que je hurle » de Frank Beauvais, récompensé lui aussi par le
jury des lycéens avec une mention spéciale.
La 13e édition du Festival international du
film documentaire et des droits de l’homme One World Roumanie s’est déroulée
fin août à Bucarest, mais aussi en ligne, cinq mois plus tard que prévu
initialement. Fin mars, les cinémas et autres salles de spectacles de Roumanie
fermaient, à cause de l’épidémie de coronavirus. Mais voilà que les
organisateurs, avec l’appui de l’Institut culturel roumain, ont pu finalement
reprogrammer le festival. L’édition de cette année a été dédiée à l’homme sans identité
– sans identité claire aux yeux de la majorité. L’étranger, le membre d’une
minorité, la marge, la périphérie, bref, tout ce qui n’est pas la norme. Cela peut
désigner, en fonction du contexte, quelqu’un de la communauté rom ou LGBT, une
personne pauvre, un réfugié, un immigré.
Andrei Rus, le directeur artistique du
Festival : « Un sondage
commandé par le Conseil national de lutte contre la discrimination a été rendu
public récemment. Il est très parlant sur le niveau de racisme, de xénophobie
et d’homophobie de la société roumaine. Il a été réalisé en 2018 et contient
des questions du type « Accepteriez-vous qu’une personne d’ethnie rom
fasse partie de votre famille, soit votre ami, collègue de travail ou
voisin ? » Ce qui est intéressant, c’est que pour la première fois en
30 ans, les résultats ont été plutôt encourageants. Bien évidemment, nous
sommes loin d’être une société inclusive, qui accepte la diversité à 100%. Mais
c’est pour la première fois que plus de la moitié des personnes participant à
l’étude ont répondu de manière positive à ces questions. C’était là notre
point de départ, car One World Roumanie est un festival de film documentaire et
des droits de l’homme. Et quand on parle droits de l’homme, on parle activisme
et participation. Je veux dire par là que les documentaires que nous proposons
attirent l’attention sur des problèmes, des aspects qui ne fonctionnent pas.
Cette année, nous nous sommes dit qu’il serait peut-être bien d’avoir une
attitude plutôt positive. En partant de la marginalisation de certaines
catégories de personnes, montrer toutefois que nous avons remporté une sorte de
victoire d’étape, si on peut l’appeler ainsi. Je crois qu’il est important de
marquer les petites victoires aussi dans une lutte de longue haleine. Mais en
cette période de crise sanitaire, certains discours se sont radicalisés, on a
exagéré, on a cherché des raisons pour prolonger la pandémie et, comme toujours
– et pas uniquement en Roumanie -, les marginaux ont été blâmés par une partie
importante de la presse. Pour revenir à l’étude dont je parlais, je ne sais pas
si les résultats de 2018 sont toujours valables aujourd’hui. Il suffit de
penser au fait que les Roms ou les gens qui travaillaient à l’étranger et qui
sont rentrés en Roumanie au début de l’épidémie, des gens plutôt pauvres pour
la plupart, ont été les boucs émissaires dans beaucoup de reportages qui
traitaient de la progression de la pandémie. »
La section principale de l’édition 2020 du Festival
One World, réunie sous le titre « Tu n’as aucune idée combien je
t’aime », a été dédiée à la minorité rom. Les douze films de cette section
ont été projetés à Verde Stop Arena, un ancien stade de Bucarest qui accueille aujourd’hui
des événements.
Andrei Rus, le directeur artistique du
Festival, nous a parlé de la section principale et nous a fait quelques
recommandations : « Nous avons
choisi douze films toutes époques confondues, des documentaires sur les Roms.
Nous avons également inclus des films biographiques dans cette catégorie, comme
celui sur le célèbre musicien Django Reinhardt. Un autre film était sur Katarina
Taikon, une sorte de version féminine de Martin Luther King, qui a vécu dans
les années ’60 en Suède, une fervente activiste pour les droits civils des
Roms. Parmi ces films, réalisés depuis les années ’50, une partie sont des
productions des anciens pays communistes, comme « Le citoyen Gyuri »,
le chef-d’œuvre de Pál Schiffer de Hongrie ou « Avant que les feuilles ne
tombent » du Polonais Władysław Ślesicki. Mais nous avons aussi eu des
documentaires très récents, par exemple « Acasă, My Home » / « Chez
moi, My Home » de Radu Ciorniciuc. Ce film, qui a ouvert le festival,
raconte l’histoire d’une famille rom qui vivait dans le Delta Văcărești de
Bucarest avant sa transformation en parc naturel. Ou bien « A Lua Platz »,
une production française sur des Roumains ethniques roms qui essaient de
trouver un travail en France. Pour résumer, on a inclus dans cette section des
films de 1957 à 2020. »
L’édition 2020 du Festival One World est finie,
après dix jours de projections, débats et autres événements à Bucarest. Toutefois,
l’équipe One World continue son travail, ailleurs en Roumanie ou en ligne. Un
travail bien nécessaire en Roumanie, car faire connaître ces documentaires peut
entraîner, petit à petit, un changement des mentalités. (Trad. Elena Diaconu)