Quel avenir pour la culture ?
Si les financements de la part de l’Etat étaient déjà bas, même avant la crise, ces derniers mois n’ont fait qu’accentuer les problèmes auxquels sont confrontés les artistes indépendants et les institutions culturelles publiques et privées. Qui plus est, si le public était déjà de moins en moins présent dans les salles de spectacle, cela fait plusieurs semaines que les salles sont fermées. Evidemment, les institutions culturelles ont fait de leur mieux pour rester en contact avec leur public en ligne. Tout cela est un défi sans précédent à relever par le domaine culturel, une véritable épreuve pour la stratégie en cas de crise de chaque institution, mais aussi pour le public. Attirer des fonds est une priorité plus importante que jamais et le dialogue doit s’instaurer entre le milieu public et privé. Ce fut le sujet d’un débat organisé par l’Institut national pour la recherche et la formation culturelle.
Corina Sabău, 18.07.2020, 13:00
Si les financements de la part de l’Etat étaient déjà bas, même avant la crise, ces derniers mois n’ont fait qu’accentuer les problèmes auxquels sont confrontés les artistes indépendants et les institutions culturelles publiques et privées. Qui plus est, si le public était déjà de moins en moins présent dans les salles de spectacle, cela fait plusieurs semaines que les salles sont fermées. Evidemment, les institutions culturelles ont fait de leur mieux pour rester en contact avec leur public en ligne. Tout cela est un défi sans précédent à relever par le domaine culturel, une véritable épreuve pour la stratégie en cas de crise de chaque institution, mais aussi pour le public. Attirer des fonds est une priorité plus importante que jamais et le dialogue doit s’instaurer entre le milieu public et privé. Ce fut le sujet d’un débat organisé par l’Institut national pour la recherche et la formation culturelle.
L’occasion pour la directrice de son département de recherche, Anda Becuţ Marinescu, d’expliquer que : « Il ne faut pas oublier que cette concurrence devrait se manifester aussi en matière de méthodes d’attirer le public, puisque la population est déjà affectée par la baisse des pratiques en ce qui concerne la culture. Ce qui suivra dépendra énormément du taux de confiance que les gens feront aux institutions et à leurs messages et de l’offre proposée par les institutions culturelles publiques et privées. »
De même, la gestion du risque ne doit pas faire défaut dans la stratégie de toute institution ou organisation culturelle, estime notre interlocutrice Anda Becuţ Marinescu. Ces derniers mois l’ont prouvé, selon Anda Becuţ Marinescu : « Un problème important, c’est la manière dont les gens perçoivent le risque. Il faut en être conscients et il faut savoir le gérer, y compris au niveau des organisations culturelles. Il ne faut exclure ni le public, ni les professionnels du domaine. Et évidemment, il faut repenser la qualité de l’acte artistique compte tenu de ce risque qui nous concerne tous. »
C’est probablement la qualité de l’acte culturel qui mobilisera le public et ramènera la culture dans l’attention de la population, surtout qu’il s’agit d’un domaine indispensable pour toute société moderne. Bien qu’il soit distribué en milieu virtuel en ce moment, le contenu culturel doit répondre à la demande des différentes communautés culturelles et maintenir un niveau élevé de qualité, estime encore Anda Becuţ Marinescu : « Les mois à venir, notre attention doit se concentrer sur la qualité de l’acte artistique et du contenu. Dernièrement, nous avons assisté à une surproduction de contenus culturels en ligne, certains n’étant pas de la meilleure qualité. Il existe aussi une concurrence au niveau global. Et là, je pense que la manière dont nous percevons la communauté est tout aussi importante, car cela se traduit par la proximité physique, sans oublier les communautés de goûts et de préférences qui se créent en ligne. »
Pour sa part, Irina Cios, directrice de l’Administration du Fonds culturel national, voit en cette crise du coronavirus une opportunité pour la culture. Et pour cause. En quelque sorte, tout ce qui s’est passé ces derniers mois a ramené dans l’attention générale les graves problèmes auxquels le domaine culturel se confronte en Roumanie. Irina Cios : « Pour nous tous, ce virus est en fait une opportunité extraordinaire. Je crois que c’est pour la première fois dans l’histoire de la Roumanie que l’on parle de la culture au niveau public et central. C’est pour la première fois que l’on fait des pas réels pour soutenir ce secteur et pour repenser le système dans son ensemble. Peut-être devrions-nous prendre au sérieux cette opportunité, nous réunir et voir ce que l’on peut faire pour améliorer la fameuse stratégie culturelle, mais aussi voir quels seraient les pas à entreprendre pour promouvoir la culture au niveau de l’ensemble de la population. »
Si la consommation de culture a baissé durant la période de confinement, les statistiques font état de chiffres inquiétants même pour les périodes d’activité normale, lorsque l’accès aux événements culturels n’était pas limité ni en Europe, ni en Roumanie. Malheureusement, la Roumanie se trouve en queue de peloton en ce qui concerne la participation du public à l’acte culturel. Plus de détails avec Tudorel Andrei, directeur de l’Institut national de la statistique de Roumanie : « Voyons combien mobile est la population de la Roumanie d’un point de vue culturel, en partant de quelques chiffres simples comparés avec ceux correspondant aux autres pays européens. Voici un chiffre très important qui en dit long sur ce que la mobilité sociale de la population roumaine signifie et qui mesure la participation aux activités culturelles. Seulement 30% de la population de la Roumanie participe à au moins un événement culturel au cours d’une année, alors que la moyenne européenne est de 60%. »
Il existe une explication pour cet état de choses pas du tout réjouissant. Irina Cios nous en parle : « Cela arrive parce que la population de la France (par exemple) apprend dès le plus jeune âge que la composante culturelle est essentielle pour l’accomplissement spirituel et humain. Les enfants visitent les musées, ils font des cours et des ateliers de création. Cela est dans leurs gènes et ces pratiques sont perpétuées, quelles que soient leurs options de carrière. »
Voilà donc deux éléments essentiels pour la survie de la culture publique et privée : un financement fort et soutenu et un changement des mentalités en faveur des pratiques culturelles. L’avis des spécialistes est unanime : la Roumanie doit suivre les tendances européennes et la réforme de ce domaine jeté à l’oubli ne doit pas tarder. (Trad. Valentina Beleavski)