Le réalisateur Alexandru Solomon à la tête de l’Association One World Roumanie
Corina Sabău, 09.05.2020, 13:06
Initiateur du festival, le réalisateur de
film documentaire Alexandru Solomon, à la tête de l’Association One World Roumanie,
parle des implications qu’une telle démarche pourrait avoir et des difficultés
de reporter un festival d’une si grande ampleur : « On
a déjà mis en place une série de facilités à l’intention de ceux qui mènent des
activités dans le domaine culturel, mais cela concerne plutôt des individus,
pas des organisations. Après, il y a toute sorte de restrictions qui
contreviennent à la façon dont on travaille normalement dans ce domaine. Par
exemple, il faut que les artistes fournissent la preuve de ne pas bénéficier
d’autres sources de revenu ou encore de n’avoir touché aucune paie
dernièrement. Le côté positif, c’est que le dialogue a été lancé. En revanche,
d’un point de vue institutionnel, les choses piétinent. Pour ce qui est du Festival
One World Roumanie, on a eu de la chance puisqu’il a été prévu une semaine
après la mise en place de l’état d’urgence. Cela veut dire qu’au moment de l’annulation,
nous, on avait déjà le budget et nos partenaires n’ont pas fait marche arrière
ou du moins, pas pour l’instant. Mais le fait de le reporter implique un
travail supplémentaire, surtout financier vu que nous sommes tenus de rémunérer
des personnes concernées pour une période de temps beaucoup plus longue que
celle prévue dans un premier temps. A tout cela s’ajoute, bien évidemment,
l’effort de notre équipe qui devra aussi être récompensée. A l’heure où l’on
parle, on continue dans la même formule, en essayant de rester en contact avec
notre public de différentes manières, en lui proposant, par exemple, toute
sorte de films en ligne, à titre gratuit. Malheureusement, actuellement,
l’incertitude est telle qu’il est impossible de prévoir une nouvelle date. On
véhicule l’idée d’une reprise progressive des activités, mais je doute qu’une
telle mesure concerne aussi les événements à public nombreux. »
Conçu dès
le départ comme une sorte de plateforme pour les films documentaires, le Festival
One World Roumanie en est arrivé à sa 13ème édition, avec une évolution
au long des années.
Alexandru
Solomon en parle : « L’actuelle formule, on l’a obtenue progressivement,
d’une édition à l’autre, puisqu’on a pensé qu’il était important que le film
soit placé au centre des préoccupations artistiques, comme une sorte de moyen
de communication entre les différentes parties de la société. C’est grâce à
cette approche que le festival a occupé sa place sur le marché culturel de
Roumanie. La société roumaine avait grand besoin d’une telle manifestation
artistique, comme on peut le constater si l’on recense le nombre d’ONG et de
personnes issues du milieu culturel, artistique et social qui s’identifient
avec le festival. Bien sûr que la pandémie qui nous a frappés est la pire des
choses qui aurait pu nous arriver, on ne s’y attendait pas du tout. Mais, vous
savez, cette situation est pareille pour tous les festivals du monde. Le
contexte pandémique nous a obligés à renoncer complètement à un des principaux
aspects qui nous caractérisaient – le lien direct avec notre public, que nous avons
dû remplacer par un lien virtuel. Un festival de film repose avant tout sur la
communication, sur la communion créée face à l’écran et puis, dans notre cas, il
implique aussi des débats et des discussions. »
Normalement, la 13e
édition du Festival One World Roumanie aurait dû s’ouvrir par la projection du
premier documentaire du réalisateur Radu Ciorniciuc « A la maison / My Home »,
une des productions favorites au Festival Sundance. Le documentaire raconte
l’histoire d’une famille qui a vécu pendant une vingtaine d’années dans le
delta de Văcăreşti, jusqu’à ce que cette zone de la ville de Bucarest ne
devienne aire protégée et ne se transforme en premier parc naturel urbain de
Roumanie. Quatre ans durant, le réalisateur Radu Ciorniciuc a suivi la grande
aventure des Enache et leur passage d’une vie en parfaite harmonie avec la
nature à une autre, au milieu de la jungle urbaine.
Alexandru Solomon :
« Le film alimente ce penchant que notre festival a pour les sujets
sociaux, renvoyant à la lutte contre la discrimination. D’ailleurs, la 13ème
édition du festival porte sur les problèmes des minorités, notamment des Tziganes,
et sur leur discrimination tout au long de l’histoire. Après, My Home est un
film très beau et très émouvant de tous les points de vue. Son parcours
international est des plus prometteurs, il a déjà à son palmarès le Prix de la
meilleure image décroché à Sundance, devenant le premier film roumain à avoir
enregistré une telle performance ».
Prévue dans un
premier temps du 20 au 29 mars, à Bucarest, la treizième édition du Festival
One World Roumanie sera reportée. Ce n’est pas par hasard que nous avons choisi
de la consacrer à la minorité tsigane puisque cette année, One World Roumanie
marque un moment historique dans l’histoire des mentalités roumaines : pour
la première fois depuis la libération des Tziganes, il y a presque 150 ans, le
nombre des Roumains à les considérer comme leurs égaux a dépassé celui des
autres, qui continuent à les discriminer. (Trad. Ioana Stancescu)