La fête de Pâques chez les catholiques de Roumanie
Madame, Monsieur, comme vous l’avez déjà remarqué, le jour des Pâques catholiques et protestantes ne coïncide presque jamais avec celui des Pâques orthodoxes. Même si les deux Eglises se rapportent à la pleine lune qui suit à l’équinoxe de printemps pour calculer le jour de Pâques, il résulte le plus souvent un décalage d’une semaine entre les deux fêtes. Bien sûr, il ne s’agit pas de la lune proprement dite, mais d’une lune ecclésiastique.
Monica Chiorpec, 11.04.2020, 00:27
Madame, Monsieur, comme vous l’avez déjà remarqué, le jour des Pâques catholiques et protestantes ne coïncide presque jamais avec celui des Pâques orthodoxes. Même si les deux Eglises se rapportent à la pleine lune qui suit à l’équinoxe de printemps pour calculer le jour de Pâques, il résulte le plus souvent un décalage d’une semaine entre les deux fêtes. Bien sûr, il ne s’agit pas de la lune proprement dite, mais d’une lune ecclésiastique.
Pour mieux comprendre ces aspects, nous nous sommes adressés à Sabina Ispas, directrice de l’Institut d’ethnographie et de folklore « Constantin Brăiloiu » de Bucarest qui affirme que: « Après de longues discussions, les conciles œcuméniques ont décidé que la fête de Pâques soit une fête mobile dont le jour tombe en fonction des phases de la Lune. De cette manière, on reprend le système de calcul à l’ancienne, propre à la fête de la Pâque juive de l’époque historique quand tous ces événements ont vraiment eu lieu. Il en résulte que les dimanches de Pâques et des Rameaux sont des fêtes mobiles. »
A la veille de Pâques, à minuit, les fidèles catholiques de Roumanie se rendent à l’église pour fêter la Résurrection de Jésus Christ. A la fin de la messe, ils se voient offrir du pain arrosé de vin qu’ils ramènent chez eux pour partager avec les proches. Cette coutume qui date depuis le XVIIème siècle, de l’époque de la création de l’Eglise réformée de Transylvanie a été reprise par la suite aussi bien par les orthodoxes que par les uniates de la région. Une fois rentrés à la maison, les fidèles catholiques se réunissent autour de la table. Mais, comme dans le cas des autres chrétiens, le repas principal a lieu le dimanche de Pâques.
Cette fête s’accompagne souvent de traditions insolites, telles l’arrosage d’eau ou de parfum. Delia Şuiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, explique :« Le rituel de l’arrosage, les catholiques de Transylvanie l’ont repris de l’espace germanique. Puisque les différentes couches culturelles agissent toujours sur l’évolution d’une civilisation, il en résulte de belles rencontres. Tous les chrétiens catholiques des communautés traditionnelles respectent cette tradition. Le jour et le lendemain de Pâques, les gens s’arrosaient d’eau, en signe de purification. C’était un rituel issu de la période préchrétienne qui trouve son origine dans un rituel imposé par Ostara, la déesse de la fertilité et de la renaissance. La tradition veut que pendant ces deux jours de fête, les gens s’arrosent d’eau réciproquement, en signe de purification et de fertilité. De nos jours, l’eau a été remplacée par le parfum, symbole de renaissance spirituelle, puisque, dit-on, l’odeur de parfum a le don d’annuler la laideur du monde, en réinstaurant l’ordre et en rééquilibrant les énergies cosmiques. »
Pâques, la fête chrétienne de la Résurrection du Seigneur, apporte au premier plan des éléments de grande profondeur spirituelle. Dans la tradition populaire, rien de ce qui se passe en ces jours importants n’est le fruit du hasard. La signification des œufs colorés en rouge, mais aussi celle des autres plats du repas de fête – dont ceux à base d’agneau ou encore le cozonac, cette brioche traditionnelle – rappellent l’esprit de sacrifice. L’ethnologue Delia Şuiogan précise :« Une autre tradition catholique, c’est le symbole du lapin de Pâques. D’habitude, à cette époque, toutes les vitrines sont pleines de lapins et d’œufs en chocolat que le lapin apporte. De nouveau, nous nous subordonnons à la même déesse, Ostara, par la filière germanique. Une légende dit qu’au cours de sa promenade dans les champs, cette déesse rencontre un oiseau avec les ailes brisées. Impressionnée par cette image, la déesse souhaite aider l’oiseau pour qu’il ne meure pas. Une voix divine lui dit que si elle réussit à le transformer en un animal qui n’a pas besoin de voler, l’oiseau survivra. La déesse transforme alors l’oiseau en lapin. Ce qui est intéressant, c’est que ce lapin-là maintient toutefois sa fonction de pondre des œufs. Ainsi, une fois par an, l’oiseau devenu lapine offre à la déesse des œufs peints, en signe de la renaissance sous une autre forme, qui lui a rendu le droit à la vie. On dit que depuis lors, les œufs sont peints et qu’il faut les chercher dans l’herbe, sur les traces de la lapine. Peindre les œufs entre sous l’incidence du cadeau comme récompense de la bonté. Il s’agit donc, là encore, de la signification de la renaissance. »
En Transylvanie, le Samedi saint, les jeunes hommes des communautés catholiques ornent les sapins avec des rubans colorés, et après la tombée de la nuit, ils les introduisent dans les cours des jeunes filles à marier, les liant à la clôture. A leur tour, les jeunes filles attendent ce moment derrière les fenêtres, et elles apprennent ainsi combien de prétendants elles ont cette année-là. Joyeuses Pâques ! (Trad. Ligia Mihaiescu, Ioana Stancescu)