Films roumains au Festival de Sundance
Nos invités d’aujourd’hui sont Radu Ciorniciuc et Alexander Nanau, deux réalisateurs roumains dont les films ont été sélectionnés au Festival de Sundance. Il s’agit du film « Colectiv » d’Alexander Nanau, sélectionné dans la catégorie « Spotlight », et du documentaire « Acasa — My Home » (Chez moi) de Radu Ciorniciuc, présenté dans la section « World Cinema Documentary Competition ».
Corina Sabău, 08.02.2020, 16:30
Nos invités d’aujourd’hui sont Radu Ciorniciuc et Alexander Nanau, deux réalisateurs roumains dont les films ont été sélectionnés au Festival de Sundance. Il s’agit du film « Colectiv » d’Alexander Nanau, sélectionné dans la catégorie « Spotlight », et du documentaire « Acasa — My Home » (Chez moi) de Radu Ciorniciuc, présenté dans la section « World Cinema Documentary Competition ».
Commençons par « Colectiv », un documentaire qui retrace les événements de la première année après l’incendie tragique survenu le 30 octobre 2015 dans la discothèque bucarestoise appelée justement « Colectiv », qui a fait 66 morts et deux cents blessés. La pellicule se penche sur la relation entre les autorités et les journalistes, dans leur tentative de trouver la vérité. Avant Sundance, le film d’Alexander Nanau avait été projeté aux festivals de Venise et de Toronto. Aux Etats-Unis, c’était le seul documentaire inclus dans la section Spotlight, consacrée aux productions d’exception lancées l’année dernière. «Colectiv» parle des gens face au système, de la différence subtile entre vérité et le mensonge, du courage et de la responsabilité. Le réalisateur Alexander Nanau ajoute :
« J’ai décidé qu’il fallait raconter cette histoire, dire ce qui s’est passé, qu’il fallait comprendre le processus de transformation que subit la société roumaine. J’ai réuni une équipe en charge de la documentation, nous avons fait des recherches sur le sujet sous tous ses aspects. Puis, ma co-auteure, Antoaneta Opris, et moi, on s’est rendu compte qu’il fallait se concentrer sur la presse, puisque la presse était la seule capable de décortiquer la relation entre le pouvoir et le citoyen. Nous avons donc choisi de raconter l’histoire par les yeux de la presse. A ce moment-là, seuls trois journalistes de Gazeta Sporturilor (La gazette des sports), à savoir Cătălin Tolontan, Mirela Neag et Răzvan Luţac osaient poser des questions. Dans tous les médias, les responsables ne faisaient que mentir, c’était la désinformation totale. Par exemple, on disait qu’il était possible de faire opérer les victimes en Roumanie, car il y avait les conditions nécessaires en ce sens, alors que l’équipe de Gazeta Sporturilor a découvert que l’unité des grands brûlés de l’Hôpital Floreasca était en fait fermée. C’est à ce moment-là que nous nous sommes rendu compte qu’il y avait plus de choses à dire à ce sujet. Et vu que l’équipe de Catalin Tolontan était connue pour ses investigations, nous avons décidé de leur parler, de voir s’ils avaient trouvé de nouvelles informations pour déconspirer ce mensonge perpétué par l’Etat, en espérant qu’ils allaient nous permettre de suivre leur enquête. Au début, ils ont été très réticents, mais vu que notre équipe avait elle aussi fait des recherches solides sur le sujet, ils ont commencé à nous faire confiance et nous avons commencé à collaborer. Au fur et à mesure que nous filmions, nous avions l’impression de suivre un véritable thriller inspiré de la vie quotidienne. »
Le second film présenté au festival américain Sundance marque le début du réalisateur Radu Ciorniciuc. « Acasa – My Home » (Chez moi) raconte lhistoire dune famille qui a vécu pendant une vingtaine dannées dans le delta sauvage de Vacaresti de la capitale roumaine, un endroit laissé à labandon pendant deux décennies, qui devient une zone protégée et le premier parc naturel urbain de Roumanie. 4 ans durant, le réalisateur Radu Ciorniciuc a suivi cette « grande aventure » qua traversée la famille Enache, son parcours dune existence en parfaite harmonie avec la nature à une vie dans la jungle urbaine qu’est la capitale roumaine, Bucarest. En parallèle, son équipe a lancé un projet social auquel ont contribué de nombreux spécialistes et de nombreuses organisations humanitaires. Et pour cause : les 11 membres de la famille Enache avaient mené une vie en dehors de la société, sans papiers, sans éducation, sans accès aux soins de santé. A l’heure où l’on parle, tous les 9 enfants de cette famille ont des papiers, sont inscrits à l’école et sont visités régulièrement par des médecins. Les adultes ont, eux, des emplois s
« Je dirais que « Acasa – My Home » (Chez moi) est le film du drame d’une famille. Nous avons filmé pendant deux ans leur vie au delta de Vacaresti et nous avons suivi pendant deux autres années leur processus d’intégration sociale. Ce documentaire est réalisé en collaboration avec la scénariste Lina Vdovîi et Mircea Topoleanu. Aucun de nous n’avait de l’expérience cinématographique. Puis un producteur qui avait déjà travaillé dans ce domaine nous a rejoints. De même, en tant que journalistes, nous avons eu accès à des moyens de communication avec le public et notre projet est devenu de plus en plus visible. S’y est ajoutée la tentative de renforcer le projet social, qui a fait appel aussi aux efforts du public afin d’assurer aux enfants et aux parents une transition mois traumatisante d’une vie à l’autre. C’est grâce aux personnes qui nous ont soutenues que nous avons pu mettre sur pied ce projet multimédia qui est « Acasa ». S’y ajoute entre autres un album réalisé par les enfants durant leur première année de transition, lorsqu’ils ont documenté leur vie dès le départ du delta jusqu’à la fin de la première année d’école. Avant, ils ne s’étaient jamais rendus à l’école. »
Enfin, notons aussi que le documentaire de début de Radu Ciorniciuc, «Acasa – My Home » (Chez moi), a remporté le Prix spécial de la meilleure image au Festival du film Sundance, aux Etats-Unis. La première internationale de cette production a eu lieu dans le cadre de la compétition des films documentaires du festival. Le documentaire roumain était en lice aux côtés de 12 autres titres, choisis parmi les 14.000 films proposés.
(Trad. Valentina Beleavski)