« Melancolia / Mélancolie »
Après avoir connu un extraordinaire succès national et international avec son roman « Solénoïde », Mircea Cărtărescu signe un nouveau livre. C’est le triptyque « Melancolia/Mélancolie », une évocation nostalgique d’une enfance et d’une adolescence bercées par une atmosphère de rêverie profonde. Réaliste et onirique en égale mesure, frappé de l’empreinte unique de son auteur et pourtant différent de tout ce qu’il a déjà écrit, ce livre, en tête des ventes de son éditeur « Humanitas » au Salon Bookfest 2019, parle de solitude, d’abandon, d’amour et d’héroïsme. Pour le critique littéraire Cosmin Ciotloș, le volume propose « une aventure existentielle ». Dans « Melancolia », Mircea Cărtărescu « nous invite à un exercice de sincérité immense et de vécu authentique éblouissant, il nous ouvre sa sensibilité bien particulière », ajoute Cosmin Ciotloș.
Corina Sabău, 21.09.2019, 13:00
Lors du lancement de « Melancolia », Mircea Cărtărescu a parlé de la naissance du volume, qu’il a mis dans le contexte de l’ensemble de son œuvre : «Ce n’est pas un livre qui tente d’ajouter un autre niveau à mon écriture, qui se place dans la continuité de l’histoire intime de mon écriture. « Melancolia », tout comme mes autres livres, est un ouvrage indépendant, qui n’a pas de liens progressif avec les autres. Ce n’est ni le sommet de ma création ni la chose la plus importante que j’aie réussie au bout de dizaines d’années travail. C’est un livre comme tous mes autres livres, De ce iubim femeile/ Pourquoi nous aimons les femmes, Frumoasele străine/Les Belles étrangères, Nostalgia/La nostalgie, Travesti. Mes livres ne vont pas vers un point idéal. Mes forces ne grandissent pas avec le temps. J’ai écrit pendant quarante ans, mais je n’ai rien appris de la littérature, je ne me suis pas perfectionné. Je suis resté le même qu’au début et j’ai eu une zone que j’ai ressentie comme mienne et que j’ai essayé d’explorer et de conquérir avec chacun de mes livres. Chaque livre couvre une petite parcelle de cette planète que j’ai reçue. »
Lors du lancement du livre de Mircea Cărtărescu, l’auteure Ioana Pârvulescu affirmait que Melancolia était un livre parfait et qu’elle avait fascinée par les différences entre un conte habituel et ceux très personnels de Mircea Cărtărescu. Elle a aussi rappelé la manière dont Mircea Cărtărescu réussit, dans tous ses livres, à enrichir les mots de ses nouveaux, une performance que seuls les grands écrivains atteignent. Le noyau du volume Melancolia est né deux ans seulement après la parution du roman Solenoid.
Mircea Cărtărescu : «C’était un récit intitule « Jocul/Le jeu », que je n’ai pas vu comme quelque chose de sérieux, mais plutôt comme un petit jouet banal. Sauf que, juste après, j’ai écrit le premier récit inclus dans le livre et qui s’appelle Punţile/Les ponts, l’histoire d’un enfant abandonné par sa mère. Il est difficile d’écrire quarante pages sur un enfant de cinq ans, un récit sur la séparation d’avec la mère, un des premiers traumas que nous vivons tous. Nous vivons le trauma de la naissance, l’abandon du ventre physique, réel, et ensuite le trauma de l’abandon du ventre psychologique. Car jusqu’à l’âge de quatre ou cinq ans, on continue d’être entièrement dépendant de la mère. Même quand on est à l’extérieur de son corps, la mère continue à nous garder dans un ventre psychologique. Nous éprouvons tous ce trauma extraordinaire du deuxième sevrage, notre sevrage psychologique, c’est ça le sujet de ce premier récit. C’est une exagération de cet abandon. D’habitude, la mère nous abandonne tout en restant proche de nous, mais, après l’âge de 5 ans, ce n’est plus la même chose. Dans mon récit, la mère part pour de vrai et l’enfant reste seul à faire face à ce trauma effrayant. Car, en l’absence de la mère, nous sommes comme un adulte sans Dieu. C’est là le point de départ de la mélancolie, le début de notre sentiment, qui ira en croissant à travers la vie, le fait que personne ne nous tient plus par la main. La mère d’abord, la bien-aimée ensuite, et puis Dieu lui-même. Nous sommes laissés seuls, c’est ça le sentiment central du livre, cette solitude métaphysique essentielle, fondamentale. »
Les livres de Mircea Cărtărescu ont reçu de nombreuses récompenses de la part, entre autres, de l’Académie roumaine, de l’Union des écrivains de Roumanie et de la République de Moldova, ou de l’Association des éditeurs de Roumanie. Mircea Cărtărescu a aussi reçu de nombreux prix internationaux, dont le prix international de littérature « Haus der Kulturen der Welt », Berlin (2012), le prix Spycher – Literaturpreis Leuk, Suisse (2013), le prix du livre pour l’entente européenne de la ville de Leipzig (2015); le prix d’Etat de l’Autriche pour la littérature européenne, 2015 ; le prix Leteo, Espagne (2017), le prix Formentor de las Letras (2018). (Trad. : Ileana Ţăroi)