Le Festival international du film documentaire et des droits de l’Homme One World Romania 2019
La 12ème édition du Festival international du film documentaire et des droits de l’Homme One World Romania se déroule à Bucarest entre le 15 et le 24 mars. Cette année, One World marque 30 ans depuis la révolution anticommuniste et depuis la chute du mur de Berlin, ainsi que les premières élections libres en Tchécoslovaquie et en Pologne. Les films sélectionnés pour cette édition explorent des thèmes comme le totalitarisme, le post-socialisme et la transition vers la démocratie. Les quelques 80 documentaires de l’édition 2019 sont repartis dans plusieurs sections thématiques, qui complètent le thème principal. Ce sont des films du monde entier qui traitent de la justice, des réfugiés, des migrants, des familles « non-traditionnelles », des droits des femmes ou des personnes handicapées ou des conditions de travail des travailleurs autour du monde.
Corina Sabău, 23.03.2019, 00:31
La 12ème édition du Festival international du film documentaire et des droits de l’Homme One World Romania se déroule à Bucarest entre le 15 et le 24 mars. Cette année, One World marque 30 ans depuis la révolution anticommuniste et depuis la chute du mur de Berlin, ainsi que les premières élections libres en Tchécoslovaquie et en Pologne. Les films sélectionnés pour cette édition explorent des thèmes comme le totalitarisme, le post-socialisme et la transition vers la démocratie. Les quelques 80 documentaires de l’édition 2019 sont repartis dans plusieurs sections thématiques, qui complètent le thème principal. Ce sont des films du monde entier qui traitent de la justice, des réfugiés, des migrants, des familles « non-traditionnelles », des droits des femmes ou des personnes handicapées ou des conditions de travail des travailleurs autour du monde.
Le Festival international du film documentaire et des droits de l’homme One World Romania a prévu, cette année encore, des rétrospectives dédiées à des cinéastes internationaux reconnus : l’Autrichienne Ruth Beckermann, l’Israélien Avi Mograbi et le Palestinien Michel Khleifi. Les trois réalisateurs de film documentaire seront présents à Bucarest pour discuter avec le public roumain, à la fin des projections, sur les enjeux des thématiques présentes dans les productions et sur l’impact social et historique de leurs films.
Vanina Vignal, réalisatrice d’origine française, responsable de la sélection de cette édition du Festival aux côtés du critique de cinéma Andrei Rus, nous a parlé du film d’ouverture : « C’est le plus récent documentaire du réalisateur chinois Wan Bing, qui dure 8 heures et demi et s’appelle Ames mortes / Dead Souls. Wang Bing fait à nouveau un film sur la répression lancé par Mao Zedong en Chine dans les années ’50, lorsqu’il a ordonné l’emprisonnement de toutes les personnes « de droite », notamment des jeunes et des professeurs – considérés comme étant des intellectuels. La plupart de ces prisonniers sont décédés dans les centres de rééducation du désert de Gobi, de véritables camps de la mort. C’est un film qui nous rappelle la situation des années ’50 en Roumanie, après l’installation au pouvoir du régime stalinien dirigé par Gheorghe Gheorghiu-Dej. Ce régime politique envoyait ses ennemis faire du travail forcé au « Canal », un énorme chantier qui visait à faire communiquer le Danube et la mer Noire à travers la région de Dobroudja. C’est pour ça que j’ai choisi ce film pour ouvrir le Festival. D’habitude, les films d’ouverture sont assez faciles et s’adressent au grand public plutôt qu’aux passionnés de cinéma. Avec ma propre expérience de spectatrice en tête, j’évite les films choisi habituellement pour l’ouverture d’un festival. C’est aussi mon expérience de cinéaste qui parle. Lors d’une projection d’un de mes documentaires en France, un paysan de 90 ans est venu me parler, il n’avait pas vu beaucoup de films dans sa vie, mais il avait été touché par le mien, il en avait parfaitement saisi le sens. C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte que les gens sont très intelligents et qu’il serait dommage de les sous-estimer et de ne pas leur donner à voir de bons films. »
Onze documentaires réalisés en Roumanie ces deux dernières années figurent à l’affiche du Festival international du film documentaire et des droits de l’homme One World Romania. L’occasion pour projeter en salles le déjà célèbre « Touch Me Not », premier film de la réalisatrice roumaine Adina Pintilie, Ours d’Or à Berlin en 2018. Totalement non conventionnel, le film, imaginé à la frontière entre la réalité et la fiction, invite le spectateur à remettre en question ses idées préconçues sur l’intimité, la sexualité ou le corps.
Toujours dans le cadre de cette édition One World Romania est projeté un fragment du long métrage signé Andrei Ujică, « Things We Said Today ». Le film reconstitue le week-end du 13 au 15 août 1965, quand les Beatles montaient en première sur une scène new-yorkaise, tandis qu’à Los Angeles avaient lieu les violentes émeutes du quartier noir de Watts. L’édition de cette année du festival présente aussi quelques films de réalisateurs débutants. C’est le cas de Victor Bulat qui participe au Festival avec son projet « Notre maison », qui raconte l’histoire d’une famille de Bălţi, en République de Moldova.
Victor Bulat : « Je me suis lancé dans ce projet comme dans une sorte d’exercice pendant lequel je filmais des gens en situations diverses, histoire de mieux les observer. C’était un exercice qu’on nous avait demandé de faire pendant nos années d’études à l’Université de cinéma. Du coup, j’ai commencé à filmer avec ma caméra les habitants de ma ville natale. Là-bas je ne risquais pas de me faire admonester par les gens si j’osais les filmer. J’ai donc filmé deux années durant et mon film, qui n’est pas encore fini, reprend les séquences que j’ai obtenues pendant les vacances d’hiver des années 2016-2017. Ce ne fut qu’après avoir vu les scènes enregistrées que je me suis rendu compte qu’il serait possible d’en faire un film. Je me suis donc mis au montage et j’ai commencé à chercher une structure. Pour ce film, j’ai attaché beaucoup d’importance aux réactions de mes proches auxquels j’ai demandé l’accord de montrer le résultat, d’inscrire le film à des festivals. Ils ont accepté, mais ils avaient du mal à comprendre par quoi ils pourraient intéresser le public. Dernièrement, j’en ai parlé avec ma sœur aînée, qui apparaît aussi dans le film. Elle se rappelait les moments où elle se moquait de moi, à me voir muni de ma caméra, sauf que là, voilà, elle avoue aimer regarder le film, avec tous ces moments que j’ai surpris. »
Le festival se déroule dans cinq endroits parmi lesquels figure aussi le cinéma Elvire Popesco de l’Institut français de Bucarest. Parallèlement aux projections, les organisateurs ont prévu une série de rencontres avec les cinéastes, des débats et des ateliers. (Trad. Elena Diaconu, Ioana Stăncescu)