Le Festival national de Théâtre de Bucarest
Chaque année, à l’occasion du Festival national de Théâtre de Bucarest, le public roumain présent en salle se voit proposer aussi quelques spectacles de danse contemporaine. Cette année, le Festival a même repoussé d’une journée sa clôture pour pouvoir inviter sur scène, en fin d’édition, la célèbre compagnie néerlandaise Nederlands Dans Theater. Un véritable régal qui a mis débout la salle archipleine du Théâtre national de Bucarest.
Venue en Roumanie pour présenter au public sa création « Moeder », « La Mère », Gabriela Carrizo, co-fondatrice aux côtés de Franck Chartier de la compagnie belge Peeping Tom, a tenu à préciser que ce spectacle est la seconde partie d’une trilogie ayant débuté en 2014, avec « Vader » (Le Père) avant de continuer, en 2019, avec «Kind» (L’Enfant). Reconnue pour son style original, avec cette touche personnelle qui fait toujours la différence, Gabriela Carrizo se sert du corps et de ses mouvements pour créer un fort impact émotionnel sur les spectateurs, leur présentant de nouvelles perspectives sur les thèmes qu’elle aborde. Dans ses spectacles, le décor joue un rôle essentiel, comme l’affirme la chorégraphe elle-même dans une interview en exclusivité pour RRI.
Luana Pleşea, 17.11.2018, 13:46
Chaque année, à l’occasion du Festival national de Théâtre de Bucarest, le public roumain présent en salle se voit proposer aussi quelques spectacles de danse contemporaine. Cette année, le Festival a même repoussé d’une journée sa clôture pour pouvoir inviter sur scène, en fin d’édition, la célèbre compagnie néerlandaise Nederlands Dans Theater. Un véritable régal qui a mis débout la salle archipleine du Théâtre national de Bucarest.
Venue en Roumanie pour présenter au public sa création « Moeder », « La Mère », Gabriela Carrizo, co-fondatrice aux côtés de Franck Chartier de la compagnie belge Peeping Tom, a tenu à préciser que ce spectacle est la seconde partie d’une trilogie ayant débuté en 2014, avec « Vader » (Le Père) avant de continuer, en 2019, avec «Kind» (L’Enfant). Reconnue pour son style original, avec cette touche personnelle qui fait toujours la différence, Gabriela Carrizo se sert du corps et de ses mouvements pour créer un fort impact émotionnel sur les spectateurs, leur présentant de nouvelles perspectives sur les thèmes qu’elle aborde. Dans ses spectacles, le décor joue un rôle essentiel, comme l’affirme la chorégraphe elle-même dans une interview en exclusivité pour RRI.
Gabriela Carrizo : « Pour ce spectacle, j’ai pris comme point de départ l’absence de la mère, sa mort. J’ai voulu prendre mes distances par rapport à l’idée de famille, de maternité, pour me concentrer plutôt sur les liens forts que chacun d’entre nous développe avec sa mère, sur ce qu’être mère signifie et sur ce que la perte d’une mère suppose. L’espace me sert de musée. On pourrait en faire une sorte d’antichambre, quoiqu’il soit plutôt un endroit censé permettre de nous exposer progressivement avant d’en faire un chez soi. Pour cela, j’ai demandé à mes danseurs d’apporter des photos d’enfance, avec leurs mamans, de me raconter des anecdotes… L’idée autour de laquelle gravite mon spectacle est qu’en l’absence d’une mère, on est toujours enclin à faire revivre ses souvenirs d’enfance. Et du coup, l’espace devient très important, puisqu’il nous permet de faire marche arrière dans notre passé. J’ai fait construire sur scène un espace clos, avec un mur en verre, qui ressemble aussi bien à un studio d’enregistrement qu’à une couveuse pour les bébés. Que ça soit l’une ou l’autre, les deux idées ont quelque chose en commun: elles permettent d’y exposer des choses, de regarder à l’intérieur, tout en restant à distance. Voilà la façon dont j’ai imaginé mon spectacle. Une construction qui tourne autour de plusieurs espaces, censée provoquer des changements de perspective au fond de nous-mêmes. »
Après avoir quitté la Roumanie à l’âge de 12 ans à destination du Canada où elle a obtenu une bourse de l’Ecole canadienne de danse, la danseuse et la chorégraphe Ana Maria Lucaciu vit actuellement aux Etats-Unis. Revenue dans son pays natal à plusieurs reprises pour revoir sa famille et ses amis, elle a dansé, cette année, en première devant le public roumain. L’occasion pour elle de faire connaître aux spectateurs de Roumanie son premier spectacle dont elle a signé la chorégraphie: « Slightly Off Stage » (Des désaccords en dehors de la scène), réalisé en collaboration avec Nathan Grisworld.
Ana Maria Lucaciu : « J’ai senti dernièrement au fond de moi des choses que j’aurais bien voulu exprimer. La danse contemporaine, telle qu’elle se fait actuellement dans le monde, ne me représente pas. Du coup, je me suis laissé inspirer plutôt par les formations de clown auxquelles j’ai participé. Ces ateliers offrent aux participants la chance de se découvrir eux-mêmes, ils révèlent tout ce qu’il y a d’humain ou d’inhumain au fond de nous. J’ai donc essayé de faire le clown à travers la danse, en partant des prémisses absurdes qu’on pourrait argumenter nos réponses en disant tout simplement à nos interlocuteurs « eux, ils m’ont dit que… » ou bien « eux, ils l’ont fait », sans préciser de qui on parle. Comme si « eux », c’étaient les chefs de la scène, des personnes haut placées qui nous commandent. Et du coup, tout serait à l’envers, plus rien ne se passerait normalement. J’ai bien aimé l’idée que nous, sur scène, on est obligés de se soumettre à une force extérieure qui dispose de nous ».
Lors de la 28ème édition du Festival national de théâtre, la Roumanie a figuré dans la section de danse avec le spectacle « La célébration/To_R » réalisé par le chorégraphe Pal Frenak au Studio M de Sfantu Gheorghe.
Sa directrice, Imola Marton, affirme : « Pal Frenak est venu me dire qu’il souhaiterait construire un spectacle fondé sur l’idée d’une célébration imaginaire qui pourrait être aussi bien celle de la mort de quelqu’un qu’un mariage… Le spectacle est donc créé à la frontière entre la réalité et l’imagination et il surprend différents types de relations entre les individus: la solitude, l’incapacité d’avoir des rapports normaux avec les autres ou avec soi-même, les conflits, l’amour… Il emmène le spectateur à travers plusieurs états d’âme propres à une célébration de ce type. Pal Frenak produit des images à même de faire naître des sentiments. C’est pourquoi le spectacle n’a pas une histoire explicite, mais il se veut plutôt une expérience lyrique et visuelle. »
Comme on disait en début d’émission, l’édition 2018 du Festival national de théâtre s’est clôturée par un spectacle de danse de la célèbre compagnie néerlandaise Nederlands Dans Theater, NDT en abrégé. Leur présence à l’affiche de cette 28ème édition du FNT a été un événement non seulement pour le public roumain, mais aussi pour les danseurs de cette troupe.
Le chorégraphe, Paul Lightfoot, a précisé au micro de RRI : « Cela fait 12 ans que je n’ai plus visité la Roumanie. Or, de retour dans votre pays, j’ai voulu faire la preuve de la diversité de notre travail, de nos capacités caméléonesques de danseurs et producteurs, car tous nos spectacles sont créés par nous-mêmes. »
La NDT a présenté quatre spectacles : « Shoot the Moon » – « Tue la Lune » de Sol Leon et Paul Lightfoot, « Woke Up Blind » – « Réveil aveuglé » de Marco Goecke, « The Statement » – « La Déclaration » de Crystal Pite et « Vladimir » de Hofesh Shechter.
Le directeur artistique de la compagnie, Paul Lightfoot, précise : « Tue la Lune est une création où moi et Sol, on s’est servi de la musique de Philip Glass et on a créé un décor proche de celui d’une pièce de théâtre. Le spectacle invite à une réflexion sur les relations, sur la solitude au sein des couples. On parle de l’isolement, de la claustrophobie, mais aussi des libertés, des rêves… Le spectacle de Marco Goecke est une folie, un vrai manifeste du mouvement physique. Vous serez surpris par la vitesse et la méticulosité de cette danse. Elle est éblouissante, d’autant plus qu’elle a été créée en très peu de temps, sur une musique de Jeff Buckley. Crystal Pite est une créatrice très intelligente. Elle a écrit une pièce de théâtre en collaboration avec Jonathon Young, un écrivain très doué, et elle a transformé par la suite le texte en un spectacle de danse avec 4 danseurs qui ont joué chacun un rôle. C’est un des spectacles de danse les plus importants que j’ai eu la chance de voir ces dernières années. »
Quant à « Vladimir », il s’agit d’un spectacle récent et dont la musique et la chorégraphie appartiennent au même Hofesh Shechter, un Britannique très en vogue ces derniers temps. A résumer la présence de la troupe néerlandaise à l’affiche du Festival national de théâtre de Bucarest, on pourrait citer la critique Oana Stoica affirmer « ce fut là la meilleure clôture que l’on aurait pu offrir » à un événement d’une telle envergure. (Trad. Ioana Stancescu)