La quatrième édition du Festival International du Film de Danse
Début septembre, la capitale roumaine, Bucarest, a accueilli un événement artistique unique en Roumanie, le Festival International du Film de Danse, BIDFF. Produit sous l’égide de l’association TangajDanse, l’événement, qui en est à sa quatrième édition, a une fois de plus rencontré un franc succès auprès du public. Construit généralement autour d’un thème principal, le festival a choisi cette année la thématique de la reconstitution.
Luana Pleşea, 22.09.2018, 10:06
Début septembre, la capitale roumaine, Bucarest, a accueilli un événement artistique unique en Roumanie, le Festival International du Film de Danse, BIDFF. Produit sous l’égide de l’association TangajDanse, l’événement, qui en est à sa quatrième édition, a une fois de plus rencontré un franc succès auprès du public. Construit généralement autour d’un thème principal, le festival a choisi cette année la thématique de la reconstitution.
La chorégraphe, Simona Deaconescu, directrice artistique du festival, nous en parle : « Comme cette année est celle du centenaire, on a essayé de se rendre compte en quoi cela nous touche. Il convient de dire que pour moi et pour l’équipe que je dirige, l’évolution à travers le dernier siècle s’avère très importante. Du coup, on a voulu s’ y rapporter, et essayer de présenter ce processus évolutif du point de vue de ses protagonistes, c’est-à-dire des générations qui se sont succédées au fil des années et qui se sont battues pour accomplir leurs souhaits. Bien que le festival se construit cette année autour d’un thème historique, il privilégie un registre subjectif puisqu’il met en lumière le regard que les gens ont posé sur l’histoire. On a essayé de montrer comment les faits historiques se perçoivent à travers le filtre du présent et dans la perspective de l’avenir ».
Consacrée au centenaire de l’Union des principautés roumaines, l’édition de cette année du festival a débuté par la projection d’une sélection de documentaires roumains. Issue des archives cinématographiques roumaines et lancée sous le titre Midnight special (L’édition spéciale de minuit), la sélection a été réalisée en partenariat avec le Centre national de la Danse de Bucarest, CNDB.
Corina Cimpoieru, consultante artistique du Centre raconte: « Le film de danse n’a pas de passé, dans le sens qu’il n’a jamais constitué l’objet d’un genre cinématographique. Il s’agit donc plutôt d’une rétrospective et d’une incursion dans l’histoire de la danse roumaine, une démarche que le Centre a démarrée il y a quelques années déjà. Avec l’aide des Archives nationales de la cinématographie, on a pu identifier quelques scènes éphémères de danse dans différentes productions artistiques, en commençant par le film muet, en passant par des reportages sur la danse, pour arriver aux documentaires d’art réalisés par le Studio cinématographique Alexandru Sahia ».
En plus des films inscrits à la compétition, plusieurs productions ont figuré à l’affiche du festival. C’est le cas, par exemple, du long métrage roumain en 3D My life rehearsed in one leg du réalisateur Bogdan Mustata, Ours d’Or du meilleur court métrage en 2008, qui met en scène la chorégraphie d’Iulia Weiss.
Aux dires de son auteur, cette production fait partie du cinéma expérimental: « Pour ce film, j’ai privilégié des aspects plutôt techniques, renvoyant au montage, à la réalisation. J’ai voulu développer un travail avec les acteurs en l’absence de toute narration, de toute psychologie du personnage, de toute dimension sociale. J’ai donc essayé de voir de quoi je pourrais me servir pour interagir avec mes acteurs sans faire le moindre appel à la psychologie de la vie ou de l’être humain. Ce ne fut que par la suite que j’ai commencé à réaliser ce film qui montre la façon dont on peut se servir de notre corps ».
Signé toujours Bogdan Mustata, le scénario se penche sur le rapport entre la mémoire et l’identité : « J’ai imaginé deux relations, la première reposant sur des répliques issues de films et la deuxième sur des répliques extraites de pièces de théâtre, sachant que les films et les pièces choisis renvoyaient à une certaine zone de ma mémoire. Du coup, j’ai voulu observer la façon dont ces souvenirs contribuent à définir l’identité de telle ou telle personne. J’ai pris des répliques de films divers tels Hiroshima, L’année dernière à Marienbad ou encore Armageddon ou Before Sunrise. Dans le cas de ce dernier, je me suis intéressé à la sensation qu’une rencontre avec un inconnu peut souvent nous laisser, la liberté intérieure qui se dégage en ces moments-là puisque tout à coup, on se retrouve face à quelqu’un qui ne sait rien sur nous et à qui on peut raconter seulement ce qu’on a envie de raconter. C’est à nous de choisir et du coup, chaque rencontre avec un inconnu nous offre l’occasion de changer d’identité ».
A partir de 2016, le festival BIDFF a investi une partie de ses ressources financières dans la mise en place d’un marché du film de danse en Roumanie. Une nouvelle section : « La Compétition nationale » a été créée. Elle est ouverte aux court-métrages roumains. Des 10 films concurrents, c’est « States Uprooted » de la réalisatrice et chorégraphe Ioana Țurcan qui a remporté le grand trophée. Tourné entre 2012 et 2017, le film reprend des vidéos que la réalisatrice a faites elle-même pendant ses allers- retours aux Etats-Unis. C’est une histoire sur le déracinement et sur la transition, confesse Ioana Țurcan, tout en affirmant que dans un premier temps, les enregistrements n’étaient pas censés servir à un futur film.
Ioana Țurcan : « C’est ma façon de travailler. Je me suis créé une archive audio-visuelle personnelle que j’enrichis au fur et à mesure que je voyage. Cette idée, je l’ai eue en 2012 quand je suis partie aux Etats-Unis. Dans un premier temps, j’ai passé 3 mois sur le continent nord-américain et le reste de l’année en Roumanie. L’occasion pour moi de remarquer les différences sociales, de mentalité ou de perception. Cela m’a posé des problèmes, car j’avais du mal à jeter un regard pertinent sur moi-même. Du coup, j’ai décidé de faire des allers- retour entre les Etats-Unis et la Roumanie. J’ai donc réalisé un film qui met en avant ma relation avec le milieu au sein duquel je mène mon existence. Après, c’est un court métrage qui présente pas mal de scènes de danse, de combat, donc ça renvoie à la cinématographie expérimentale, je dirais ».
Sur l’ensemble des 20 films nommés dans la compétition internationale, c’est le court-métrage Night Dancing qui a remporté le premier prix. Il s’agit d’une coproduction roumano- britannique dont la réalisation est signée Barney Cokeliss et la chorégraphie est conçue par Louise Tanoto, Jacob Ingram-Dodd et Jason Thorpe. (Trad. Ioana Stancescu)