Le Festival LIKE CNDB 2018 – « A toi le contexte »
Du 15 au 27 avril, Bucarest a accueilli la cinquième édition du Festival LIKE CNDB, « You are the context ». Organisé par le Centre national de la danse de Bucarest, le CNDB, le festival se distingue cette année par certaines particularités. Tout d’abord, même s’il s’agissait de son édition la plus brève, le Festival a lancé cette année, et pour la première fois de son histoire, une section internationale. La chorégraphe Vava Ştefănescu, la patronne du CNDB, précise : « Lors de la première édition on est parti sur un mois. A l’époque on partait d’une situation extrêmement précaire, je me rappelle ce public qui revenait vers notre Centre après des années d’absence de notre institution du paysage culturel bucarestois. Mais son accueil a été formidable. Les gens sortaient du spectacle en exclamant : « La belle soirée que l’on a passée ! Cela faisait longtemps. »
Luana Pleşea, 28.04.2018, 16:41
Du 15 au 27 avril, Bucarest a accueilli la cinquième édition du Festival LIKE CNDB, « You are the context ». Organisé par le Centre national de la danse de Bucarest, le CNDB, le festival se distingue cette année par certaines particularités. Tout d’abord, même s’il s’agissait de son édition la plus brève, le Festival a lancé cette année, et pour la première fois de son histoire, une section internationale. La chorégraphe Vava Ştefănescu, la patronne du CNDB, précise : « Lors de la première édition on est parti sur un mois. A l’époque on partait d’une situation extrêmement précaire, je me rappelle ce public qui revenait vers notre Centre après des années d’absence de notre institution du paysage culturel bucarestois. Mais son accueil a été formidable. Les gens sortaient du spectacle en exclamant : « La belle soirée que l’on a passée ! Cela faisait longtemps. »
Et puis, pendant ce temps, nous avons grandi. On a commencé à se produire dans un nouvel espace. Puis, le festival d’hiver a été lancé. Conçu comme un festival à vocation locale, en principe. On a donc un festival de la danse à Bucarest qui s’étend sur un mois, un mois et demi. Mais cette année, le contexte nous a obligés de l’écourter. Alors, on a mis à profit le partenariat Aerowaves, qui constitue un réseau très étendu, une sorte de plate-forme de diffusion et de promotion de jeunes chorégraphes. On a donc profité de notre adhésion à ce réseau et on a pu programmer trois spectacles étrangers. Il s’agit de « Ohne Nix », une coproduction Autriche/Royaume-Uni et qui a été lancé lors de l’ouverture du festival, puis Homo Furens, une excellente production française et, enfin, le 21, « Dans, for Satan », du Danemark. » Le spectacle « Ohne Nix », créé et joué par Luke Baio et Dominik Grünbühel, utilise les techniques de l’art numérique et joue avec la projection du corps, emploie des trucs morphiques et, dans une grande mesure, l’humour.
D’un tout autre style, le spectacle « Homo Furens », du chorégraphe français Filipe Lourenço, utilise les corps des cinq danseurs de façon à nous interpeller sur la manière dont on utilise le mouvement. En apparence, les artistes reproduisent sur la scène des exercices de type militaire, mais ce n’est qu’un prétexte pour interroger la conception du mouvement. Rémy Leblanc-Messager et Stéphane Couturas sont deux des danseurs évoluant dans le spectacle Homo Furens: Rémy : « Le spectacle parle de la solidarité, de combien loin peut aller une équipe d’un point de vue physique, dans quelle mesure on peut prendre en charge l’autre, comment peuvent se rapprocher nos corps dans un espace, comment créer quelque chose de sensé en partant de ces mouvements, en apparence, militaires, donc comment on réussit à performer en tant qu’équipe. On touche là à des notions telles que l’humanité, la fraternité ».
Stéphane: « Pour décrire brièvement ce spectacle, je dirais que l’on essaie d’atteindre nos limites psychologiques par l’intermédiaire de nos limites physiques. A vrai dire, les techniques comptent peu. Le chorégraphe a choisi d’imiter les mouvements militaires, mais il aurait pu aussi bien choisir d’autres types de mouvement. L’idée c’est qu’on a cinq personnes qui ne se connaissaient pas, et puis on exige d’eux qu’ils fassent des mouvements physiques très durs, on les pousse à bout. Ils atteignent ainsi rapidement leurs limites physiques, et tout de suite après leurs limites psychologiques. Alors, à ce moment, la solidarité et toutes les choses dont Remy parlait tout à l’heure, peuvent faire leur apparition. C’est l’idée de base du spectacle ».
Mais la composante la plus importante du festival LIKE CNDB demeure celle qui met en valeur la danse roumaine. Vava Ştefănescu « La production roumaine s’étale sur les trois jours du Focus LIKE CNDB 2018. On a un système qui vise à les mettre en valeur. On a parfois programmé trois spectacles par jour. C’est parce que dans la perspective de la Saison culturelle France – Roumanie, nous aurons des invités de marque, des directeurs de festival, des directeurs de troupes de danse contemporaine, des résidences d’artistes, des gens qui seront là pour voir les productions roumaines les plus significatives. Et ces spectacles créent le contexte, génèrent des idées auxquelles on ne pense pas de suite. Ces idées sont abordées sous un angle qui invite à la réflexion, des idées qui sont bien structurées dans la composition du spectacle. Il n’y a pas que l’idée qui compte, mais aussi la manière dont ces idées sont agencées ».
L’un de ces spectacles importants s’appelle « 37 Minutes of Make Believe » ou, en français, « Les 37 minutes qui te font croire». Un spectacle créé et produit par Andreea Novac: « Nous sommes partis de l’une de mes obsessions : la rencontre entre moi, l’artiste, et le public. Seulement voilà, cette fois la rencontre ne se fait qu’au niveau de l’imaginaire. Alors ce spectacle « 37 minutes… » se fraye un chemin à travers mon imagination, à travers l’imagination du spectateur, à travers cette rencontre entre les deux imaginations. Il y a de l’humour, et c’est aussi une modalité de montrer que ce que je fais sur la scène rencontre ce que le spectateur imagine que je fais sur la scène, et qu’il s’agit d’un échange. Pour ce faire, j’utilise trois éléments de base. Tout d’abord, la parole, qui peut ouvrir ou fermer le champ du possible. Puis, je travaille avec l’idée de mouvement, qui peut traduire de façon exacte ce que je veux représenter ou, au contraire, recouvrir toutes les significations imaginables. Enfin, ces éléments inconnus sont réorganisés, repositionnés, de sorte que de nouvelles formes d’expression surgissent, et j’ai dans ce spectacle des moments où je travaille directement avec le public ».
La cinquième édition du Festival LIKE CNDB « A toi le contexte » a lieu simultanément avec le déménagement du CNDB dans un nouvel espace, dans le théâtre « Omnia ». L’inauguration est attendue pour 2020. C’est la raison pour laquelle le CNDB lance auprès des artistes, de la communauté locale, du public et des autorités le défi d’esquisser des réponses, leurs réponses, à la question « Que serait le CNDB, version 2020 ». Alors, lors du festival, on devrait compter avec cet événement « Réponses performatives », pour essayer d’y répondre justement. Vava Ştefănescu: « Tous les soirs nous aurons des interventions autour du sujet. Dan Perjovschi fera, par exemple, un direct depuis le théâtre Omnia, avec l’une de ses représentations. Il paraît que l’on va pouvoir compter sur la présence de Ada et d’Alexandru Solomon, les célèbres directeurs de film qui figurent parmi les fondateurs de la nouvelle vague du cinéma roumain. Je pense qu’il est important de s’adonner à ce type d’exercice de l’imagination et de la projection parce que, lorsque l’on vit sur des sables mouvants, il faut savoir s’approprier l’espace. La danse contemporaine, avec tout ce qu’elle peut représenter, depuis la rencontre avec les autres arts, avec les autres domaines de la culture, et pas nécessairement du domaine de l’artistique, cela a toujours été l’image de marque du CNDB. C’est un exercice à faire pour s’approprier le CNDB. Et lorsque je dis nous, je parle aussi bien du public, que des artistes, de tous ceux qui s’y investissent », conclut Vava Ştefănescu. (Trad. Ionut Jugureanu)