Le programme d’arts performatifs du Musée national d’art contemporain de Bucarest
Depuis près d’un an, plus exactement depuis mai dernier, le Musée national d’art contemporain de Bucarest a ouvert ses portes aux arts performatifs de Roumanie, grâce à un programme initié et coordonné par la metteuse en scène Ioana Păun: « Beaucoup d’initiatives indépendantes naissent à Bucarest et elles ne trouvent pas toutes un endroit pour porter leurs fruits. Ces projets d’art performatif, pour la plupart hybrides, avaient besoin d’un espace. Or, le Musée d’art contemporain est un espace réservé à l’art nouveau, à l’art du temps présent et même à l’art de l’avenir. Donc, toute forme nouvelle et expérimentale d’art y trouve naturellement sa place. Il faut savoir que le Centre national de la danse, qui accueille régulièrement des projets d’art performatif, est le seul espace de Bucarest consacré à ce genre d’art. »
Luana Pleşea, 14.04.2018, 13:13
Depuis près d’un an, plus exactement depuis mai dernier, le Musée national d’art contemporain de Bucarest a ouvert ses portes aux arts performatifs de Roumanie, grâce à un programme initié et coordonné par la metteuse en scène Ioana Păun: « Beaucoup d’initiatives indépendantes naissent à Bucarest et elles ne trouvent pas toutes un endroit pour porter leurs fruits. Ces projets d’art performatif, pour la plupart hybrides, avaient besoin d’un espace. Or, le Musée d’art contemporain est un espace réservé à l’art nouveau, à l’art du temps présent et même à l’art de l’avenir. Donc, toute forme nouvelle et expérimentale d’art y trouve naturellement sa place. Il faut savoir que le Centre national de la danse, qui accueille régulièrement des projets d’art performatif, est le seul espace de Bucarest consacré à ce genre d’art. »
La metteuse en scène Ioana Păun s’intéresse depuis plusieurs années aux arts performatifs et elle a suivi des formations dans ce domaine et travaillé avec des artistes roumains : « Cela fait longtemps que je me sens poussée à soutenir ce genre de démarches artistiques apparentées au théâtre, mais dans lesquelles sont également engagés des artistes visuels. Je me suis aventurée dans ce domaine en 2010, après avoir fait un mastère d’art performatif à l’université Goldsmiths de Londres, qui a complètement changé mon point de vue sur les arts du spectacle. De retour à Bucarest, j’ai proposé des ateliers d’art performatif à l’Université nationale d’art théâtral et cinématographique. Y participaient des enseignants de cette université, mais aussi beaucoup de personnes de l’extérieur : des musiciens, des anthropologues curieux d’explorer ce genre d’art, plutôt méconnu chez nous. Au fil des ans, j’ai proposé des ateliers et j’ai essayé de découvrir de nouveaux artistes auxquels je puisse transmettre ce que j’avais appris moi-même. Les festivals d’art performatif étaient très rares ici et j’étais toujours en quête d’espace où ce genre de travail puisse se concrétiser. Grâce aux ateliers, j’ai réuni autour de moi un noyau d’artistes qui sont devenus de plus en plus autonomes et ont commencé à travailler ensemble. J’avais déjà l’expérience du travail dans ce domaine très très spécial, car là il n’y a plus nécessairement une histoire, comme au théâtre, il n’y a pas un dialogue, comme les spectacles de théâtre nous avaient habitués, donc c’est un peu plus difficile à déchiffrer. »
Par ce projet, Ioana Păun propose un programme mensuel au Musée national d’art contemporain: « Il y a, en principe, trois événements par mois. Un spectacle de performance, qui se déroule tout au long d’une soirée, qui accompagne toujours les vernissages importants. Le programme est à consulter sur le site du musée ou encore sur notre page Facebook. D’habitude, on a des projets créés à l’avance, mais qui sont si délicats et si fragiles qu’ils ont eu du mal à se trouver un espace propre pour se faire admirer par le public. Or notre musée est prêt à les accueillir. C’est le cas, par exemple de « Entre deux cachets » de Cinty Ionescu, qui parle de la déprime au sein d’un projet mêlant les projections vidéo à la représentation en temps réel. Ou encore, c’est le cas des «Nocturnes » qui en sont à leur troisième édition et qui proposent de la musique d’avant-garde à un public réuni dans un espace plongé dans l’obscurité. Il convient de mentionner que nous avons déjà organisé deux événements qui ont cartonné auprès des mélomanes, dont le deuxième a été diffusé en direct. Les événements musicaux ont lieu une fois tous les 45 ou 60 jours et les billets sont mis en vente sur place ».
Cette année, le Musée national des arts contemporains produira ses premières représentations par le biais d’un programme intitulé « Territoires libres » par lequel l’institution inaugure un nouvel espace consacré à l’art performatif. Ioana Paun: « Ces projets d’art performatif seront réalisés aussi bien par des artistes bucarestois et du reste de la Roumanie que par deux groupes d’artistes étrangers. On s’attend à ce qu’ils apportent un souffle nouveau car ils seront imaginés afin de répondre le mieux possible aux besoins des artistes qui sont invités à s’y inscrire d’ici la fin du mois. Le projet concerne tous les exemples d’art performatif qui ont lieu ailleurs, à Bucarest ou encore dans d’autres salles du musée, en ligne ou sur les ondes. J’espère que d’ici la fin de l’année, je puisse répertorier au moins 8 productions de ce type ».
Le premier projet a eu lieu le 10 février, au Musée national d’art contemporain. Il s’est agit du spectacle Nok, nok mis en scène par la comédienne Nicoleta Lefter d’après le livre « L’année de la pensée magique » de Joan Didion, avec à l’affiche l’actrice Flavia Giurgiu. Ioana Paun affirme à propos du programme du mois de février : «En février, nous aurons donc une autre édition des Nocturnes en musique. Et puis, bien sûr, le spectacle Nok, nok de Nicoleta Lefter qui parle du moment où l’on apprend la mort d’un proche et de la façon dont on arrive à s’y habituer et à surmonter la douleur. Nous aurons aussi des projets à l’intention des couples. L’artiste Ruxandra Hule a mis en œuvre un projet qui s’appelle « Nous contre nous-mêmes ». C’est un projet qui s’adresse aux couples pas forcément d’amoureux, ils peuvent être frères, mère-enfant, amis très proches et que Ruxandra invite, une heure durant, à utiliser différents instruments artistiques pour entrer dans cette zone relationnelle dont on a du mal à parler. Cet atelier a réuni pas mal de participants dont certains ont affirmé avoir vécu une expérience profonde, tandis que d’autres se sont plutôt amusés. L’artiste a recours aux mots, aux textos ou encore aux techniques de modelage pour atteindre son but. Et puis, toujours en février, nous aurons la première du spectacle « Le cheval blanc » sur le tortionnaire Ioan Ficior, une production de notre musée. On essaie d’utiliser l’art pour rapprocher le public des aspects économiques, sociaux de sa vie de tous les jours ».
Moins d’un an après son lancement, le programme d’art performatif a déjà son public fidèle. « Ce sont des personnes d’horizons les plus divers qui semblent avoir attendu qu’un tel projet soit mis en place » se félicite Ioana Paun. (Trad Dominique, Ioana Stancescu)