Le Festival international de littérature de Timişoara
Une vingtaine d’écrivains de 10 pays se sont donné rendez-vous à Timişoara, dans le sud-ouest de la Roumanie, pour la 6e édition du Festival international de littérature (FILTM). Aux lectures publiques, aux débats et aux dialogues des écrivains invités avec les lecteurs se sont ajoutées cette année deux nouvelles initiatives : un ample marathon poétique, réunissant des auteurs d’Europe Centrale et du Sud-Est et un Literary Death Match. « L’histoire, entre la mémoire et la fiction » a été un des thèmes proposés par les organisateurs pour l’édition qui vient de s’achever.
Corina Sabău, 25.11.2017, 13:24
Une vingtaine d’écrivains de 10 pays se sont donné rendez-vous à Timişoara, dans le sud-ouest de la Roumanie, pour la 6e édition du Festival international de littérature (FILTM). Aux lectures publiques, aux débats et aux dialogues des écrivains invités avec les lecteurs se sont ajoutées cette année deux nouvelles initiatives : un ample marathon poétique, réunissant des auteurs d’Europe Centrale et du Sud-Est et un Literary Death Match. « L’histoire, entre la mémoire et la fiction » a été un des thèmes proposés par les organisateurs pour l’édition qui vient de s’achever.
Pourquoi ? Le président du Festival, le poète Robert Şerban, explique : « Je pense qu’en fait chacun d’entre nous, ceux qui écrivons et lisons, nous avons à faire à l’histoire. Il faut dire que ce Festival s’appelle : A l’Ouest de l’Est/ A l’Est de l’Ouest. C’est que dans cette zone de l’Europe centrale et Orientale, il y a de nombreuses histoires que nous devons connaître. Ce sont nos histoires, celles de nos voisins, des histoires qui nous ont formés du point de vue culturel et historique et finalement humain. La Roumanie est entourée de pays avec lesquels elle a eu des échanges et un dialogue permanents et il est important pour nous de connaître nos partenaires. Et il est très important aussi de connaître les gens que nous côtoyons, peut-être sont-ils plus importants que ceux qui vivent sur d’autres continents. »
Durant la première soirée du festival, les passionnés de littérature de Timişoara ont eu la chance de rencontrer deux des plus importants écrivains roumains actuels : la romancière et essayiste Gabriela Adameşteanu, l’écrivaine roumaine contemporaine la plus traduite, et Ion Vianu, dont la destinée se tisse entre la Suisse et la Roumanie. Il est un des meilleures psychiatres roumains de la seconde moitié du 20e siècle et une des plus agréables surprises de la littérature des années 2000.
Robert Şerban : « Pour la première soirée, nous avons choisi des écrivains consacrés. Gabriela Adameşteanu est très connue. Elle a débuté dans les années ’70 et elle a été très présente dans les médias roumains des années ’90, tout de suite après la révolution anticommuniste. Elle s’est trouvée à la tête de la prestigieuse revue 22 et a fait partie du Groupe pour le dialogue social. Quant à Ion Vianu, il a compté parmi les personnes, très peu nombreuses, à se solidariser avec le dissident Paul Goma, après quoi il s’est exilé en Suisse, car il savait qu’il allait subir des représailles. Ces écrivains ont parlé histoire et ont évoqué leurs plus récentes œuvres. La soirée a été animée par Adriana Babeţi, importante personnalité culturelle de la ville de Timişoara. »
Pour la deuxième soirée du Festival, les organisateurs ont amené ensemble Serhii Jadan, un poète ukrainien très connu, vétéran de l’Euromaïdan, aux côtés du prosateur allemand d’origine polonaise Matthias Nawrat, Tatiana Ţîbuleac (de la République de Moldova), auteure d’un des meilleurs romans parus en 2016, et Dan Lungu, l’écrivain roumain de la nouvelle génération le plus traduit. Avant de participer au Festival international de littérature de Timişoara, où elle a été présentée comme une révélation de la littérature roumaine contemporaine, Tatiana Ţîbuleac avait également été présente, en tant qu’invitée, au Festival international de littérature et de traduction de Iaşi, dans l’est de la Roumanie.
Tatiana Ţîbuleac : « Les deux festivals – de Iaşi et de Timişoara – ont été pour moi deux fêtes. A la surprise inattendue d’être invitée s’est ajoutée la grande joie de rencontrer tant d’écrivains que je connaissais uniquement par mes lectures et d’y participer, pour la première fois, en tant qu’invitée, car, jusqu’ici je n’avais été présente à de tels festival qu’en tant que journaliste. Le Festival de Timişoara, qui a réuni moins de monde, m’a séduite par la façon dont il a été organisé. Les débats auxquels j’ai assisté ou participé ont été très important pour moi, en tant qu’écrivaine, car ils m’ont permis de savoir où j’en étais. Les entretiens que j’ai eus après le festival avec Ion Vianu et Gabriela Adameşteanu, aussi. Ces gens-là ont écrit des livres que l’on peut considérer comme de véritables leçons de littérature. En lisant récemment Gabriela Adameşteanu, j’ai constaté qu’il y a des années déjà, elle écrivait des choses qui nous semblent nouvelles à présent. C’est pourquoi il est très important d’être connecté à la littérature et au contexte, et alors on se rend compte que les thèmes se répètent, mais nous ne les abordons pas de la même façon dans nos écrits. »
« Bref et intense, le splendide roman de Tatiana Ţîbuleac impose une écrivaine à l’égard de laquelle j’ai les plus grandes attentes » – notait Radu Vancu à propos du livre « L’été où ma mère a eu les yeux verts », publié aux Editions « Cartier ».
Tatiana Ţîbuleac : « Quand j’ai commencé à écrire, je ne pensais pas qu’il en sortirait un livre. Je me suis mise à écrire l’histoire d’une femme qui m’avait impressionnée l’été passé. Pourtant, je me suis aperçue qu’à mesure que j’avançais, je ne pouvais plus m’arrêter et que beaucoup de choses dans ma tête, dans des tiroirs un peu cachés, commençaient à transpirer à travers cette histoire. Alors je me suis dit que je devais continuer pour voir ce que cela allait donner. Et, à un moment donné, je me suis rendu compte que dans ce livre, je devais aller jusqu’au bout. Il y a avait beaucoup de choses que j’avais souhaité dire, mais je n’avais pas trouvé la forme ou l’occasion ou le moment propices. Et ce livre m’offrait justement ce moment, cet espace. Et après l’avoir écrit, je me suis rendu compte que cela m’avait fait beaucoup de bien, à moi aussi, d’exprimer ces choses-là. »
Le roman de Tatiana Ţîbuleac a joui d’un grand succès auprès du public et de la critique et il paraîtra l’année prochaine aux Editions des Syrtes. (Aut. : Corina Sabău ; Trad. : Dominique)