« MicROmânia », un festival de théâtre nouveau
Accueillie par le Théâtre classique Ioan Slavici de Arad, la dernière édition du Festival International de Théâtre Nouveau a puisé sa source d’inspiration dans « la petite Roumanie, celle de tous les jours, marquée par notre train-train quotidien avec nos habitudes aussi bien personnelles que collectives». C’est par ces mots que le critique Claudiu Groza, amphitryon de l’événement, se plaît à décrire le festival «MicRomania» un festival dont la cinquième édition s’est déroulée du 6 au 14 mai. Le théâtre nouveau est justement celui qui nourrit la dynamique de la dramaturgie théâtrale roumaine de cette dernière année, selon Claudiu Groza.
Luana Pleşea, 20.05.2017, 13:19
Claudiu Groza: « Quand je dis théâtre nouveau, je ne pense pas forcément à des spectacles actuels, mais plutôt à un répertoire qui privilégie des textes et des mises en scènes à même d’apporter plus de valeur à la dramaturgie roumaine. Puisque je suis issu d’un milieu sociologique d’interprétation de l’art, je suis l’adepte de la théorie selon laquelle chaque époque a sa façon de s’adresser au public à travers l’art. Si par exemple, il y a 2000 ans, il y avait la tragédie grecque et ensuite le théâtre déclamatif, de nos jours la Roumanie s’est dotée d’un théâtre syncrétique mêlant le visuel au texte et privilégiant souvent le visuel. Le moteur qui met actuellement en marche l’art théâtral de Roumanie est justement le théâtre social, documentaire, ancré dans la réalité, dans le quotidien. C’est ce type de spectacle qui assure la marche en avant de la dramaturgie roumaine. Je suis très heureux de constater que depuis le début de ce festival il y a 5 ans, on est arrivé à fidéliser un public présent depuis en salle et qui à chaque fois, nous donne son retour sur ce qui se passe sur scène. C’est un public qui a ses préférences en matière de spectacles ou de metteurs en scène qu’il n’hésite pas à nous communiquer. Je trouve ça très beau car cela fait la preuve de sa fidélité envers ce qu’on essaie de créer.».
Parmi les spectacles invités au Festival de Théâtre Nouveau, notons le Petit Prince d’après Antoine de Saint-Exupéry, mis en scène par Alexandru Dabija, au Théâtre de Comédie de Bucarest. Dans le rôle du Petit Prince- Dorina Chiriac, une comédienne chouchou du public roumain. Qu’est – ce que le théâtre nouveau représente pour elle? D’abord, la responsabilité de dire la vérité sur scène.
Quant à la nouveauté, c’est l’approche proposée par Alexandru Dabija qui l’a surprise le plus: «Il n’a pas voulu détruire les clichés, mais il s’est proposé, tout simplement, de raconter aux enfants l’histoire du Petit prince sans essayer d’offenser leur intelligence. Il a donc imaginé un spectacle s’adressant à un public intelligent qui, en revanche, se trouve à un certain stade de son évolution. Le spectacle se construit donc autour d’un discours honnête doublé d’images magnifiques, créées par l’artiste conceptuel, Mircea Cantor, qui en a été à sa première collaboration avec le théâtre. Pour moi, cette collaboration a renvoyé à la magie et j’espère que notre public a eu le même ressenti».
Parmi les spectacles à l’affiche du festival MicRomania a également figuré un texte de dramaturgie contemporaine. «Quatre petites pièces politiques sur les ennemis» porte la signature de l’auteur d’expression magyare Szekely Csaba et c’est un texte créé à l’intention de la troupe de la compagnie Liviu Rebreanu du Théâtre national de Targu Mures. Considéré comme le jeune dramaturge roumain le plus en vogue dernièrement, Szekely Csaba a imaginé son texte comme une succession de quatre fables traitant toutes de thèmes très actuels: le pouvoir, la cohabitation, la peur, la vérité et le mensonge.
Pour Csaba Ciugulitu, comédien à la Compagnie Liviu Rebreanu, le théâtre nouveau renvoie notamment à des sujets récents tels la discrimination : «Mon visage est plutôt dur…et puis, moi-même, je fais plus désinvolte que les autres. A chaque fois que des collègues plus jeunes me croisent pour la première fois, je vois qu’ils ne savent pas comment s’y prendre, en se demandant, peut-être c’est qui, celui-là? Comment devrait-on lui parler? Joue-t-il les durs? Pas du tout. Au contraire, je suis très gentil, je suis marié et père de famille. J’ai deux gosses que je dépose chaque matin à la maternelle. Il est pourtant vrai que dans un premier temps, j’ai hésité à accompagner mes enfants à la maternelle en me disant que je risque de faire peur aux autres gamins. A l’époque de mes études universitaires, à Bucarest, on m’appelait le Hongrois. Puis, pendant mes 7 années passées sur les planches du théâtre de Miercurea Ciuc, on m’appelait le Roumain, car je suis né de père roumain, originaire du département d’Arges et de mère hongroise, de Gheorgheni. Je suis bilingue et je fais partie aussi bien de la troupe roumaine, que de celle hongroise du Théâtre de Targu Mures. Au moment où les gens me font la connaissance, ils commencent à découvrir mon âme et la plupart d’entre eux disent que j’ai bon cœur».
Six spectacles au total ont figuré à l’affiche du festival MicRomania. «Histoires de vie, parodies, histoires drôles, émouvantes, paraboles de notre existence», bref du tout pour faire plaisir à notre public fidèle, conclut Claudiu Groza selon qui il arrive souvent que la fiction précède la réalité. C’est ce qui s’est passé avec le spectacle «Quatre petites pièces politiques sur les ennemis»
Claudiu Groza: «Il est très intéressant de remarquer comment un spectacle monté en novembre dernier et dont la représentation au sein du festival a eu lieu le 9 mai est arrivé à couvrir parfaitement la réalité politique et sociale de Roumanie. Bien qu’écrite avant les mouvements de ce printemps, avant tous ces scandales politiques déclenchés en début d’année, au moment de sa première, la pièce semblait écrite justement pour illustrer tous ces troubles. Peut-être parce qu’elle traitait de la tolérance, de l’homophobie, de l’hypocrisie politique, des escroqueries de la classe politique envers le peuple qu’elle devrait représenter. On avait l’impression d’assister à une sorte de spectacle reportage». (Trad. Ioana Stancescu)