Le traducteur Jean-Louis Courriol
Fin 2016, le traducteur Jean-Louis Courriol s’est vu décerner deux distinctions importantes : le titre de Docteur Honoris Causa de l’Université « Tibiscus » de Timişoara et le Prix Eugen Lovinescu, accordé par le Musée de la Littérature roumaine. Ce ne sont pas les premières distinctions roumaines que Jean-Louis Courriol reçoit pour ses traductions de la littérature roumaine et pour avoir contribué à la faire connaître dans l’espace francophone. En 2015, à l’occasion du Festival international du livre Transilvania, Jean-Louis Courriol recevait le titre d’« Ambassadeur honoraire de la littérature roumaine dans l’espace européen ». Passionné aussi bien de poésie que de prose, Jean-Louis Courriol a traduit et publié en France des œuvres d’écrivains classiques roumains, dont certains considérés comme intraduisibles, ainsi que des livres d’auteurs contemporains. Mihai Eminescu, Liviu Rebreanu, Camil Petrescu, Marin Sorescu, voilà quelques noms que les lecteurs français ont pu découvrir grâce à l’invité de cette édition de notre rubrique «Espace culture ».
Corina Sabău, 09.09.2017, 13:10
Jean-Louis Courriol a découvert la Roumanie dans les années ’70. Il était à l’époque un jeune professeur agrégé de lettres classiques. Ayant constaté que le roumain était une sorte de latin moderne, il a souhaité l’approfondir. L’Etat français l’a envoyé par la suite par comme lecteur à l’Université « Alexandru Ioan Cuza » de Iaşi, important centre culturel de cette ancienne principauté moldave. Une fois là, il a commencé – comme il se plaît à dire – à parler comme un habitant de cette contrée qui veut se faire passer pour un Bucarestois. Et le voilà arrivé à sa première traduction française d’un écrivain roumain. Le choix de Camil Petrescu n’a été pas du tout fortuit. Camil Petrescu était un des écrivains préférés de sa future épouse, Florica Ciodaru Courriol, remarquable traductrice, elle aussi.
Nous avons demandé à Jean-Louis Courriol quels ont été les livres de la littérature roumaine qui avaient marqué son existence : « Difficile à dire, car ils sont nombreux. Pourtant, si je devais m’arrêter à un seul nom, je mentionnerais celui de Mihai Eminescu. Pourtant, je pourrais tout aussi bien choisir Liviu Rebreanu et Marin Sorescu, sans oublier Cezar Petrescu, qui malheureusement, est considéré en Roumanie comme un écrivain secondaire. Il est important de réévaluer la littérature roumaine en la regardant par le biais d’autres cultures ; moi, je le fais par le biais de la littérature française, à laquelle je continue de croire. Pourtant, il ne faut pas oublier que la littérature française ne surpasse pas la littérature roumaine. Pour moi, la littérature roumaine est un repère tout aussi important que la littérature française, de même que le roumain est ma deuxième langue maternelle, du moins je la considère comme telle. »
Dans une interview accordée à l’écrivaine Marta Petreu, Jean-Louis Courriol affirmait que la littérature roumaine a donné des chefs-d’œuvre qui ne sont pas encore traduits.
Jean-Louis Courriol raconte de sa rencontre avec les écrivains roumains : « Marin Sorescu est une de mes plus importantes rencontres, car c’est le poète qui m’a rapproché de Mihai Eminescu. Celui-ci me semblait un sommet presque impossible à atteindre et qui avait été peut-être trop glorifié. Pourtant, lorsque j’ai lu le poème « Et parce que tout cela devait porter un nom » de Marin Sorescu – peut-être le plus bel hommage jamais fait à Mihai Eminescu – j’ai commencé à me rapprocher peu à peu de son œuvre. C’est donc Marin Sorescu qui m’a fait découvrir Eminescu. Je l’ai découvert aussi par l’intermédiaire de Liviu Rebreanu. Et Rebreanu m’a emmené de nouveau vers Sorescu. Et la longue série des connexions pourrait continuer! »
A part son travail de traduction, Jean-Louis Courriol a enseigné la langue et la littérature roumaine à l’Université de Lyon. Depuis 2000, il est professeur associé à l’Université de Piteşti. Cette institution d’enseignement supérieur a créé un Institut de recherche dans le domaine de la traduction littéraire où Jean-Louis Courriol et Florica Ciodaru Courriol dévoilent aux étudiants les secrets de cet art.
Promouvoir la littérature roumaine n’est pas facile – estime Jean-Louis Courriol : « En effet, c’est difficile, pourtant la présence de Florica à mes côtés m’aide beaucoup. Certes, les éditeurs français – et pas seulement français, les éditeurs étrangers en général – ne nous attendent pas les bras ouverts. Ce n’est peut-être pas uniquement de leur faute. Parfois ce sont les traductions qui en sont responsables, car elles n’ont pas toujours été convaincantes. Et elles ne l’ont pas été parce que, des fois, on n’a pas traduit les auteurs les plus représentatifs de la littérature roumaine. Je suis persuadé que la littérature roumaine ne pourra pénétrer dans d’autres espaces culturels si on n’en connaît pas les racines, si l’on ne connaît pas, au moins partiellement, Mihai Eminescu, Liviu Rebreanu, Cezar Petrescu, Camil Petrescu, Lucian Blaga, Tudor Arghezi, Marin Preda. Faute d’accès à ces écrivains, il est difficile de promouvoir la littérature roumaine. Evidemment, on peut taper dans le mille avec un livre d’un écrivain contemporain, mais ce serait uniquement un succès à court terme. » (Trad. : Dominique)