L’art du comédien aujourd’hui
« Trop fou pour ce monde » (Ne-bun pentru această lume) – voilà le thème de la 19e édition du Gala du jeune comédien HOP, déroulée début septembre à Costinesti, sur la côte roumaine de la Mer Noire. Un événement destiné, dès sa première édition, à parler de l’art du comédien, selon l’acteur et professeur Miklos Bacs.
Luana Pleşea, 24.09.2016, 15:39
« Trop fou pour ce monde » (Ne-bun pentru această lume) – voilà le thème de la 19e édition du Gala du jeune comédien HOP, déroulée début septembre à Costinesti, sur la côte roumaine de la Mer Noire. Un événement destiné, dès sa première édition, à parler de l’art du comédien, selon l’acteur et professeur Miklos Bacs.
Comment les jeunes issus des écoles de théâtre maîtrisent-ils cet art? Réponse avec Dorina Chiriac, membre du jury du gala HOP: « Dans mes spectacles, je constate qu’ils ne sont pas préparés à monter sur scène. Et je ne pense pas à leurs aptitudes pour faire ce métier, car ces aptitudes existent, elles sont même plus variées que chez ma génération, celle de ’94 – ’95. Ce qui leur manque c’est l’attitude face au métier. Et je suis persuadée que l’éducation en est la principale cause. Je crois que c’est un syndrome, parce que ce n’est pas une absence de la confiance, mais plutôt une méconnaissance du métier que je détecte chez des personnes très douées. Il y a quelque chose d’inadéquat dans la manière dont l’art de l’acteur leur a été enseigné. Tout d’abord, parce que les étudiants sont beaucoup plus nombreux que les professeurs. Or, il n’y a pas suffisamment de temps pour s’occuper de tous. En plus, le nombre des années d’étude a diminué. On est passé au système de Bologne qui, à mon avis, ne convient pas à la Roumanie en ce moment, parce que nous n’avons pas suffisamment de personnel enseignant. Nous avons besoin de professeurs spécialement formés à ce système.»
Pour les lauréats du Gala Hop 2016, maîtriser l’art de l’acteur signifie ne jamais être content de son travail, vouloir être meilleur, mettre à profit son imagination. Parmi eux, Alexandru Voicu, diplômé 2015 de l’Université nationale d’art théâtral et cinématographique. C’est lui qui a remporté le Grand Prix du Gala du jeune comédien HOP et le Prix « 1 sur 10 pour le Film à Tiff (Transilvania International Film Festival)».
Alexandru Voicu nous dit comment il voit son métier : « Le mécanisme que j’utilise, quel que soit mon rôle, c’est d’essayer toujours de partir à zéro, comme si je ne l’ai jamais fait auparavant. Tenter de nouvelles choses ou trouver de nouvelles facettes pour ce que j’ai déjà fait. Pour moi, il s’agit de jouer – dans les deux sens du mot (amusement et art) – et de travailler dans la joie. »
Alina Rotaru a fini ses études à l’Université nationale d’art théâtral et cinématographique en 2012. Cette année, le Gala HOP l’a récompensée du Prix de la Meilleure comédienne: «Je viens de découvrir cette dernière année l’idée de jeu. Avec tout ce que ce mot signifie. Et je me suis dit que si je jouais dans le sens de m’amuser avec mon rôle, je pourrais avoir de meilleures chances de réussite, c’est à dire d’être authentique jusqu’au bout. Pour moi, l’art de l’acteur signifie être crédible, authentique, comprise. Voilà ! Plus que le talent et le charme, l’approche est la chose la plus importante au moment où l’on construit un rôle. »
Dire la vérité sur scène. Ce fut le principal critère de sélection pour la comédienne Dorina Chiriac, membre du jury du Gala Hop 2016: «Je reviens toujours à Grotowski qui dit : «quel que soit le genre, quelle que soit l’époque, sur scène, l’acteur doit dire la vérité ». C’est le seul critère : l’acteur qui monte sur scène doit dire la vérité, quelle que soit la formule, le genre théâtral choisit. Pour les autres critères, on peut prendre en compte l’envergure du rôle, sa puissance, les aptitudes innées ou acquises. Mais tout cela sert à atteindre le même but : transmettre la vérité. Certes, les uns sont plus spectaculaires, les autres plus profonds… Cette année nous, le jury, nous avons remarqué plusieurs artistes qui ont des préoccupations intellectuelles très claires, dont l’univers et plus profond, des artistes qui peuvent approcher des textes importants, avec plusieurs nuances, qui sont capables de transmettre des choses, tout en gardant le mystère… Ce sont ces acteurs qui ont gagné cette année. »
Enfin, ce même contexte a été l’occasion de réfléchir sur les manières d’améliorer le système d’enseignement de l’art de l’acteur en Roumanie. Le comédien et professeur Miklos Bacs, directeur artistique du Gala HOP 2016, affirme qu’il existe plusieurs solutions pour ce faire: «Je crois que c’est le moment de démarrer des discussions sérieuses entre les écoles : comment voit-on l’enseignement supérieur artistique en Roumanie ? Comment s’explique un nombre si grand de places dans une université d’art ? Sans doute, c’est une bonne chose. Je crois qu’il est possible de trouver des solutions de compromis. C’est bien d’avoir un grand nombre d’étudiants, mais ce n’est pas normal que cela entraîne automatiquement un grand nombre de diplômes et de rôles dans un théâtre. Je pense qu’il faudrait avoir une étape de spécialisation. On pourrait trouver de nombreuses directions, du psychodrame à la psychopédagogie, jusqu’à l’enseignement dans les lycées. On pourrait assurer un emploi à ces jeunes. Certes, tout le monde souhaite monter sur scène, c’est leur rêve. Mais moi, je crois en l’homme de théâtre, qui aime le théâtre et qui se rend compte qu’il peut travailler dans ce domaine sans être nécessairement acteur. Les universités doivent avoir une stratégie en ce sens, pour garantir un avenir à ces jeunes. Sinon, on restera avec un nombre exagéré d’étudiants avec des attentes exagérées et irréelles. Parce qu’il est impossible, pour une société, d’intégrer 200 – 300 jeunes diplômés de l’art de l’acteur en une année.» (Trad. Valentina Beleavski)