Le Festival LIKE CNDB
La capitale roumaine accueille jusqu’au 17 avril la 3e édition du Festival LIKE CNDB, organisé par le Centre national de la danse de Bucarest. Inclassifiable c’est le thème qui fédère cette année des formes hybrides de spectacles et des manifestations connexes, nées de la rencontre avec les autres arts.
Luana Pleşea, 16.04.2016, 14:32
La capitale roumaine accueille jusqu’au 17 avril la 3e édition du Festival LIKE CNDB, organisé par le Centre national de la danse de Bucarest. Inclassifiable c’est le thème qui fédère cette année des formes hybrides de spectacles et des manifestations connexes, nées de la rencontre avec les autres arts.
Vava Ştefănescu, manager du Centre national de la danse explique la signification du thème : « Pourquoi inclassifiable? Tout d’abord parce que nous célébrons cette année le centenaire du dadaïsme, un des courants d’avant-garde les plus puissants. D’ailleurs, le Centre national de la danse se réclame de cet esprit avant-gardiste. Il a toujours proposé des choses hors normes, qui ont brisé les moules, ont fait évoluer l’approche et les moyens de monter un spectacle. Ensuite, nous avons constaté dernièrement chez les artistes des préoccupations très diverses, qui ne se laissent plus classifier comme relevant de tel ou tel genre. La danse n’y fait pas exception. Elle devient plus complexe, du fait de ses discours multiples et variés. »
Un des spectacles inclassifiables ayant reçu cette année la mention « j’aime » du Centre national de la danse a été Elle est un bon garçon, dont le texte et la mise en scène portent la signature de Eugen Jebeleanu. Selon son auteur, le projet, inspiré du film documentaire « Rodica est un bon garçon », porte sur le manque de tolérance sociale à l’égard des minorités. Il vise à sensibiliser l’opinion publique au caractère nuisible de l’intolérance, de la discrimination ou du moins à susciter des interrogations.
Le protagoniste du spectacle est le comédien Florin Caracala : « Ce n’est pas un spectacle de théâtre ni de danse. C’est tout simplement la quintessence de l’histoire de Rodica, telle que racontée par le film documentaire. Rodica est, au fait, un transsexuel, qui vit dans le village de Rozavlea, du comté de Maramureş, prend soin des animaux et chante de la musique traditionnelle roumaine aux mariages et dans des bars. La façon dont cette communauté se conduit envers Rodica est un véritable exemple à suivre. Tous les villageois de Rozavlea l’aiment et pensent que Rodica est un bon garçon. Nous avons puisé dans le documentaire des images et quelques témoignages de Rodica pour les intégrer dans notre performance. Notre spectacle ne parle pas du film, mais de notre relation avec Rodica et de la transsexualité, de l’identité de genre et de la législation européenne en la matière. »
Le spectacle Elle est un bon garçon a été réalisé à Cluj. C’est de cette même ville que provient un autre spectacle présenté au festival LIKE CNDB, à savoir le concert Parental CTRL, de l’artiste éclectique Ferenc Sinkó : « Ce spectacle a été invité par le Centre national de la danse et par certains théâtres. Le sujet est le même: quand on fait partie d’une minorité, on a la chance d’être minoritaire et majoritaire à la fois, ce qui confère donc une certaine flexibilité. Moi, je cherche une forme qui puisse me représenter. Pour l’instant, cette forme plutôt imprécise, inclassifiable, me convient. A mon avis, ce titre est accrocheur. Nous ne nous sommes pas proposé de traiter du contrôle parental ou des grandes ruptures entre les générations. Nous avons tenté d’approcher le sujet sous un angle plus personnel, celui des histoires individuelles de relations parents-enfants, pour ensuite les développer et aboutir à des généralisations. J’espère que les spectateurs y voient une sorte de miroir et en tire des leçons pour leurs propres vies … »
La 3e édition du Festival LIKE CNDB a également accueilli la première du spectacle « Jeune femme brune nue », mis en scène par Andreea David, qui y révèle ses deux talents de performeuse et d’architecte. Fort et fragile dans le même temps, selon Vava Ştefănescu, ce projet, né au bout d’un stage artistique à la Fabrique de pinceaux de Cluj, est le fruit de la collaboration avec le Centre national de la danse. Andreea David : « J’ai longtemps travaillé avec les cheveux. C’est la raison pour laquelle on retrouve dans le titre l’expression « femme brune ». Je me suis demandé quel est le rapport entre la chevelure, intimement lié à la féminité, et le corps nu, qui n’apparaît jamais dans les peintures séparé de la tête. J’ai donc pensé à travailler distinctement sur chacun de ces deux plans, les cheveux et le corps. Ceux qui ont déjà vu une partie de mon spectacle ont affirmé que c’était sans doute l’œuvre d’un architecte. Cela ressort, je crois, de ma relation avec les objets que j’apporte sur la scène. Le message est donc celui de la manière dont le performeur réalise la composition scénique et s’y intègre. Il entre en relation avec les objets dont il se sert dans sa composition. »
Les préoccupations des artistes roumains de nos jours sont de plus en plus variées. C’est justement cette diversité que l’édition 2016 du Festival LIKE CNDB s’est proposé d’illustrer. Fidèle à son esprit progressiste, le Centre national de la danse de Bucarest a, une fois de plus, mis en avant le jugement critique et l’expérimentation. Une démarche dans laquelle il est suivi de près par un public qui entend tenir la cadence. (trad. Mariana Tudose)