«Aferim! » : éloges américains pour un film roumain.
« «Aferim ! » est un long-métrage d’époque amusant et brutal à la fois, qui présente une vision courageuse du passé », lit-on dans le New York Times, qui loue non seulement le film du réalisateur roumain Radu Jude, mais aussi la prestation de l’acteur Teodor Corban. Cette production mérite bien d’être incluse parmi les nominations à l’Oscar du meilleur film étranger, précise encore le New York Times.
Corina Sabău, 06.02.2016, 13:40
« «Aferim ! » est un long-métrage d’époque amusant et brutal à la fois, qui présente une vision courageuse du passé », lit-on dans le New York Times, qui loue non seulement le film du réalisateur roumain Radu Jude, mais aussi la prestation de l’acteur Teodor Corban. Cette production mérite bien d’être incluse parmi les nominations à l’Oscar du meilleur film étranger, précise encore le New York Times.
« Aferim! », qui compte parmi les projets cinématographiques d’envergure de ces derniers temps, est un film historique. L’action se passe en Valachie, au début du XIXe siècle, lorsque tous les Tsiganes étaient esclaves. Un sergent de ville et son fils, dans les rôles desquels on retrouve Teodor Corban et Mihai Comănoiu, sont sur les traces d’un esclave tsigane fugitif (Cuzin Toma).
« Aferim » est le plus important film roumain réalisé depuis 2010 – année de l’« Autobiographie de Nicolae Ceauşescu » du cinéaste Andrei Ujică et d’« Aurora » signé par Cristi Puiu. Troisième long métrage de Radu Jude, « Aferim » propulse presque son réalisateur à la tête du peloton des meilleurs cinéastes roumains contemporains. Cette œuvre du 7e art, qui deviendra classique dans la cinématographie roumaine, est aussi une intervention pertinente à l’agenda des débats publics actuels – estime le critique Andrei Gorzo.
Dans sa chronique, le New York Times fait l’éloge de l’image en noir et blanc du film « Aferim! », qu’il décrit comme un «exercice élégant» accentué par une interprétation théâtrale. «Le film est une vision courageuse du passé, qui met en lumière la cruauté et les préjugés qui se cachent derrière les apparences», lit-on dans le New York Times. Quant à la prestation de Teodor Corban, l’interprète du rôle principal, les journalistes américains l’ont qualifiée d’«exubérante et venant droit du cœur». « Il a quelque chose du charisme dur d’Anthony Quinn et un peu de l’excentricité, de la liberté d’interprétation et de l’humour de John Wayne dans ses derniers westerns», estiment également les critiques américains.
Aux Etat-Unis, «Aferim! » est en salle depuis le 22 janvier. Avant la première, il a été projeté lors de plusieurs événements de Los Angeles et de New York, en présence de la productrice Ada Solomon et de l’acteur Toma Cuzin. Ces projections spéciales se sont déroulées sous l’égide de l’Institut Culturel Roumain et du Centre National de la Cinématographie. Ada Solomon, la productrice du long métrage «Aferim !» nous en dit davantage : « La tournée de New York et Los Angeles a été, en même temps, assez fatigante, agréable et intéressante, parce que le film a suscité de nombreuses réactions et un accueil inattendu. J’avoue que je ne m’attendais vraiment pas à une telle empathie, à une réception tellement profonde de la part d’un public culturellement si différent du nôtre. D’autant plus que le film a été créé en prenant en compte la complexité locale, pour qu’il résonne notamment avec le public de Roumanie. Vous comprenez donc notre étonnement et notre émerveillement devant sa résonance dans l’espace anglo-saxon. Au prestigieux Festival de l’American Film Institute de Los Angeles, toutes les séances ont été à guichet fermé. Bien sûr, il y a eu aussi un public roumain, des Roumains vivant aux USA, mais ce sont les Américains qui nous ont fourni les réactions les plus fortes et posé les questions les plus intéressantes. On a eu des débats sur la xénophobie, sur l’esclavage, sur le poids de ce traumatisme dans le passé et le présent, un problème dont la société roumaine n’est que trop peu consciente. A New York, le film a été projeté au Festival Making Waves du film roumain, organisé par la Film Society of Lincoln ; là encore, l’accueil a été exceptionnel. »
La productrice Ada Solomon a retenu aussi les questions les plus intéressantes posées par les cinéphiles d’outre-Atlantique : « Leurs questions portaient notamment sur l’existence de l’esclavage, sur l’approche de la population Rom par rapport à cet épisode de l’histoire de la Roumanie. Nous ne connaissons pas tellement bien notre histoire et les Américains la connaissent encore moins. Très peu de spectateurs étaient au courant du contexte historique présent dans le film et de l’existence, pendant plusieurs siècles, de l’esclavage en Roumanie. C’est ce qui explique le grand nombre de questions sur ce sujet. Le public américain a également été surpris par le discours xénophobe et nationaliste implicite dans le film. Et puis, il y a eu, bien évidemment, des questions sur la transmission des mentalités d’une génération à l’autre, un des éléments clé de notre discours cinématographique. »
Le long-métrage « Aferim ! », du réalisateur Radu Jude, récompensé de l’Ours d’Argent à la Berlinale 2015 et du Bayard d’Or pour la meilleure image au festival de Namur, est sorti dans les salles américaines le vendredi 5 février 2016. Le film a également reçu le trophée de la ville de Lisbonne et le prix de la distribution à IndieLisboa, le prix du public au festival Let’s CEE de Vienne, ainsi que le prix FIPRESCI à Miskolc, en Hongrie.(trad. Valentina Beleavski, Ileana Taroi)