Les livres pour enfants – entre traductions et textes autochtones
Après la chute du communisme, dans les années ’90, la littérature roumaine pour enfants, à l’instar d’autres secteurs de la culture, a connu des périodes de déclin. On n’écrivait plus de livres pour enfants en roumain, ce qui a permis aux traductions d’accaparer le marché et, malheureusement, leur qualité n’était pas toujours des meilleures. Cette situation a demeuré presque deux décennies, jusqu’à la fin des années 2000, car c’est à peine vers 2008 – 2009, que les livres roumains pour enfants et les traductions de qualité ont commencé à se multiplier dans les librairies.
Christine Leșcu, 16.01.2016, 01:52
Après la chute du communisme, dans les années ’90, la littérature roumaine pour enfants, à l’instar d’autres secteurs de la culture, a connu des périodes de déclin. On n’écrivait plus de livres pour enfants en roumain, ce qui a permis aux traductions d’accaparer le marché et, malheureusement, leur qualité n’était pas toujours des meilleures. Cette situation a demeuré presque deux décennies, jusqu’à la fin des années 2000, car c’est à peine vers 2008 – 2009, que les livres roumains pour enfants et les traductions de qualité ont commencé à se multiplier dans les librairies.
Florin Bican traduit des livres de l’anglais et en anglais. Il est aussi écrivain – prose et vers. Il nous explique pourquoi la littérature roumaine pour enfants a eu un tel destin : «Je pense que dans les années ’90, tout d’abord, les éditeurs roumains ont eu peur de publier de la littérature autochtone pour enfants. Confrontés à l’absence de la demande, les écrivains roumains ont bloqué l’offre, à leur tour. Peu à peu, le public sensibilisé par les traductions de littérature pour enfants a réussi à sensibiliser les maisons d’éditions, qui se sont rouvertes à ce type de livres. Jusqu’en 2000, la littérature roumaine pour enfants avait perdu beaucoup de terrain. Paradoxalement, avant 1989, malgré les rigueurs et les difficultés de l’époque, la Roumanie avait une littérature destinée aux enfants, qui était un genre pris très aux sérieux, j’ose dire. Alors qu’après 1990, elle est tombée dans l’oubli, cédant la place aux traductions, ce qui a été une bonne chose».
Pourtant, toutes les traductions n’étaient pas de bonne qualité. Dans leur désir d’obtenir le profit sur un marché difficile, les maisons d’éditions ont publié de nombreuses traductions superficielles. Et ce aussi en raison de la réticence des écrivains roumains à se consacrer à la littérature pour enfants, un genre considéré comme difficile.
Florin Bican explique: «On croit qu’il est très facile d’écrire pour les enfants, une idée répandue notamment par ceux qui n’écrivent pas. Beaucoup de voix disent qu’il n’y a rien de plus facile que d’écrire pour les petits. La tragédie, c’est que parmi eux il y a aussi des écrivains. Pire encore : leurs livres finissent par être publiés. Il y a aussi une autre catégorie : celle des auteurs qui estiment qu’il est difficile d’écrire pour les enfants, car il faut trouver son inspiration. Ce serait une bonne idée de regarder autour de nous, d’observer les enfants, de lire beaucoup de livres pour enfants et de les lire avec le plaisir d’un enfant. Certains d’entre eux se rappellent toujours leur enfance et cela les aide à écrire».
En tout cas, il est essentiel d’entrer en contact avec les enfants. Pour Sînziana Popescu, c’est la communication avec son propre enfant qui l’a déterminée à écrire. En 2009, son livre «Le voyage de Vlad dans l’Autre Univers » recevait le prix de littérature pour enfants de l’Association des écrivains de Bucarest, une récompense qui n’avait plus été accordée depuis longtemps.
Ce livre n’était que le premier volume d’une série, car l’écriture n’était pas un problème pour Sînziana Popescu, allait-elle constater: « J’ai commencé à travailler sur cette série en 2002 – 2003, lorsque mon fils était encore petit. Je l’ai fait en pensant à lui, car je voulais lui laisser un héritage, lui présenter les personnages de la mythologie roumaine, lui expliquer qu’il y avait aussi des héros roumains à retenir… A l’époque, les enfants lisaient beaucoup de livres de fantasy de la littérature anglo-saxonne, c’étaient de très beaux livres, d’ailleurs, que j’avais d’ailleurs lus. Mais nous aussi, nous avons quelque chose à prouver, les personnages de notre mythologie sont tout aussi intéressants. Je ne me suis pas proposé d’éduquer, mais d’écrire une histoire agréable et intéressante. Si on y trouve même une morale, sachez que j’ai essayé de la filtrer. Je n’ai pas voulu la cacher, mais la morale n’était pas mon principal objectif, car en général les enfants rejettent toute tentative de moraliser ».
Ogres, fées, dragons, l’oiseau-lyre et autres personnages mythiques typiquement roumains se donnent donc rendez-vous dans l’histoire de début de Sanziana Popescu. Le personnage principal, Vlad, est un gamin qui fuit la maison parentale, jaloux car ses parents accordaient davantage d’attention à ses petits frères. Une situation de plus en plus répandue au sein des familles roumaines. Vlad s’enfuit donc dans l’Autre Univers, celui des contes, de l’imagination, des désirs et des rêves que tout enfant a, pour en rentrer plus sage et plus compréhensif, après un voyage plein de suspens et de surprises.
Par ailleurs, c’est toujours pour échapper aux tentatives moralisatrices, mais aussi pour divertir les jeunes, que Florin Bican a écrit une version non conformiste, dans un langage urbain, du conte de fées « Harap – Alb ». (Harap – Alb est un héros roumain qui fait un voyage initiatique pour lutter contre les forces du mal). Résultat: un livre assez inattendu… pour les parents, constate l’auteur Florin Bican: «Cette idée m’est venue à l’esprit au cours des conversations avec mon fils, qui a maintenant presque 30 ans. A chaque fois qu’un texte lui semblait trop difficile, j’essayais de l’animer pour lui. C’est un exercice que j’ai fait à plusieurs reprises pour mon fils : prendre un texte consacré et le tourner à l’envers. J’ai noté toutes les réactions. Les enfants ont accepté le livre sans réserves et j’ai été étonné de découvrir en discutant avec eux que les termes non conformistes ne les dérangeaient pas. Il ont suivi le fil de l’histoire, qui a porté ses fruits. Pour eux, un personnage qui parle de manière ridicule est ridicule et finira par être puni. Il ont également compris la parodie. Toutefois, cela n’a pas été le cas de tous les profs et de tous les parents».
Bien que les livres roumains pour enfants se soient multipliés ces dernières années, le nombre d’auteurs ne suffit toujours pas, estime Sanziana Popescu: «Le marché du livre est suffoqué par les traductions, certaines de qualité, d’autres – d’une qualité douteuse. Les genres ne sont pas trop variés non plus. En fait, on n’a que deux catégories : les best-sellers contemporains et les classiques, tels qu’Astrid Lindgren, Mark Twain ou Beatrix Potter. Mais on ne sait rien sur les écrivains suédois contemporains, par exemple. En même temps, les auteurs roumains, on peut les compter sur les doigts d’une main ou de deux mains. Il sont très peux nombreux, d’où le déséquilibre du marché roumain».
La dernière création de Sanziana Popescu est consacrée aux enfants de 3 à 7 ans, c’est un livre bilingue roumano – suédois, paru aux éditions « Pionier Press » de Suède. (Trad. Valentina Beleavski)