L’ensemble monumental « La voie des héros »
L’ensemble monumental « La voie des héros » est un des chefs-d’œuvre du sculpteur Constantin Brâncuşi, à travers lequel il a voulu rendre hommage aux gens de la région de Gorj qui avaient fait le sacrifice suprême pour leur pays et pour leurs compatriotes sur les champs d’honneur pendant la Grande Guerre. L’ensemble, sis dans la ville de Târgu Jiu et composé de la Table du silence, la Porte du baiser et la Colonne sans fin, met en exergue la conception artistique du maître.
Corina Sabău, 02.01.2016, 13:33
L’ensemble monumental « La voie des héros » est un des chefs-d’œuvre du sculpteur Constantin Brâncuşi, à travers lequel il a voulu rendre hommage aux gens de la région de Gorj qui avaient fait le sacrifice suprême pour leur pays et pour leurs compatriotes sur les champs d’honneur pendant la Grande Guerre. L’ensemble, sis dans la ville de Târgu Jiu et composé de la Table du silence, la Porte du baiser et la Colonne sans fin, met en exergue la conception artistique du maître.
Né le 19 février 1876 dans le village de Hobiţa, du département de Gorj (sud), Constantin Brâncuşi a vécu toute son enfance immergé dans une véritable civilisation du bois, son père ayant l’habitude de confectionner tout seul les objets ménagers dont la famille avait besoin. En 1898, l’élève Constantin Brâncuşi présente, à la première édition de l’exposition de l’Ecole d’arts et métiers du département de Dolj, un buste d’homme — sa première sculpture, et deux cadres pour tableaux, des objets à voir aujourd’hui au Musée d’art de Craiova (sud). Cette même année, Brâncuşi s’inscrit à l’Ecole nationale des beaux-arts et métiers, dont il est diplômé quatre ans plus tard. A partir de 1907, le grand artiste se tourne vers le non-figuratif, rejoignant ainsi l’avant-garde de la capitale française. Les composantes de l’ensemble monumental « La voie des héros » de Târgu Jiu ont été réalisées sur la base d’un projet formé, selon Brâncuşi lui-même, d’éléments architecturaux à valeur symbolique.
L’ensemble a été inauguré le 27 octobre 1938. Doru Strâmbulescu, directeur du Centre Constantin Brâncuşi de Târgu Jiu, raconte : « Si nous nous appuyons sur des photos et des témoignages de l’époque, nous dirons que la population de la ville a participé nombreuse à l’inauguration, aux côtés d’un grand nombre de personnalités politiques et culturelles de l’époque. Il faut dire que, dans un premier temps, Brâncuşi avait souhaité réaliser seulement la Colonne sans fin à Târgu Jiu ; c’est d’ailleurs ce qu’il avait proposé dans un premier temps, après avoir esquissé la Colonne à Bucarest. Mais Brâncuşi a passé tellement longtemps à Târgu Jiu qu’il finit par y placer l’ensemble entier, avec aussi l’église des Saints Apôtres, rénovée grâce à l’argent donné par la Ligue nationale des femmes de Gorj, à l’initiative de sa présidente Aretia Tătărescu. Ce n’est donc pas qu’un ensemble commémoratif, c’est aussi un chef-d’œuvre universel. »
La Table du silence se trouve dans le Jardin public de Târgu Jiu, tout près de la rivière Jiu. Réalisée en calcaire de Banpotoc (commune du département de Hunedoara, au centre-ouest de la Roumanie), elle est entourée de 12 chaises rondes en pierre, en forme de sablier. La Table du silence, avec 2,15 mètres de diamètre et 88 centimètres de hauteur, est le symbole du dernier repas des soldats avant de lancer la bataille. Le temps est mesuré en silence par les sabliers-chaises. L’allée des chaises compte deux bancs en pierre et 30 chaises carrées en pierre, sous forme de sablier, disposés de part et d’autre de l’allée par groupes de trois, faisant la liaison entre la Table du silence et la Porte du baiser, située à l’entrée du parc. Sur les bords de l’allée, 20 peupliers d’Italie ont été plantés. La Porte du baiser, réalisée en travertin, symbolise le passage vers l’au-delà.
La Colonne sans fin est considérée comme la composante la plus importante de l’ensemble. Constituée de 16 modules en fonte sous forme de losange, ayant chacun 1,80 m de hauteur, elle représente un axis mundi qui soutient la voûte céleste. La hauteur totale de la colonne est de 29,33 m. Du point de vue technique, elle a été réalisée par l’ingénieur Ştefan Georgescu-Gorjan, d’après un module sculpté en bois de tilleul par Brâncuşi. Sa construction a démarré en août 1937 à Petroşani et s’est terminée en novembre à Târgu Jiu, et le recouvrement en métal a été réalisé en juin-juillet 1938. L’Eglise des Saints apôtres Pierre et Paul, située sur l’axe de l’ensemble sculptural, est un élément de liaison entre ses parties composantes. Le lieu de culte a été élevé en 1927-1938 sur l’emplacement d’une église plus ancienne, de 1777.
Doru Strâmbulescu, directeur du Centre Constantin Brâncuşi, explique : « Les éléments qui composent l’ensemble de Târgu Jiu ont une valeur d’objets uniques, même si Brâncuşi avait déjà sculpté des colonnes en bois, il y avait de telles colonnes dans son atelier de Paris. Je pense que l’idée d’un ensemble est quelque peu plus ancienne, il souhaitait d’abord élever un portail dans son village natal, Hobiţa. Puis il a été question que l’ensemble soit à Târgu Jiu. Une fois l’ensemble de Târgu Jiu finalisé, Brâncuşi parachève sa création. Après, il n’a plus créé d’œuvres d’une telle importance, qui demeurent comme des repères dans l’art. Ce style non figuratif que Brâncuşi apporte dans l’art moderne change un paradigme. En suivant les pensées de l’artiste, parues au fil du temps dans différentes publications sous forme d’aphorismes, nous pouvons comprendre comment Brâncuşi conçoit l’art en général et son art en particulier. Le sculpteur était conscient de sa valeur universelle, de la manière dont il l’a changée. Lorsqu’il quitte l’atelier de Rodin, il se sépare aussi de ce qui se passait dans l’art jusqu’à ce moment-là, venant avec sa propre vision, qui tire ses racines de l’art roumain ancien. Il l’a fait, bien qu’il eût approfondi, à Paris, l’art primitif, l’art noir. Mais il était conscient qu’il était devenu un repère dans l’art moderne. »
En avril 2007, à Târgu Jiu, l’inscription attestant la décision de l’Union européenne d’inclure l’Ensemble monumental « La Voie des héros » dans le patrimoine culturel européen (avec le Palais Cantacuzène, l’Athénée roumain de Bucarest et la cité de Histria du département de Constanţa) a été dévoilée. (trad.: Ileana Ţăroi, Ligia Mihăiescu)