La productrice de cinéma Ada Solomon
Considéré comme un des projets cinématographiques roumains les plus amples de ces dernières années. « Aferim!» est un film historique. L’action se passe en Valachie, au début du XIXe siècle, lorsque tous les Tsiganes étaient esclaves. Un sergent de ville et son fils, dans les rôles desquels on retrouve Teodor Corban et Mihai Comănoiu, sont sur les traces d’un esclave tsigane fugitif (Cuzin Toma). Le tournage du film, qui a eu lieu dans les Monts Măcin, en Dobroudja (sud-est de la Roumanie), et dans la région de Giurgiu (sud), a coûté 1 million 400 mille euros. La plupart des décors a dû être reconstituée, afin de rendre l’influence turque très présente à l’époque. Pour Ada Solomon, ce long-métrage, sorti dans les salles roumaines en mars dernier, représente le projet le plus ample qu’elle ait jamais abordé dans sa carrière de productrice.
Corina Sabău, 18.04.2015, 13:30
Considéré comme un des projets cinématographiques roumains les plus amples de ces dernières années. « Aferim!» est un film historique. L’action se passe en Valachie, au début du XIXe siècle, lorsque tous les Tsiganes étaient esclaves. Un sergent de ville et son fils, dans les rôles desquels on retrouve Teodor Corban et Mihai Comănoiu, sont sur les traces d’un esclave tsigane fugitif (Cuzin Toma). Le tournage du film, qui a eu lieu dans les Monts Măcin, en Dobroudja (sud-est de la Roumanie), et dans la région de Giurgiu (sud), a coûté 1 million 400 mille euros. La plupart des décors a dû être reconstituée, afin de rendre l’influence turque très présente à l’époque. Pour Ada Solomon, ce long-métrage, sorti dans les salles roumaines en mars dernier, représente le projet le plus ample qu’elle ait jamais abordé dans sa carrière de productrice.
« « Aferim! » est mon film le plus ample d’abord du point de vue des moyens logistiques. Ce film d’époque a nécessité un grand nombre de figurants, la construction de près de 70% des décors et l’adaptation des décors existants. La deuxième raison de sa complexité réside dans la richesse des thèmes sociaux abordés. Le film met en valeur des sources historiques très précieuses, jamais exploitées visuellement auparavant. Le scénario puise son inspiration dans le folklore et dans la littérature culte du XIXe siècle. Voilà pourquoi ce film est important non seulement pour moi-même, mais aussi et surtout pour le cinéma. »
« Aferim » est le plus important film roumain réalisé depuis 2010 — année de l’« Autobiographie de Nicolae Ceauşescu » du cinéaste Andrei Ujică et d’« Aurora » signé par Cristi Puiu. (…) Cette œuvre, qui deviendra classique dans la cinématographie roumaine, est aussi une intervention pertinente à l’agenda des débats publics actuels” — estime le critique Andrei Gorzo. Nous repassons le micro à la productrice Ada Solomon :
« Je ne crois pas à l’approche programmatique de l’artiste. Je pense qu’il fait ce qu’il sent à un moment donné de son existence. C’est aux critiques de comparer, d’émettre des jugements de valeur. Ce que l’on a dit au sujet du film est vraiment honorant et je suis accablée par l’ampleur des réactions qu’il a suscitées en Roumanie. Bien sûr que je souhaitais qu’il soit bien accueilli et qu’il éveille l’intérêt, mais j’étais loin de m’imaginer qu’il susciterait un intérêt aussi grand, une analyse aussi profonde. En ce qui me concerne, l’élément le plus important de ce film reste l’enseignement d’un père à son fils. J’ose dire que c’est le dénominateur commun des films de Radu Jude, les relations familiales, les liens qui existent entre parents et enfants. Ce film s’inscrit donc dans une sorte de continuité. Bien que l’action se passe dans une autre époque, ce film raconte avant tout l’histoire de la relation entre Ioniţă et Constantin. »
Ada Solomon est la productrice des créations cinématographiques les plus importantes de Radu Jude. Il s’agit de « La lampe à bonnet » (2006), le film le plus primé dans l’histoire roumaine du 7e art (plus de 50 distinctions aux festivals internationaux, dont Sundance et ceux de San Francisco, Los Angeles, Uppsala), et d’« Alexandra »(2007), sélectionné à Clermont-Ferrand et primé à Oberhausen. Ada Solomon.
« Je ne sais pas si cest moi qui a choisi Radu ou bien si nous nous sommes choisis lun lautre. Je pense que ce fut quelque chose de réciproque, je suis ravie que Radu mait fait confiance et estimé que jétais la personne adéquate pour laider à mettre ses idées en pratique. Notre relation sest développée dans le temps, nous nous sommes soutenus lun lautre. Ce qui me fascine chez Radu cest lampleur de sa perspective. Et pour cause : les éléments de ses films sont toujours argumentés, il y a toujours plus de connexions quil semble à première vue, la fondation est toujours solide. Jai beaucoup appris de Radu, dialoguer et échanger des idées avec lui – cest un véritable plaisir, même si nous ne sommes pas toujours daccord. Léchange didées donne naissance à une sorte dexercice dattitude – et cest justement ce qui mintéresse le plus. Tous les films réalisés par Radu sont des exemples dattitude. Ses films sont beaucoup plus que des oeuvres dart, ils soulèvent des problèmes. En plus ils ont cette qualité: ils ne jugent pas, ne donnent pas de verdicts, ils laissent les portes ouvertes à linterprétation. »
Bien quelle estime quil est impossible de renoncer aux préjugés sur les Roms, Ada Solomon est très contente que le film « Aferim! » ait réussi à générer une multitude de réactions:
« Je trouve ça extraordinaire: des gens des quatre coins du pays analysent le film de différentes perspectives. Que ce soit une perspective politique ou sociale, il est évident que les spécialistes du cinéma ne sont pas les seuls à sintéresser à ce film. Je trouve intéressant le fait que de nombreux analystes politiques y ont réagi. Puis, dun point de vue social et anthropologique, ce film est un excellent outil pour étudier et débattre de qui nous sommes, où nous sommes et comment nous sommes. Lattitude de la majorité face à la minorité mintéresse beaucoup, quil sagisse de la minorité rom ou juive, peu importe. Dans le cas de la minorité rom, je trouve tout à fait normal que les 500 années desclavage laissent des traces, que cette ethnie ne puisse pas dépasser certaines humiliations. »
Parmi les productions signées Ada Solomon figurent également des courts-métrages primés réalisés par Cristian Nemescu (« Marilena de P7 »), des longs-métrages de début de Razvan Radulescu (« Felicia, avant tout »), Paul Negoescu (« Un mois en Thaïlande »), Vali Hotea (« Roxanne ») ou encore des documentaires réalisés par Alexandru Solomon (dont « Kapitalisme, notre recette secrète » et « Cold Waves – Ondes froides, la guerre des ondes »). En 2013, Ada Solomon a été récompensée du prix de la coproduction Eurimages, une distinction offerte par lAcadémie Européenne du Film qui reconnaît le rôle décisif des coproductions dans lindustrie européenne du cinéma. Enfin sachez quAda Solomon est aussi linitiatrice et la directrice du Festival International du Film NexT de Bucarest, le plus grand festival de courts-métrages de Roumanie. (trad. Mariana Tudose)