Milita Petrascu, élève de Brancusi (édition concours)
Considérée comme la femme sculpteur la plus talentueuse de la Roumanie du XXe s, participante au mouvement artistique d’avant-garde dans ce pays dès l’entre-deux-guerres, surtout au groupement constitué autour de la revue « Contimporanul », maître inégalable dans l’art du portrait, Miliţa Petraşcu allait évoquer jusqu’à la fin de sa vie, dans des lettres ou des discussions, l’importance de sa rencontre avec le sculpteur Constantin Brâncuşi. « La sculpture de Miliţa Petraşcu représente, tout premièrement, un acte de résistance devant la destruction de l’image. Sa démarche préserve les ambitions de l’instantané et les rigueurs de la composition classique, coexistants dans l’art du début de siècle. Cela l’aide, pendant la longue période où elle travaille avec Brâncuşi, à se défendre de la tentation d’imiter son grand maître et à ne pas essayer le geste simple de l’abstraction », note Dan Brudaşcu sur la sculpture de Miliţa Petraşcu.
Corina Sabău, 12.07.2014, 13:30
Considérée comme la femme sculpteur la plus talentueuse de la Roumanie du XXe s, participante au mouvement artistique d’avant-garde dans ce pays dès l’entre-deux-guerres, surtout au groupement constitué autour de la revue « Contimporanul », maître inégalable dans l’art du portrait, Miliţa Petraşcu allait évoquer jusqu’à la fin de sa vie, dans des lettres ou des discussions, l’importance de sa rencontre avec le sculpteur Constantin Brâncuşi. « La sculpture de Miliţa Petraşcu représente, tout premièrement, un acte de résistance devant la destruction de l’image. Sa démarche préserve les ambitions de l’instantané et les rigueurs de la composition classique, coexistants dans l’art du début de siècle. Cela l’aide, pendant la longue période où elle travaille avec Brâncuşi, à se défendre de la tentation d’imiter son grand maître et à ne pas essayer le geste simple de l’abstraction », note Dan Brudaşcu sur la sculpture de Miliţa Petraşcu.
Constantin Zărnescu, celui qui a recueilli et publié les aphorismes de Brâncuşi, parle de la rencontre entre Miliţa Petraşcu et le grand artiste, qui allait marquer leurs deux destins. Cela se passait en 1919 : « Quelques années auparavant, Brâncuşi avait été invité à deux expositions de groupe d’avant-garde européenne à New York. Il avait exposé là-bas une variante du « Baiser », « Mademoiselle Pogany », « Muse endormie », « Tête d’enfant ». Miliţa remarque dans ses œuvres la pureté géométrique, l’être humain sous une forme essentialiste. Elle apprend la sculpture aux côtés de Brâncuşi qui l’appelle Petrică. A elle et aux autres jeunes femmes arrivées de Roumanie, Brâncuşi met le ciseau dans la main et rappelle qu’elles ont choisi un métier masculin. Il leur apprend l’importance du bloc de marbre que l’on n’a pas le droit de détruire, dit-il. La sculpture, c’est premièrement de la pensée et ce n’est pas pour les jeunes, a dit l’artiste à Miliţa en présence du poète américain Ezra Pound. »
Miliţa Petraşcu, c’est celle qui convainc Brâncuşi à renoncer à des projets importants en France pour venir au pays et réaliser, à Târgu Jiu, l’ensemble de renom qui culmine par la « Colonne sans fin ». C’est la période où Brâncuşi, se trouvant en Roumanie, pose pour Miliţa Petraşcu, et elle réalise le premier portrait du sculpteur, un bronze que l’on peut admirer à présent Place Dorobanţi à Bucarest. L’aisance dont Miliţa Petraşcu faisait preuve tant dans la réalisation des sculptures dans l’esprit de l’art classique, que dans celui de l’art moderne attire l’admiration de Brâncuşi, qui lui avoue : « Tu t’y connais à travailler comme tu veux, de manière figurative ou abstraite, quelle chance pour toi ! ».
L’écrivain Constantin Zărnescu: « En 1927, après le Congrès de la presse latine à Bucarest, Miliţa Petraşcu reçoit des éloges au plan international. Ce qui est très intéressant, c’est qu’Aretia Tătărescu, présidente de l’Association des femmes de Gorj, invite Miliţa à élever à Târgu Jiu un monument à la mémoire des héros de la Première guerre mondiale. Elle avait déjà réalisé le monument à Ecaterina Teodoroiu et elle était une personnalité connue dans la région. Miliţa refuse la proposition de madame Tătărescu, disant que Brâncuşi était la meilleure personne pour élever un tel monument aux héros tombés au champ d’honneur sur le front. Et c’est à ce moment-là qu’une correspondance intense commence entre et Miliţa et Brâncuşi, et en 1937, ce dernier vient à Târgu Jiu avec l’intention de réaliser une seule oeuvre ».
Grâce à Victor Crăciun, il nous est possible de suivre la correspondance des deux artistes « liés par l’art, mais aussi par une grande amitié. Une amitié qui a duré depuis 1919 jusqu’à la mort de Brâncuşi, dans laquelle Miliţa Petraşcu a perçu les préceptes/dimensions de l’art moderne, et la Roumanie allait enrichir son patrimoine artistique par l’Ensemble de Târgu Jiu, parce que c’est elle qui a imposé l’idée que Brâncuşi réalise ces sculptures architectoniques, uniques au monde ».
L’écrivain Constantin Zărnescu: « En 1946 Miliţa écrivait à Brâncuşi : « Avec mes amis, nous nous préparons à t’envoyer des vivres ». C’était le moment où la crise s’était emparée d’une grande partie de l’Europe. A cette même époque, Miliţa informe Brâncuşi à chaque fois qu’un article paraît sur lui. Elle lui signale ce que Petru Comarnescu a écrit sur lui, elle l’annonce que Ionel Jianu a lui aussi écrit à son propos dans la revue Lumină şi Culoare” (Lumière et couleur”), et que ses théories sur l’art ont été publiées par la presse. Et elle ne peut oublier que, 20 années auparavant, il lui avait dit tant de choses sur la nouvelle sculpture moderne, des éléments et des pensées qui pouvaient déjà être vérifiées».
A l’occasion du vernissage de l’exposition organisée avec Marcel Iancu, en 1934, le critique Petru Comarnescu affirmait : « La principale qualité de Miliţa Petraşcu reste la qualité fondamentale de la sculpture-même : le culte de la forme pleine, liée à l’espace et à la lumière ». L’artiste ne recherche pas une dominance expressive dans la figure de la personne dont elle fait le portrait ; elle reconstitue, dans l’ensemble des détails, les attributs d’une personnalité.
Le portrait de la comédienne Elvira Godeanu, à moitié nue, est naturaliste et discrètement hiératique en même temps, reprenant de manière téméraire et non conventionnelle la typologie classique du buste sans bras. Le portrait en marbre d’une autre comédienne connue, Agepsina Macri, l’épouse de Victor Eftimiu, exposé au Salon officiel de 1934, enfreint aussi les habitudes du temps, car il n’était pas permis que le portrait d’une personne clairement individualisée, bien connue du monde bucarestois, qu’elle soit comédienne ou pas, soit représenté seins nus. Rien de frivole, toutefois, dans cette remarquable sculpture ; la monumentalité et le statisme de ce portrait renvoient à l’antiquité classique, au nom de laquelle la nudité pouvait être acceptée ». (Trad. Ligia Mihaiescu)