Eminescu vu par ses contemporains
Différentes manifestations culturelles et symposiums sont organisés chaque année pour marquer le 15 janvier, l’anniversaire du poète national Mihai Eminescu. Toutefois, on parle peu de la véritable personnalité du prosateur, publiciste et homme de culture Mihai Eminescu, laquelle reste de ce fait méconnue.
Christine Leșcu, 18.01.2014, 13:00
Différentes manifestations culturelles et symposiums sont organisés chaque année pour marquer le 15 janvier, l’anniversaire du poète national Mihai Eminescu. Toutefois, on parle peu de la véritable personnalité du prosateur, publiciste et homme de culture Mihai Eminescu, laquelle reste de ce fait méconnue.
C’est justement cet aspect qu’a été remis sur le tapis lors de la parution chez Humanitas, du volume « Témoignages sur Eminescu. L’histoire d’une vie racontée par ses contemporains ». Les 500 pages du volume réunissent les témoignages et opinions de ceux ayant connu Mihai Eminescu — hommes de culture importants de l’époque (Titu Maiorescu, I.L Caragiale, Ioan Slavici) mais aussi amis et personnes de l’entourage du poète, ces derniers étant pour la plupart tombés de nos jours dans l’oubli. Tous les textes du volume mettent en exergue différents traits de la personnalité d’Eminescu afin de dresser un portrait moral aussi authentique et exhaustif que possible.
Catalin Cioaba, éditeur du volume « Témoignages sur Eminescu » : « Juste après la mort du poète, soit deux semaines après, la revue « Familia », « La Famille » a lancé un appel sous le titre « Ecrivez des souvenirs ». Tous les journaux ont alors appelé ceux ayant connu Eminescu à écrire leurs souvenirs du poète. Que ce soit amis ou ennemis, hommes ou femmes, connaissances ou personnes qui l’avaient seulement aperçu de loin. Et dans le cas de ces dernières ce qui comptait c’était le contexte où elles l’avaient vu: à la rédaction du journal où il écrivait ou lors des conférences à des réunions de l’association culturelle « Junimea », « La Jeunesse ». L’important c’était d’aboutir à une diversité des points de vue. Qu’est ce qu’on entend par obtenir la diversité ? Il s’agit de ne pas être partial. On n’essaie ni de mythifier ni de démythifier. On cherche les textes de bonne qualité qui donnent l’image d’un moment de la vie d’Eminescu. Il y a aussi des textes très importants qui décrivent par exemple un moment de joie du poète ou encore le poète en train de chanter, de faire la fête avec ses amis. Ce sont des choses très importantes, car cette variété aide le lecteur à se faire sa propre image du poète. C’est important car on n’a pas eu une image d’Eminescu tel qu’il était dans la vie quotidienne ».
La plupart des récits réunis dans le volume « Témoignages sur Eminescu. L’histoire d’une vie racontée par ses contemporains » sont parus le long des années aussi dans d’autres anthologies consacrées au poète. Mais aucune n’est parvenue à rassembler tant de textes qui retracent la biographie du poète : la période scolaire, celle des pérégrinations avec des troupes de théâtre, ses études à Vienne et à Berlin ainsi que les années en tant que rédacteur en chef du journal « Timpul », « Le Temps ». Un chapitre important est consacré au déclin physique et psychique en raison de la maladie qui a causé sa mort.
Catalin Cioaba résume : «C’était un altruiste. Et cet aspect est bien mis en évidence par l’écrivain Ioan Slavici. En même temps, Eminescu était intransigeant dans ses articles dans « Timpul », tout comme dans d’autres situations. Mais des traits contradictoires, on en retrouve chez toutes les personnalités. Voici ce qu’écrivait Slavici sur ce sujet « Son intransigeance envers certains, c’était la manifestation de son amour pour tous ». Et il y a un autre aspect sensible lorsqu’on parle de Mihai Eminescu, qui a vécu un calvaire les dernières années de la vie. Ce n’est pas facile à gérer. Il y a aussi des textes qui ont peut-être exagéré et fourni des images macabres du poète. Même parmi les textes de ce volume il y en a plusieurs qu’on a du mal à lire. La fin de vie fut difficile à supporter. Autant il consacra sa vie à sa création durant sa jeunesse, autant il en fut dévoré durant les dernières années de sa vie. Il s’est épuisé. N’empêche, comme l’affirmait Slavici en citant Shopenhauer, Eminescu avait la personnalité d’un génie. Le génie devait avoir de bons poumons, un estomac solide et une forte résistance physique qui lui permette de créer. Ecrire pendant la journée pour le journal « Timpul », et créer des poésies pendant la nuit et recommencer le lendemain – cela exige une bonne résistance physique. Et Slavici pensait qu’Eminescu en était doté car autrement il n’aurait pas tenu autant d’années. Lorsque la maladie était à un stade avancé, Eminescu a également joui du soutien de ses amis».
Le 15 juin 1889, Mihai Eminescu quittait ce monde, à l’âge de 39 ans, dans un sanatorium de maladies psychiques à Bucarest. Une véritable légende fut créée autour de l’homme de culture et du patriote parfait, sa personnalité étant assez souvent reléguée au second plan. (trad.: Alexandra Pop)