Le Festival national de théâtre 2013
Le spectacle qui a ouvert la 23e édition du Festival national de théâtre et qui a bénéficié, d’ailleurs, du plus grand nombre de représentations dans ce festival a été « Les Troyennes », d’après Euripide, monté par le très connu metteur en scène Andrei Şerban. Ce spectacle, Andrei Şerban l’a réalisé pour la première fois en 1974, à New York, sur la scène du théâtre « La MaMa ». En 1990, il était mis en scène avec les comédiens du Théâtre national de Bucarest, en tant que partie médiane de la « Trilogie antique » ayant marqué, symboliquement, la renaissance du théâtre roumain.
Luana Pleşea, 09.11.2013, 13:00
En 2012, Andrei Şerban a repris « Les Troyennes », cette fois-ci avec les chanteurs de l’Opéra national de Iaşi. Pourquoi, Andrei Şerban ? « C’est que Beatrice Rancea, nommée à la tête de l’Opéra de Iaşi, avait fait partie, dans les années ’90, de l’équipe du Théâtre national de Bucarest où j’ai monté pour la première fois cette tragédie. Et elle a gardé la nostalgie de cette Trilogie, qu’elle voulait reprendre, d’une façon ou d’une autre. Pourquoi à l’Opéra ? Parce que « Les Troyennes » sont une sorte d’opéra, joué et chanté par les acteurs. Cette fois-ci, les personnages sont joués par des musiciens professionnels : chanteurs et cantatrices, chœur et solistes de l’Opéra de Iaşi, qui ont été ravis de vivre cette expérience tout à fait différente de ce qu’ils font d’habitude. Cela a été également une expérience pour les jeunes spectateurs, qui n’étaient pas encore nés en ’90. Certains d’entre eux apprennent à l’école ce qu’a représenté cette Trilogie, entrée aussi bien en Roumanie qu’aux Etats-Unis dans l’histoire du théâtre. »
Andrei Şerban estime que « Les Troyennes » trouvent très bien leur place dans le contexte social actuel : « C’est une tragédie écrite il y a 2.500 ans, mais qui est universelle. Je pense que toutes les périodes sont marquées par des tensions, dans ce qui se passe sur la scène, on peut trouver des références à ce que la liberté ou la prison signifient sur le plan social ou sur un plan purement humain — car il existe en nous-mêmes une prison et un désir de liberté. Ces deux mots sont extrêmement présents dans le spectacle et les spectateurs qui l’ont vu il y a 20 ans et sont revenus le revoir maintenant, ont affirmé — à ma grande joie — qu’il a la même force, la même vitalité, la même fraîcheur qu’en ’90. »
Le public de l’édition 2013 du Festival national de théâtre, achevée le 3 novembre, a pu voir en avant-première, pour ainsi dire, le spectacle qui sera présenté en 2014, dans la sélection officielle du Festival d’Avignon, en France, et qui est inclus dans la saison du Théâtre national de Bruxelles.
Le spectacle, appelé « Solitaritate » – Solitarité et signé par Gianina Cărbunariu, est le fruit d’une collaboration du Théâtre national « Radu Stanca » de Sibiu et du Théâtre national de la communauté française de Bruxelles avec le Festival de théâtre d’Avignon, dans le cadre du projet européen Cities on stage / Villes en scène. « Solitaritate » s’inspire des réalités roumaines, pourtant, ses symboles se retrouvent, sous une forme ou une autre, dans tout espace social du XXIe siècle. Gianina Cărbunariu: « Ce sont des symboles spécifiquement roumains, mais je pense qu’aujourd’hui, le monde entier est confronté aux mêmes problèmes: nationalisme, rejet des valeurs autres que celles traditionnelles, problèmes d’identité. Je ne me suis pas proposé de montrer la Roumanie mais de monter un spectacle à partir de choses que je connais. Il me semble que la question du nationalisme découle de la volonté d’affirmer une identité et, le plus souvent, de l’affirmer beaucoup trop fort, de manière agressive, violentant les autres. Solution perdante à cour, moyen et long terme. C’est plutôt le manque de solidarité qui m’a intéressée — et pas uniquement en Roumanie. Je souhaite poser des questions au public, aux acteurs et à moi-même : Pourquoi ne sommes-nous pas capables d’être solidaires ? Pourquoi ne sommes-nous pas capables d’obtenir ensemble certaines choses ? Ou pourquoi les moments de solidarité sont-ils si rares ? Car ils existent. Il nous faut trop de temps pour nous rendre compte que nous pouvons réaliser des choses si nous unissons nos forces, à un moment donné. »
Dans section « Les acteurs au premier plan » du Festival national de théâtre a figuré un spectacle impossible à oublier, ne serait-ce que grâce au texte : « Illusions », sur un texte écrit par le dramaturge russe contemporain Ivan Vyrypaev. Ce spectacle, mis en scène par Cristi Juncu raconte une histoire de vie écrite et interprétée avec beaucoup de réalisme. Le comédien Andi Vasluianu raconte comment il a vécu la rencontre avec le texte de Vyrypaev : « Lorsque Cristi Juncu me l’a envoyé pour le lire, je lui ai dit qu’il me semblait terriblement difficile à réaliser. Et non seulement du point de vue du jeu des acteurs. Je me suis posé beaucoup de questions concernant le public, s’il est préparé pour accepter ce texte. Car ce spectacle dépend beaucoup du public, de sa capacité d’accepter et de suivre cette histoire. Ce qui m’a ému, moi, dans cette histoire, c’est l’illusion de la vie. Combien de fois nous tombons dans le piège de cette illusion, combien de fois nous avons l’impression que nous savons de quoi il s’agit et, en fait, une seule phrase peut nous changer la vie. Une phrase qui peut être une illusion, un mensonge. C’est cela, ce texte. »
Lors de la cérémonie de clôture de la 23e édition du Festival national de théâtre organisé par l’Union théâtrale de Roumanie (UNITER) du 25 octobre au 3 novembre, l’Association internationale des critiques de théâtre a accordé le prix du « Théâtre de demain » au spectacle « Un tramway nommé désir » de Tennessee Williams, mis en scène par Andrei et Andreea Grosu, une production UNTEATRU de Bucarest. (trad.: Dominique)