Le surréaliste Gherasim Luca
La revue mensuelle « Dilemateca » annonçait récemment la découverte du manuscrit, en roumain, du Vampire passif, texte essentiel pour le surréalisme roumain.
România Internațional, 21.09.2013, 13:00
La revue mensuelle « Dilemateca » annonçait récemment la découverte du manuscrit, en roumain, du Vampire passif, texte essentiel pour le surréalisme roumain.
On savait, jusqu’ici, que Le vampire passif avait été écrit directement en français. L’édition originale de ce texte est parue en français, en 1945, à Bucarest, aux Éditions de l’Oubli. Le manuscrit rédigé en roumain fera avancer les recherches sur l’œuvre de Gherasim Luca. Une édition bilingue du Vampire passif est en préparation aux Maisons d’édition Vinea.
Gherasim Luca est né à Bucarest. Son père, Berl Locker, était un tailleur juif, qui allait décéder une année après la naissance de son fils. Gherasim Luca parlait 4 langues : yiddish, roumain, allemand et français. Dès 1938, il commence à voyager fréquemment à Paris, où il intègre vite les cercles artistiques du mouvement surréaliste. La deuxième guerre mondiale éclate, l’antisémitisme s’accentue en Roumanie, ce qui le détermine à choisir l’exil.
En 1945 déjà, il fondait un groupe d’artistes surréalistes dont faisaient partie, entre autres, Gellu Naum, Paul Păun, Virgil Theodorescu et Dolfi Trost. Peu après, il commence à publier — y compris des poèmes en français. Il a inventé une technique surréaliste de collage appelée la cubomanie. C’est toujours lui l’auteur du célèbre manifeste « Dialectique de la dialectique », qu’il a écrit en collaboration avec Dolfi Trost. Harcelé et capturé alors qu’il essayait de fuir le pays, l’étran-juif, comme il se définissait lui-même, a quitté la Roumanie en 1952 pour se rendre à Paris, via Israël. Le 9 février 1994, il se suicidait, en se jetant dans la Seine.
Gherasim Luca, de son vrai nom Salman Locker, alias Costea Sar et Petre Malcoci, a été non seulement un poète, mais aussi un théoricien du surréalisme fréquemment cité par Gilles Deleuze et Félix Guattari. Il rejoint, dès son très jeune âge, le mouvement d’avant-garde, devenant un membre important du groupe surréaliste « Alge » (Algues). Il fait partie de la famille spirituelle de Sade, Lautréamont, Rimbaud, Huysmans, Breton. L’un des exégètes de Gherasim Luca, le professeur Ion Pop, de Cluj-Napoca, définit ce poète en quelques mots : « Durant les dernières années de sa vie, Gherasim Luca a fait sensation avec plusieurs lectures publiques. Il avait un véritable talent de la déclamation. J’ai écouté et regardé certains des enregistrements conservés et j’ai constaté aussi qu’il parlait avec un fort accent roumain. Il a publié des livres d’une grande diversité, fruit de son inventivité débordante. Gherasim Luca misait sur une sorte d’homophonies, de jeux de mots, car chez lui, le côté ludique du langage était très marqué. Il est actuellement, sans doute, un des noms importants de la poésie française. Il a eu une existence très intéressante ; pourtant, il a vécu dans l’isolement, étant plutôt marginalisé et ne bénéficiant que très tard de la reconnaissance littéraire.
Pour marquer le centenaire de la naissance du poète Gherasim Luca, le 6 septembre, le Musée du Paysan roumain de Bucarest lui a dédié une soirée littéraire, avec la participation du poète Valery Oişteanu, établi aux Etats-Unis. (Trad.: Dominique)