Les forêts vierges de Strâmbu Băiuț
Remontant dans l’histoire, le Maramures s’érigeait en une véritable forteresse naturelle, recouverte presque entièrement de bois millénaires, difficilement pénétrables. Les natifs du Maramureș observaient même des rituels avant de pénétrer dans ses bois, et le lien que l’homme du pays avait développé avec la forêt était loin d’être purement utilitaire, la forêt étant partie intrinsèque de leur spiritualité. Mais les gens du coin savaient aussi mettre à profit au mieux cette richesse naturelle dont ils disposaient. Ils choisissaient de couper, par exemple, les arbres qui se trouvaient au milieu de la forêt, situés sur les versants baignés par le soleil, célèbres pour leur résistance, pour ériger les églises en bois bien connues de la région. Aussi, les coupes se pratiquaient-elles les deux premiers mois de l’année, lorsque l’humidité est faible et que le bois est protégé des attaques de caries.
România Internațional, 28.12.2019, 12:25
Remontant dans l’histoire, le Maramures s’érigeait en une véritable forteresse naturelle, recouverte presque entièrement de bois millénaires, difficilement pénétrables. Les natifs du Maramureș observaient même des rituels avant de pénétrer dans ses bois, et le lien que l’homme du pays avait développé avec la forêt était loin d’être purement utilitaire, la forêt étant partie intrinsèque de leur spiritualité. Mais les gens du coin savaient aussi mettre à profit au mieux cette richesse naturelle dont ils disposaient. Ils choisissaient de couper, par exemple, les arbres qui se trouvaient au milieu de la forêt, situés sur les versants baignés par le soleil, célèbres pour leur résistance, pour ériger les églises en bois bien connues de la région. Aussi, les coupes se pratiquaient-elles les deux premiers mois de l’année, lorsque l’humidité est faible et que le bois est protégé des attaques de caries.
A présent, les forêts vierges du Maramures rétrécissent comme une peau de chagrin. Selon les estimations, seuls 3% de la superficie boisée du pays, soit 250 milliers d’hectares, seraient encore recouverts par des forêts d’origine. A Strâmbu Băiut, dans les Monts Tibleș, l’on retrouve une telle zone, recouverte des bois séculaires, qui abrite une flore et une faune particulièrement riches. En effet, les arbres séculaires protègent la vie de plus de dix mille espèces, depuis les organismes unicellulaires et jusqu’aux grands mammifères, en passant par les insectes et les plantes. Selon Calin Ardelean, responsable de projet chez WWF Roumanie, les autorités locales envisageraient de développer le tourisme dans la région pour mettre à profit sa richesse.
Călin Ardelean : « Les forêts vierges de Strâmbu Băiuț recouvrent une superficie de 3000 hectares. Pendant des millénaires, l’intervention de l’homme a été comme inexistante. Elles ne sont pas exploitées et ne subissent aucun travail d’aménagement. Les processus naturels se déroulent aujourd’hui de la même façon qu’il y a mille ans. Cela nous offre un espace de recherche inouï, par exemple pour comprendre la manière dont le réchauffement climatique impacte sur les écosystèmes naturels, les dérèglements qu’il provoque sur des écosystèmes pratiquement isolés. »
Strâmbu Băiuț fait partie d’une ancienne région minière. L’on atteste l’existence des exploitations aurifères dès 1315 dans la région des sources Lăpuș. Après 1989, avec la chute du régime communiste, l’activité minière de la zone a progressivement diminué, les anciens mineurs quittant parfois la région pour trouver du travail ailleurs. L’année dernière, les autorités ont lancé un vaste projet pour assurer la conservation de la biodiversité, en promouvant les ressources et les valeurs locales au bénéfice de la communauté qui vit dans la région des Monts Lapus. Cela représente le passage obligé d’une exploitation minière peu soucieuse de la préservation de l’environnement au développement durable que pourrait assurer le tourisme.
Călin Ardelean : « L’idée, c’est de faire de la forêt vierge la nouvelle ressource d’or pour les habitants de la région. WWF Roumanie a démarré un projet de planification du développement local de la zone de Strâmbu Băiuț et du village Poiana Botizi, les deux villages qui se trouvent à proximité de l’aire naturelle protégée. Nous avons concentré nos recherches sur le potentiel qu’offre l’environnement. En fait, si l’on pratiquait l’exploitation brute des ressources naturelles, du bois et de l’eau minérale, les retombées financières s’élèveraient à 250 mille euros par an. En revanche, si la région est judicieusement exploitée en termes de recherche scientifique, tourisme, éducation et ainsi de suite, l’on pourrait arriver à des retombées financières avoisinant les dix millions d’euros par an, ce qui est complètement différent. Mais pour cela, il faudrait ériger une infrastructure adaptée, afin d’accroître le nombre des touristes, qui pourraient aller à terme jusqu’à dix mille visiteurs par an ».
Le tourisme constitue très certainement l’un des moyens privilégiés pour valoriser l’aire naturelle protégée, arguent les spécialistes. Des événements censés promouvoir l’aire naturelle protégée ont déjà été mis en route. Le planning prévoit par la suite la construction de la petite infrastructure, indispensable au développement du tourisme durable. Des aires de parking et des aires de camping attendent d’être aménagées, tout comme les sentiers et la signalétique appropriée. Enfin, l’étape de la construction de l’infrastructure touristique proprement dite, destinée à l’accueil des touristes, est envisagée pour la suite. Les randonnées organisées à travers les forêts vierges de Strâmbu Băiuţ se feront par groupes de 20 personnes au grand maximum, accompagnés par des guides locaux, et en suivant des parcours strictement délimités, pour éviter d’empiéter sur la quiétude de la faune locale.
Călin Ardelean : « Il s’agit des forêts vierges où l’on retrouve des arbres très vieux, arrivés au terme de leur vie biologique, des arbres de 400 ou 500 ans, certains qui sont tombés et qui sont entrés dans le processus de décomposition, régénérant en cela le sol et constituant le riche terroir de nouvelles générations. En automne et au printemps, il y a une telle richesse de couleurs, c’est carrément spectaculaire ! Au printemps, le hêtre se pare d’un vert très cru, qui se transforme en jaune doré. La variété du relief fait en sorte que les sentiers thématiques traversent des paysages très divers. Cette forêt, énormément riche, surprend. Il est facile de s’y perdre dès que l’on s’écarte du sentier. L’on y perd facilement ses repères. »
Les forêts vierges de Strîmbu-Băiuț et de Groșii Tibleșului ont rejoint en 2017, avec les autres forêts vierges de Roumanie, la liste du Patrimoine mondiale de l’UNESCO. Cela fait que les règles pour régir leur conservation doivent être strictement observées. A mentionner aussi, élément notable, que la Roumanie compte plus d’un quart des forêts de hêtre du continent européen. (Trad. Ionut Jugureanu)