Protéger ou chasser les ours des Carpates?
Les Carpates roumaines abritent près de la moitié des grands carnivores d’Europe. Le plus grand parmi les grands est « le roi des forêts » – l’ours brun, espèce protégée dans l’UE et figurant sur la « liste rouge » des espèces menacées. Si dans de nombreux pays européens, les ours ont quitté leurs habitats naturels -détruits par l’intervention humaine – dans les forêts de Roumanie vivent encore des populations viables, mais difficiles à gérer. Depuis quelques années, les ours descendent dans les zones habitées et y provoquent des dégâts. Personnes blessées, animaux domestiques tués, cultures, bergeries et ruchers endommagés – voilà le bilan de ces visites de l’ours. Les autorités locales de plusieurs comtés des zones de montagne semblent ne pas pouvoir gérer la situation et demandent au ministère de l’Environnement d’intervenir pour résoudre ce problème.
România Internațional, 24.11.2017, 13:05
Les Carpates roumaines abritent près de la moitié des grands carnivores d’Europe. Le plus grand parmi les grands est « le roi des forêts » – l’ours brun, espèce protégée dans l’UE et figurant sur la « liste rouge » des espèces menacées. Si dans de nombreux pays européens, les ours ont quitté leurs habitats naturels -détruits par l’intervention humaine – dans les forêts de Roumanie vivent encore des populations viables, mais difficiles à gérer. Depuis quelques années, les ours descendent dans les zones habitées et y provoquent des dégâts. Personnes blessées, animaux domestiques tués, cultures, bergeries et ruchers endommagés – voilà le bilan de ces visites de l’ours. Les autorités locales de plusieurs comtés des zones de montagne semblent ne pas pouvoir gérer la situation et demandent au ministère de l’Environnement d’intervenir pour résoudre ce problème.
Pourquoi en est-on arrivé là ? Voici les explications de Cristian Papp, coordinateur du programme régional des Aires protégées menée par la branche roumaine du Fonds Mondial pour la Nature : « On en est arrivé là suite à un cumul de facteurs, dont la perte ou la fragmentation des habitats naturels de l’ours. Dans toutes les montagnes du pays des forêts sont abattues. La quantité de nourriture a également diminué, les espèces-proies sont de moins en moins nombreuses. Les fruits rouges se font eux de plus en plus rares, car on les cueille, pendant un mois ou deux chaque automne. Alors, les ours descendent dans les localités, attirés par les déchets accessibles et par les fruits des vergers. On peut pourtant parler aussi d’un changement du comportement de ces bêtes suite au management cynégétique pratiqué. Il y a des chasseurs qui nourrissent intensément l’ours pour le maintenir dans leurs fonds cynégétique. »
L’été dernier, 12 des 18 associations de chasse du comté de Harghita ont déposé des requêtes, demandant la permission d’abattre 73 ours et 12 loups. Le feu vert a été donné pour 6 exemplaires d’ours seulement, bien que 340 dégâts provoqués par des bêtes sauvages aient été enregistrés dans ce comté, dont 80 dus aux ours. Cet automne, le ministère de l’Environnement a approuvé la capture de 140 exemplaires dangereux sur l’ensemble du pays, ce qui, de l’avis des représentants des associations de chasse, est loin d’être suffisant. Par exemple, on estime que dans le comté de Covasna, l’effectif optimal d’ours se chiffrerait à 700 exemplaires, alors que leur nombre actuel est presque double.
Alors que les autorités locales demandent l’approbation d’urgence d’autorisations pour abattre des ours, les écologistes proposent des solutions non létales, pour protéger cette espèce. Ils rejettent le système des dérogations permettant de tuer des ours comme mesure préventive contre de nouveaux dégâts. A leur avis, le but caché de ces Associations est de pouvoir se livrer à la chasse aux trophées.
L’écologiste Gabriel Păun : « En fait, la principale cause de cette hystérie est la chasse aux trophées. A notre avis, c’est elle qui a engendré le problème auquel nous sommes confrontés actuellement. Si l’on jette un coup d’œil en arrière, on constate que jusque dans les années ’80 – ’90, la coexistence entre l’homme et l’ours fonctionnait très bien. Lorsque l’industrie des trophées a pris racine et a commencé à se développer en Roumanie, cette coexistence est devenue un problème qui a dégénéré en hystérie. Il faut dire que cette industrie apportait avec elle des services : l’installation, à proximité des communautés locales, de points d’observation pour la chasse à l’ours. La plupart d’entre eux se trouvent dans les comtés de Covasna et Harghita, qui comptent également, selon les estimations, les plus importantes populations d’ours. Et c’est toujours là que l’on enregistre les plus grands problèmes, car les ours y ont été attirés hors des forêts, amenés à leur lisière et même s’ils ne reçoivent plus de nourriture à proximité de ces points d’observation, on est confronté à des problèmes ».
De l’avis des écologistes, l’ours brun a besoin de vastes habitats qu’il puisse traverser sans se heurter à l’homme, par l’intermédiaire de certains couloirs de déplacement. La branche roumaine du Fonds Mondial pour la Nature a déjà mis en œuvre des projets et lancé des campagnes pour protéger les ours bruns des Carpates et leur milieu naturel.
Cristian Papp, coordinateur du programme régional des Aires protégées : « Entre 2012 et 2014 nous avons déroulé au Maramureş, dans l’extrême nord du pays, le projet « Frontières ouvertes pour les ours des Carpates de Roumanie et d’Ukraine». Le projet visait à préserver la biodiversité et à protéger les grands carnivores de cette région, en favorisant la connectivité écologique dans les Carpates et en diminuant le risque de fragmentation des habitats. Nous avons même identifié les besoins de reconstruction écologique de ces couloirs, qui suppose une utilisation durable des ressources naturelles. Toutes nos activités de conservation vont d’ailleurs de paire avec le développement durable des communautés. D’autres projets ont visé les Carpates du sud-ouest de la Roumanie, où nous avons essayé d’identifier les zones où les habitats de l’ours étaient en danger, les zones sauvages. « Transgreen » est un autre projet en déroulement. Il s’agit d’un projet international censé offrir des solutions pour une infrastructure de transport avec un impact réduit sur l’environnement. Avec le concours des responsables, nous avançons des solutions concrètes censées assurer le développement de l’infrastructure et préserver la connectivité écologique. Il s’agit donc d’une infrastructure verte, essentielle aussi bien pour l’homme que pour les animaux. « UE Grands Carnivores » est un autre projet en déroulement. C’est un projet Life, par le biais duquel nous essayons de diminuer ces conflits entre les hommes et les carnivores. Et là aussi, nous faisons attention à la connectivité écologique, car, dans certaines zones, c’est le manque de connectivité qui détermine les conflits entre les hommes et les ours. N’ayant pas des couloirs de déplacement pour passer d’une zone à l’autre, les ours peuvent arriver dans des zones habitées et alors, malheureusement, on assiste à des accidents qui devraient être évités ».
Les solutions proposées par les organisations écologistes sont multiples : mise en place de clôtures électriques, création d’un Service des urgences destiné aux animaux sauvages, meilleure gestion des déchets dans les localités situées au pied des montagnes. On a également proposé de transférer des ours vers d’autres zones, mais la plupart des exemplaires risquent de retourner dans les zones où ils ont été capturés.
Cependant, le ministère de l’Environnement est en train d’élaborer un plan de gestion des effectifs d’ours, document qu’il promet de soumettre au débat public en janvier prochain au plus tard. On envisage également de procéder à un recensement des ours des Carpates, pour savoir combien nous en avons, en fait. (Trad. : Dominique)